Marcher et mâcher de la gomme
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La surutilisation de la très délicate question identitaire chez les Québécois francophones, comme bouée de sauvetage partisane pour le Parti québécois (PQ), a déjà commencé à se retourner contre Pauline Marois.
C’était à prévoir. Un récent sondage montrait que ce dossier n’était nullement prioritaire pour la population. Or, jeudi, alors même que les élus péquistes et libéraux étaient réunis dans l’Est-du-Québec pour préparer la rentrée parlementaire, Desjardins a jeté tout un pavé dans la mare péquiste: «L’économie du Québec est en panne», avertissait notre plus importante institution financière, plus souvent qu’autrement une alliée du PQ dans l’histoire des 40 dernières années.
Pendant que le gouvernement, minoritaire, relance de déchirants débats sociaux sur la laïcité qui ne mèneront nulle part, le secteur manufacturier stagne, la construction a ralenti, les pertes d’emplois s’additionnent.
Pauline Marois a été contrainte de sortir l’argument qu’il est possible de faire deux choses à la fois, c’est-à-dire s’occuper à la fois d’économie et des accommodements raisonnables, surtout quand on est une femme, a-t-elle ironisé, pour se justifier d’avoir enflammé ce dossier depuis quelques jours pendant que le bateau prenait l’eau. Ou de marcher et de mâcher de la gomme en même temps, disait Jacques Parizeau.
Recentrer le tir
Mme Marois suppliait presque les journalistes à la fin de la réunion de coordination des députés péquistes à Carleton-sur-Mer, en Gaspésie, de lui poser des questions sur l’économie pour qu’elle puisse réajuster publiquement le tir politique du gouvernement.
Le premier objectif de l’automne est devenu la création d’emplois. La deuxième priorité sera la solidarité, soit de «prendre soin de notre monde comme du monde», dans la foulée de son fructueux marrainage de la population de Lac-Mégantic au cours de l’été. La question identitaire a glissé au troisième rang. Parallèlement, la refonte de la loi 101 a été mise sur la glace; le psychodrame de la charte de la laïcité risque déjà de prendre le même chemin.
Marques de commerce
Le gouvernement n’a d’autre choix que de revenir aux véritables préoccupations de la population et des décideurs: la panne dans laquelle notre économie est plongée et nos finances publiques.
L’économie n’est toutefois pas la marque de commerce du PQ et en particulier du présent gouvernement. Les prévisions du ministre des Finances, Nicolas Marceau, ne tiennent pas la route. La ministre déléguée à la Politique industrielle, Élaine Zakaïb, fait l’objet d’un avis de recherche. La ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, a dû être placée sous un moratoire au printemps. Heureusement, diront plusieurs. Le task force économique improvisé de la rentrée est complété par deux ex-journalistes beaux parleurs, Jean-François Lisée et Pierre Duchesne.
Panne contagieuse
Le chef du Parti libéral du Québec, Philippe Couillard, a facilement damé le pion à la première ministre sur le terrain de l’économie, cette semaine, en lui soumettant sur-le-champ des pistes d’actions concrètes pour réparer la panne signalée par Desjardins. Le talon d’Achille du gouvernement lui était offert sur un plateau.
Coïncidence gênante pour Desjardins toutefois: le même jour où l’institution ameutait le Québec sur notre panne économique collective, son propre site transactionnel, Accès D, était... en panne. Les deux nouvelles s’enchaînaient dans les bulletins d’information. Chez Desjardins, on a été incapable jeudi de marcher et de mâcher de la gomme en même temps! C’était cocasse.