François Legault et l’immigration
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François Legault a décidé de se commettre sur la question de l’immigration. J’allais écrire sur la délicate question de l’immigration, tellement il suffit généralement de s’y avancer un peu pour se faire canarder d’injures par les Inclusifs en tout genre. Mais je constate que peu à peu, leur emprise sur le débat public régresse, et qu’on peut parler de plus en plus librement, malgré leurs interdits, de cet enjeu vital pour le Québec et toutes les sociétés occidentales.
Ne nions pas le courage de François Legault, toutefois: en affirmant clairement qu’il faut resserrer les critères pour assurer l’intégration des immigrants, il reconnait implicitement, et même explicitement, que cette dernière ne fonctionne pas très bien, notamment en ce qui concerne le français. Le «vivre-ensemble» québécois est en crise. Autrement dit, pour contribuer positivement au Québec, l’immigration doit être réformée en profondeur.
Le modèle proposé par Legault est la suivant: les immigrants s’installeront ici, et au bout de trois ans, le gouvernement jugera s’ils sont suffisamment intégrés à partir de trois grandes évaluations: leur participation au marché du travail, leur connaissance du français et leur adhésion à ce qu’il nomme les «valeurs québécoises». S’ils échouent, après une reprise possible, ils devront quitter. Simple comme bonjour. Mais à première vue, pourtant, sa proposition principale a quelque chose d’intenable.
J’imagine à l’avance le reportage larmoyant qui suivra les premiers renvois, inévitables: on nous présentera des parents échouant les tests et baragouinant leur amour du Québec. Peut-être y trouvera-t-on aussi le représentant habituel de la Commission des droits de la personne qui dira qu’on transgresse à ce moment les droits fondamentaux de l’immigrant mal intégré. Et bien évidemment, le comité d’accueil du quartier qui s’indignera du départ d’un si bon voisin.
En gros, cette politique qui n’est pas sans mérite dans ses intentions (obliger les immigrants à apprendre le français et à s’immerger dans la culture québécoise) est riche de dérapages programmés et de drames médiatiquement ingérables. Ne faudrait-il pas tout simplement renverser la perspective? Pourquoi le Québec ne sélectionnerait-il pas des gens qui, de chez eux, ont déjà entrepris l’apprentissage en profondeur de la langue française, de l’histoire québécoise et de la culture qui l’exprime? À partir de là, il sélectionnerait ceux qui viennent ou non.
Je devine la réponse: parce qu’on ne s’immerge vraiment dans une culture qu’en y habitant, qu’en interagissant avec elle. Ce n’est pas faux. Mais dans la mesure où la politique est surtout un art du possible, où entre deux maux, il faut choisir le moindre, on peut croire qu’une politique contraignant l’immigrant potentiel à sa familiariser avec son pays d’accueil avant d’y mettre les pieds serait moins difficile à appliquer.
Par ailleurs, si la CAQ prétend vouloir intégrer les immigrés à la culture québécoise, elle définit essentiellement celle-ci par les valeurs encodées dans la Charte des droits. Elle pousse ainsi très loin la judiciarisation du lien social. La culture québécoise ne saurait s'y réduire. Il se peut que la CAQ n’ait pas trouvé d’autres moyens pour lutter contre l’intégrisme islamique. Mais le fait est que l’islamisme formule souvent ses revendications dans le langage des droits de l’homme. La solution semble bancale.
De même, la référence à l’interculturalisme vient miner la proposition de la CAQ. Certes, la majorité française est reconnue comme le cœur vivant de la nation, mais plus on avance dans la proposition de la CAQ et plus on retrouve les traits du multiculturalisme canadien, comme on le voit lorsqu’elle entend favoriser les interactions entre les «différentes collectivités du Québec» ou lorsqu’elle entend «sensibiliser la société d’accueil à ses obligations d’ouverture et d’accueil envers les nouveaux arrivants».
N’oublions pas non plus que la nouvelle politique de la CAQ suppose que le régime canadien y consente, qu’il se transforme pour se plier aux demandes du Québec. Est-ce sérieusement envisageable alors que le principe de la société distincte n’est jamais parvenu à se graver dans la constitution? Il y a quand même quelque chose de paradoxal dans le fait de reconnaître qu’on trouve là une question vitale pour l’identité québécoise tout en reconnaissant que le Québec ne dispose à ce sujet que d’un pouvoir limité dépendant du bon vouloir d’un autre.
Reste la question du nombre. Pourquoi François Legault refuse-t-il d’annoncer qu’il réduira les seuils d’immigration significativement? C’est pourtant là la clef d’une intégration vraiment réussie. L’immense majorité des immigrés s’installe à Montréal. Et les immigrés qui y sont installés n’y sont pas très bien intégrés. Comment pouvons-nous intégrer de nouveaux immigrés avec d’anciens immigrés plus ou moins bien intégrés?
En fait, qui a vraiment intérêt à ce que le Québec reçoive 50 000 immigrants par année? Le PLQ, sans doute. Il augmente ainsi d’une année à l’autre son bassin électoral. Ottawa, aussi, qui assure ainsi la marginalisation des francophones au Québec et pérennise le lien fédéral. Le patronat, probablement, qui trouve ainsi une main d’œuvre pour faire pression sur les bas salaires. Faut-il aussi rappeler que l’impact économique de l’immigration est à peu près neutre et qu’elle ne contribue pas au rajeunissement de la population.
Il n’en demeure pas moins que la question de l’immigration vient concrétiser comme jamais l’enjeu identitaire. Le droit à l’autodétermination des peuples, aujourd’hui, est indissociable d’un droit des peuples à la conservation de leur identité. La CAQ nous dit une chose: l’intégration fonctionne mal et il faut la réformer. On demandera aux autres partis: qu’avez-vous de mieux à proposer? S’ils cherchent un peu, ils vont trouver.
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