Coincé dans mon corps
On ne fera jamais un marathonien d’Usain Bolt ni un sprinter de Mo Farah. C’est comme ça et j’ai appris à me raisonner que je ne serai jamais autre chose qu’un sprinter et qu’on ne peut pas changer nos fibres musculaires.
Alors, je dois contenir mes envies. Je suis jaloux de ces patineurs qui peuvent gagner trois épreuves, comme les Américains Shani Davis et Brian Hansen et le Hollandais Koen Verweij. Ces gars-là m’impressionnent.
Pour ainsi dire, je suis coincé dans mon corps puisque, dans l’âme, je pense que je suis un gars de longue distance. J’envie ces gars du 1500 m qui finissent fort leur course. Ça doit être tellement grisant de filer encore en vitesse à la fin d’un 1500 m.
JE DOIS INSISTER
Quand on n’est pas en période de compétition, j’aime en profiter pour enfiler des tours. L’autre jour, il y avait un départ en groupe avec les autres patineurs du Centre national d’entraînement et j’ai insisté auprès des entraîneurs pour y participer. Je voulais faire les 20 tours. Il n’y a pas beaucoup de sprinteurs de la Coupe du monde qui insisteraient puisque la plupart que je côtoie, comme les Japonais, se limitent à faire un ou deux tours de réchauffement.
Je sais que je me fais laver durant ces courses en groupe, mais je suis content de le faire. Je «tripe». Quand je me prête à ce genre d’exercice ou même à un 1500 m, je sais que je vais exploser. Je termine complètement vidé, mais j’ai du plaisir. Je m’imagine comment je m’amuserais si ce genre de course me convenait.
Il arrive que je m’obstine avec mon entraîneur, Gregor Jelonek, à ce sujet. Il me dit que ça ne sert à rien de faire des entraînements de longue distance, alors que je lui réponds que j’aime ça, tout simplement. J’ai fait un 5000 m pour mon plaisir l’an passé et j’ai été pourri tellement que je n’avais même pas amélioré mon chrono réussi à l’âge de 17 ans. J’avoue que ce 5000 m m’a mis à terre, que je suis tombé malade et que j’ai dû me mettre au repos pendant une semaine.
JE RÊVE AU 1500 M
C’est peut-être une naïveté de jeunesse, mais je n’ai pas abandonné l’idée de faire un jour le 1500 m sur la Coupe du monde. Je n’ai sans doute pas raison et je devrai user de la sagesse pour me consacrer au 500 m et au 1000 m, dans lesquels je pense mieux performer.
D’ailleurs, dans des dizaines d’années, la question d’un quiz pourrait surprendre: dans quelle distance Laurent Dubreuil s’est-il qualifié pour la première fois en Coupe du monde? La réponse: au 1500 m. C’était arrivé lorsque j’étais encore d’âge junior. Cette année-là, je m’étais qualifié au 500 m, mais j’avais aussi réussi au 1500 m...deux jours plus tôt. C’était donc avant!
— Propos recueillis par Alain Bergeron