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Le Québec | Une histoire de famille

Les Picard

La bête noire de Duplessis

Les Picard

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Anticommuniste et fin tacticien, Maurice Duplessis avait tendance à associer les chefs syndicaux à de dangereux fauteurs de troubles qui rêvaient d’importer la Révolution bolchevik dans la paisible province de Québec. L’un d’entre eux, Gérard Picard, fut même l’objet d’une attention bien particulière...

Anticommuniste et fin tacticien, Maurice Duplessis avait tendance à associer les chefs syndicaux à de dangereux fauteurs de troubles qui rêvaient d’importer la Révolution bolchevik dans la paisible province de Québec. L’un d’entre eux, Gérard Picard, fut même l’objet d’une attention bien particulière...

À l’origine, le Picard était un habitant de la Picardie, une jolie région de France située au nord de Paris et dont les roses ont inspiré une magnifique chanson d’Yves Montand. L’un des principaux ancêtres des Picard du Québec se nommait Philippe Destroismaisons dit Picard. Ce cordonnier de métier arrive en Nouvelle-France autour de 1666 et marie, en 1669, la fille du roy Martine Crosnier. Le couple aura douze enfants. Parmi les lointains descendants, la grande actrice Béatrice Picard, devenue célèbre grâce à son interprétation d’Angélina dans le téléroman Le Survenant.

SYNDICATS « CATHOLIQUES »

Gérard Picard compte aussi parmi les autres descendants célèbres de cette famille. Né à Stratford dans les Cantons- de-l’Est en 1907, il fait son cours commercial à Sherbrooke et complète son cours classique à Québec. Après avoir étudié le droit à l’Université Laval, il devient journaliste à L’Action catholique et couvre les affaires syndicales.

Jusque tard au 19e siècle, l’Église voyait le syndicalisme d’un très mauvais œil. Il faut dire que les premiers syndicats québécois étaient le plus souvent affiliés à des organisations américaines, donc protestantes. Les évêques accusaient ces organisations d’importer la discorde.

Avec l’encyclique Rerum novarum (1891), l’Église s’ouvre à la question sociale et accepte que les ouvriers s’organisent et revendiquent de meilleures conditions de travail, mais à la condition d’être chapeautés par un aumônier et de respecter l’ordre établi. Peu à peu naissent donc des syndicats «catholiques». En 1921, ceux-ci se regroupent au sein de la Confédération des travailleurs catholiques du Canada, la CTCC – ancêtre de la CSN actuelle. De 1946 à 1957, Gérard Picard en est le président.

Le Québec de ces années-là est très prospère. Lorsque l’économie marche à plein régime, les ouvriers ont un meilleur rapport de force. Sous le règne de Gérard Picard, les grèves sont donc nombreuses et les effectifs de la CTCC passent de 63 000 à près de 100 000 membres.

ASBESTOS ET « BILL » PICARD

Sans contredit, la grève la plus spectaculaire eut lieu dans la ville minière d’Asbestos, durant l’hiver 1949. Les travailleurs de la John-Mansville réclament de meilleurs salaires, un environnement de travail plus salubre et une voix au chapitre sur les grandes décisions. Lewis H. Brown, le grand patron, accuse les leaders syndicaux de propager des «doctrines révolutionnaires». Pendant plusieurs mois, la ville est complètement paralysée, le Québec entier polarisé, la police provinciale appelée en renfort. Le 1er mai – fête des travailleurs – l’évêque de Montréal, Joseph Charbonneau, lance un appel à la solidarité et défie l’autorité de Maurice Duplessis.

Même si les mineurs d’Asbestos n’obtiennent pas tout ce qu’ils souhaitent et que Mgr Charbonneau est mystérieusement destitué, cette grève marque les esprits. Gérard Picard, Jean Marchand, Michel Chartrand et d’autres chefs de la CTCC ont tenu tête au chef de la toute puissante Union nationale. Autoritaire et souvent rancunier, Maurice Duplessis s’en souviendra longtemps.

Autour de 1952, Gérard Picard se retrouve en Cour pour excès de vitesse à Saint-Janvier (Laurentides). Pour cette infraction somme toute mineure, le juge de Saint-Jérôme, nommé par Duplessis, le prive de son permis de «chauffeur». Pour contourner ce jugement trop sévère, Picard demande un autre permis, celui de «conducteur». Informé de l’astuce, le chef du gouvernement en personne aurait amendé la loi et ainsi priver pour de bon Gérard Picard de son permis. Ce «bill Picard» deviendra tristement célèbre...

Jusqu’à son décès en 1980, l’ancien chef de la CTCC restera fidèle à ses convictions qu’il partagera avec des militants et des étudiants.

(Merci à Normand Ouellet du centre de documentation de la CSN)

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