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La santé, une compétence concurrente



La Cour suprême du Canada a rendu le 6 février dernier son arrêt historique sur l’aide à mourir.

Dans cette décision, la Cour déclare invalides les dispositions du Code criminel portant sur ce sujet, dans la mesure où (1) il s’agit d’une aide médicale à mourir, (2) cette aide est accordée à une personne adulte, (3) cette personne consent clairement à mettre fin à sa vie, (4) cette personne est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables, et (5) cette personne vit des souffrances persistantes et intolérables. La Cour a suspendu sa déclaration d’invalidité pendant un an, question de permettre aux législateurs, tant fédéral que provinciaux, de réagir s’ils veulent éviter un vide juridique.

Comme on peut le constater, il s’agit d’une décision pondérée, fondée essentiellement sur l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, lequel énonce le «droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne».

Mais ce qui ne doit pas nous échapper, c’est que la Cour suprême a aussi reconnu que la santé est de compétence concurrente et que le Parlement canadien et les législatures provinciales peuvent validement légiférer dans ce domaine. Cette conclusion de la part de la Cour va directement à l’encontre de la croyance longtemps véhiculée dans certains milieux québécois, voulant que la santé soit une matière de compétence exclusivement provinciale.

« Cohabitation »

Il faut savoir que, depuis un certain temps déjà, la Cour suprême a tendance à favoriser la présence des deux ordres de gouvernement — fédéral et provincial — dans le même espace législatif. C’est-à-dire que la Cour suprême autorise aisément et largement la «cohabitation» du fédéral et des provinces dans les mêmes matières.

Plutôt que d’appliquer strictement le partage des compétences législatives entre le Parlement canadien et les législatures provinciales, la Cour suprême a de plus en plus recours à des doctrines constitutionnelles qui permettent à chaque ordre de gouvernement de légiférer à l’égard du même sujet, quitte à accorder la prépondérance à la loi fédérale sur la ou les lois provinciales concernées en cas de conflit.

Ce faisant, la Cour suprême se dégage de sa responsabilité d’arbitre constitutionnel et laisse aux acteurs politiques le soin de s’occuper eux-mêmes (dans le cadre de leurs relations intergouvernementales) de la coordination de leurs politiques ou de leurs mesures législatives.

Pareil courant jurisprudentiel n’est pas mauvais en soi. Il permet à la Cour suprême d’éviter de s’enferrer dans une interprétation tatillonne du partage des pouvoirs législatifs, et il lui permet de se défaire de ce carcan que constitue parfois l’exclusivité des compétences fédérales et provinciales.

Coexistence

Souhaitons toutefois que cette coexistence plus ou moins complice du fédéral et des provinces dans les mêmes matières vaille, concrètement, autant pour les compétences fédérales que pour celles des provinces. En effet, il serait dommage que, en bout de piste, les provinces fassent les frais d’une interprétation aussi flexible de la Constitution.

 







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