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Le Québec | Une histoire de famille

Les Delisle

Fleuron de l’industrie laitière

Les Delisle

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Longtemps, les gens se sont méfiés du yogourt. «Du lait caillé!», répétaient certains, convaincus qu’il s’agissait de lait trop longtemps fermenté. Non sans peine, l’entrepreneur Jude Delisle réussira à renverser la vapeur et à développer l’un des fleurons de l’industrie laitière québécoise.

Longtemps, les gens se sont méfiés du yogourt. «Du lait caillé!», répétaient certains, convaincus qu’il s’agissait de lait trop longtemps fermenté. Non sans peine, l’entrepreneur Jude Delisle réussira à renverser la vapeur et à développer l’un des fleurons de l’industrie laitière québécoise.

Les Delisle ont plusieurs ancêtres. Pour certains de ces pionniers, ce patronyme était leur seul nom de famille, pour d’autres, il s’agissait d’un surnom. Originaires de l’île de Ré, en face de La Rochelle, les pionniers Jacques Larrivée et André Bonin étaient aussi dits Delisle.

L’un des pionniers les plus importants de cette famille se prénommait Louis. Né en 1645 en Haute-Normandie, il émigre en Nouvelle-France vers 1667 et épouse la fille du roy Louise Desgranges le 15 octobre 1669. Le couple, qui aura 10 enfants, s’installe à Neuville. Leurs nombreux descendants peupleront les Écureuils, Cap-Santé et Deschambault, les plus beaux villages du comté de Portneuf.

DÉBUTS DE L’INDUSTRIE LAITIÈRE

Au milieu du 19e siè­cle, l’agriculture québécoise bat de l’aile. Les fermiers de l’Ouest produisent du blé de meilleure qualité et en plus grande quantité. Aussi, les chemins de fer transportent désormais rapidement cette céréale essentielle dans les grands ports de l’Atlantique. Pour survivre, les cultivateurs canadiens-français doivent absolument trouver de nouvelles niches.

C’est dans ce contexte que se développe l’industrie laitière. Une première fromagerie est inaugurée à Dunham en 1865. Au début du 20e siècle, le Québec compte déjà plus de 2300 fabriques de fromage dans les Bois-Francs, la vallée du Richelieu, la Montérégie et les Cantons de l’Est. En 1882, des agriculteurs fondent la Société d’industrie laitière et, 10 ans plus tard, le gouvernement inaugure l’École de laiterie de Saint-Hyacinthe, dont les cours ne seront cependant obligatoires qu’à partir de 1912.

De 1890 à 1920, les affaires sont bonnes. Grâce à l’effet combiné de l’immigration et de la croissance urbaine, le marché intérieur prend de l’expansion. Le cheddar d’ici est également très appré­cié par les Britanniques, même si la concurrence internationale est féroce. À partir des années 1920, les producteurs de fromage de la Nouvelle-Zélande supplantent les fromagers d’ici. Pour se maintenir à flot, les producteurs laitiers doivent donc se diversifier. Certains se tournent vers la crème glacée, d’autres, plus audacieux, vers le yogourt.

UN PRODUIT CHIC

C’est le cas de Jude Delisle, le fils d’un entrepreneur de Trois-Rivières, auquel l’écrivain Victor-Lévy Beaulieu (VLB) a consacré un beau livre de souvenirs. Après avoir vendu à Catelli sa fabrique de pâtes, il part pour l’Europe avec son frère en 1928. Il découvre les magnifiques cathédrales et les bonnes tables de l’Italie et de la France. Une curiosité attire vite son attention sur les menus parisiens: le yogourt, qu’on offre au dessert. Il en devient vite un fervent adepte!

«À l’instar des Français, écrit-il, je mangeais mon yogourt à tous les repas. Mais une fois de retour au Québec, je ne pouvais plus m’en passer. Il fallait donc que je trouve le moyen d’en fabriquer au pays après mon voyage. Mais comment?» Aiguillonné par un chercheur de l’Institut Pasteur, il met au point sa propre recette et ouvre sa première fabrique rue Duluth, à Montréal, en 1931.

Les premiers clients de Jude Delisle sont ce qu’on appelle alors des «retours d’Europe», c’est-à-dire des Canadiens français qui, comme lui, ont voyagé en France et apprécié sa gastronomie. Ils viennent souvent des quartiers bourgeois de la ville pour s’approvisionner. Offrir un yogourt au dessert rappelle les années de jeunesse en Europe. C’est chic!

Même le maire Camilien Houde en raffole. En 1951, Jude Delisle obtient un permis pour construire une nouvelle fabrique rue Berri. Le prix à payer? Quelques pots de yogourt sur le bureau du premier magistrat tous les matins!


(Victor-Lévy Beaulieu, Célébration du yogourt, vlb, 1981)

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