La FPJQ exagère
Dans notre société, les médias sont le seul pouvoir qui n’a pas, en face de lui, un contre-pouvoir institutionnel
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La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) s’est insurgée contre la directive imposée par Philippe Couillard à ses ministres: ceux-ci ne doivent pas parler aux journalistes avant d’avoir validé auprès de ses conseillers ce qu’ils entendent dire.
La FPJQ y voit une «obstruction» au travail de ses membres et un geste «pernicieux» à l’endroit du droit à l’information.
Pour des raisons évidentes, vous n’entendrez pas dans les médias beaucoup d’autres points de vue que celui-là.
N’étant pas un journaliste, mais un ex-ministre, je me ferai l’avocat du diable: la FPJQ exagère, tout simplement.
Raisonnable
Je comprendrais son inquiétude si cette mesure en annonçait d’autres, mais on ne sent rien de tel.
J’admets aussi que cela «complique» le travail des journalistes, qui n’auront plus tout cuit dans le bec un ministre qui fait un fou de lui quand il ouvre la bouche sans préparation préalable.
Mais mettons-nous un instant à la place du premier ministre. Une déclaration folichonne oblige tout le gouvernement à consacrer temps et énergie pour limiter les dommages et cause des dégâts souvent irréparables.
Est-il franchement si choquant que le chef d’orchestre demande à ses musiciens de lire la partition commune avant de souffler dans leur trompette?
Philippe Couillard lui-même est extrêmement disponible. Son vrai problème est d’avoir une poignée de ministres qui ne peuvent ouvrir la bouche sans dire une niaiserie.
On semble oublier que si la presse a effectivement un travail essentiel à faire, la responsabilité première des autorités n’est pas à son endroit.
J’imagine qu’il faut inscrire cette sortie de la FPJQ dans le contexte plus large d’une profession qui a déjà connu des jours meilleurs.
Stephen Harper donne des entrevues au compte-gouttes et seulement à des médias sympathiques. Il ne cache pas son mépris à l’égard des autres et n’en paie pas le prix politique.
Pierre Karl Péladeau se sert de sa page Facebook pour dire ce qu’il veut, quand il veut, sans filtre déformant et en limitant les sorties risquées. Mettez-vous à sa place: quel intérêt aurait-il à faire autrement?
Susceptibilité
Dans notre société, les médias sont le seul pouvoir qui n’a pas, en face de lui, un contre-pouvoir institutionnel.
En face du gouvernement, il y a une opposition. En face d’un procureur, il y a un avocat de la défense. En face des médias, il n’y a guère que leur propre sens déontologique de la retenue.
Il est certes heureux que les médias n’aient pas d’autre chien de garde qu’eux-mêmes, puisque s’il y en avait un, ce dernier serait tenté de les museler.
Mais je me demande parfois si cette absence de contrepoids ne les rend pas un tantinet susceptibles devant la moindre contrariété.