Une bio sans compromis
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Près de 35 ans après la dissolution du groupe culte Harmonium, Serge Fiori, un musicien qui a marqué toute une génération — et plus — se livre en toute simplicité et avec une transparence émouvante dans S’enlever du chemin, un ouvrage écrit par son amie et confidente Louise Thériault.
À la fois fort et fragile, il a relevé le défi, dévoilant ses bons jours et ses mauvais jours, les raisons de son retrait de la vie publique, et son envie de faire de nouveaux albums.
Son ex-amoureuse dépeint le grand musicien et compositeur avec tendresse, inspirée par des dizaines d’heures d’entrevues dans lesquelles Fiori a raconté tous les événements qui ont marqué sa vie privée et sa vie professionnelle.
Elle dépeint un homme entier, politiquement engagé, reconnaissant face au succès, généreux, drôle, talentueux. Mais aussi un homme terriblement anxieux, mal à l’aise en public, qui gère des problèmes de santé apparus à l’adolescence à la suite d’un bad trip qui a laissé de graves séquelles.
«Si j’avais pu, c’est sûr que j’aurais choisi un autre parcours parce que 40 ans de souffrance, c’est vraiment terrible. Tu te lèves et tout va bien, puis, à un moment donné, tu fais un black-out, tu perds tes mots. C’est très dur pour moi, en ce moment. Je ne veux pas être le centre d’attention; on dirait que ça amplifie mon état. Mais j’en parle, that’s it. Je me libère de ça», explique simplement Serge Fiori en entrevue, lors d’une visite à Québec.
«J’entends dire que je suis sur l’héroïne, que je suis un numéro, que je suis snob. Il y en a qui pensent des bonnes affaires sur moi, mais quand j’entends des rumeurs à mon sujet, ça me “bogue” en criss.»
L’Heptade comme si on y était
Toute la partie touchant la création de L’Heptade demeure pour Louise Thériault la plus bouleversante de la bio. «Ça a été des moments où lui et moi, on était émus aux larmes, sans mots. Ça lui a pris quelques jours à s’en remettre et moi aussi», commente Louise Thériault.
Serge Fiori acquiesce. «Tout a mené à L’Heptade et tout est parti de L’Heptade. Quand j’ai décrit tout ce qui s’est passé, je me suis ramassé drette là, dans la maison, chez nous. Ça a été la plus belle période, de vivre avec du monde comme ça. C’était la famille créative... Des mois de temps, juste faire de la musique, 16 heures par jour. Un été merveilleux. Une magie totale, vraiment. Quand L’Heptade a été finie, ça a été ma plus grande peine d’amour.» Il a raconté tout le processus de création. «C’est toute une période et je me pince tous les jours d’avoir pu vivre ça. J’ai été chanceux, ostie!»
Serge Fiori rappelle l’espèce de transe musicale qui s’installait lorsque Harmonium se produisait en public. «S’il y avait 5000 spectateurs, il fallait que les 5000 en-trent complètement dans la musique. On travaillait jusqu’à temps que tout le monde soit dedans. Et nous autres, on partait, complètement. Moi, dans le milieu du show, j’étais dans un autre état. J’étais complètement parti. Tu es entouré, en plus, de ce son-là... ça n’a pas de bon sens!»
Ses souvenirs sont impérissables. «Ça part pas. Ça fait partie de moi 24 heures par jour. Autant le monde qui nous a applaudis que moi, de le faire, c’est toujours en moi, tout le temps. Je n’ai pas de manque: je suis comblé.»
Nouvel album en chantier
À son avis, il serait impossible aujourd’hui de refaire L’Heptade. «Il n’y aurait pas une compagnie de disque qui voudrait faire ça. Le pire, c’est que si ça se faisait, ça marcherait au boutte! Les gens ont tellement soif de ça! Je fais mon nouvel album et je sens déjà l’intérêt et la curiosité des gens. Il y a un appel. Je suis vraiment intéressé par la composition, l’écriture, l’enregistrement. J’ai écrit 10 tounes comme je les écrivais dans le temps et là je suis fait: je vais passer l’été là-dessus.»
Acceptera-t-il de remonter sur scène? Sourire en coin. «C’est un grand désir. Tout le monde me demande ça. Mais à ce stade, je ne peux pas plus offrir de garanties qu’avant. Je sais comment je réagis dans ma vie, c’est bien, mais je ne sais pas comment je vais réagir dans ces circonstances. Je sais que je vais commencer mon show, mais je ne sais pas si je vais le finir; donc, qui va prendre une chance avec moi?» La pression, précise Louise, rend le problème encore pire. «Il faudrait que, sur le billet, ce soit marqué: aucune garantie!»
- Louise Thériault, Serge Fiori: S’enlever du chemin. Les Éditions du CRAM, 388 pages.
« En temps que benjamin du groupe, Serge veut non seulement s’intégrer mais aussi impressionner son monde, soulever les passions et faire swinguer ses amis. Il fonde la radio étudiante et devient D.J. Le local de la radio se situe au sous-sol du cégep, au bout d’un long corridor bordé de petits locaux. C’est là qu’un jour, une connaissance de Laval, en visite au cégep, offre un joint à Serge, composé de marijuana et d’un peu de LSD. Serge ne s’inquiète pas et en tire quelques bouffées. Ce matin-là, dans le local de la radio du cégep, au bout de ces interminables corridors, la vie de Serge Fiori va basculer: l’effet dévastateur de la drogue le frappe en plein fouet! C’est un véritable mur qui s’écroule sous lui. L’écho de cette chute dans le vide résonne encore en lui quand, quarante ans plus tard, en cours de séances d’hypnose, il tente de recoller les bouts de vie éparpillés par cette expérience traumatisante.»
— Louise Thériault, Serge Fiori: S’enlever du chemin