Une plaie toujours ouverte
Les victimes d’actes criminels peinent à se remettre du drame tant que les procédures judiciaires sont en cour
Les victimes d’actes criminels et leur famille sont les premières à souffrir des interminables délais du système de justice.
«C’est très dur de penser à autre chose pendant les procédures judiciaires. On survit à travers ça, on ne vit pas», raconte Louise Roux.
La mère de Tom Desaulniers a passé cinq ans à suivre le parcours au tribunal du chauffard ivre qui a percuté la voiture de son fils. Ce dernier, un militaire qui revenait au bercail après une mission en Afghanistan, n’a pas survécu.
À chacune des 24 audiences, elle a dû prendre congé de son travail, sans salaire, en plus des frais occasionnés par le voyage entre sa résidence de Victoriaville, et le palais de justice de Saint-Hyacinthe.
«C’est important d’être là, confie-t-elle, la voix empreinte d’émotion. C’est la dernière chose que je pouvais faire pour Tom.»
Plus les délais sont longs, moins l’employeur est conciliant.
«Un an ou deux, ça va, mais ça finit par faire des tensions au travail», mentionne Isabelle Gaston, dont les enfants ont été tués par son ex-conjoint Guy Turcotte.
Côtoyer l’accusé
Côtoyer l’accusé au tribunal pendant des années peut aussi être frustrant pour les victimes.
«L’entendre dire qu’il a changé, qu’il a pris sa vie en mains... raconte avec colère Nicola Di Iorio. C’est trois années d’usure émotive.»
Sa fille Claudia a été sévèrement blessée quand la voiture dans laquelle elle prenait place avec deux autres amies s’est fracassée contre un arbre en 2010. Le conducteur, qui roulait à au moins 90 km/h dans une zone résidentielle, vient tout juste d’écoper d’une peine de prison.
Au fil des années, l’entourage se lasse aussi d’entendre parler des démarches judiciaires.
«J’ai un très bon support, j’ai gardé tous mes amis, mais j’ai dosé, raconte Mme Gaston. Parfois, j’arrive du tribunal administratif, j’ai le goût d’en parler, mais je ne le fais pas, je n’ai pas le goût de devenir lourde.»
La victime en vient même à se culpabiliser, selon M. Di Iorio.
«Est-ce que j’aurais dû être plus vigilant? [...] Tant qu’il n’est pas sanctionné, il est toujours possible qu’il s’en sorte. On se dit que si ce n’est pas de sa faute, ça doit être de la mienne», dit-il.