Dans le sous-sol du pouvoir
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Guy Chevrette, mon collègue pendant 25 ans, a fourni la matière première à son ex-conjointe Shirley Bishop pour en faire un livre. Il traite en long et en large de son départ fracassant du gouvernement Landry et de l’Assemblée Nationale en janvier 2002.
J’était évidemment fort intéressé par cette confession, puisque j’ai moi-même fait le même parcours, en même temps et en duo.
Rajeunir le Conseil
Je décrirais le décor et la trajectoire de la même façon que Guy Chevrette. Pendant des semaines, en décembre et janvier, des rumeurs de remaniement, en provenance du cabinet politique de B. Landry, circulaient dans la presse.
Bernard Landry se serait laissé convaincre de remodeler son Conseil avec comme objectif... de le «rajeunir».
Les «vieux débris», comme Chevrette et moi, sont nommément visés. Au début, nous n’arrivons pas à croire à ces fuites. Après tout, quelques semaines auparavant, B. Landry nous avait fait, à nous deux, un éloge dithyrambique à l’occasion de nos 25 ans de vie parlementaire. On se disait : «Il ne peut pas nous virer après nous avoir encensé d’une façon si... exubérante!» Il l’a pourtant fait.
Devant cette menace d’être éjecté du cabinet, nous avons cependant réagi d’une manière différente.
Chevrette, dont on connait le tempérament bouillant, a choisi de résister. Il a relancé Landry et son chef de cabinet. Le livre nous dévoile toutes ces péripéties. J’ai même appris des choses.
Ce ne fut pas mon cas. Je n’ai fait aucune démarche auprès de Bernard Landry pour tenter de sauver ma peau. Je craignais trop de me retrouver, non pas dans le rôle du bagarreur comme Guy Chevrette, mais dans celui du suppliant. Mon amour-propre en aurait trop souffert.
En fait, le PM ne nous a pas expulsé du cabinet, il a nous a plutôt fait des propositions qui nous rabaissaient au rang de ministre de second plan. Nous l’avons reçu comme un affront.
Guy Chevrette avoue qu’après l’entrevue avec B. Landry, il a pleuré. De rage, sans doute! Ce ne fut pas mon cas. J’au aussitôt appelé ma femme pour lui annoncer, tout simplement, que je pliais bagages et que je rentrais «dans mes terres».
Bris de confiance
Et nous avons, Chevrette et moi, annoncé ensemble la fin abrupte de notre parcours politique.
Après 13 ans, en lisant les confessions de Guy Chevrette, je suis toujours d’accord avec lui pour affirmer que nous étions en face d’un «bris de confiance».
Dans notre régime politique, ce sont les électeurs qui nous élisent (six mandats chacun), mais c’est le premier ministre qui nous fait ministre.
Nous avions connu, avec Lucien Bouchard, des années fastes. Nous avions des responsabilités ministérielles d’envergure et le lien de confiance avec le premier ministre était solide.
Or, Bernard Landry, de notre point de vue, nous avait manifesté une confiance tellement réduite que nous étions convaincus que c’était là sa manière originale de nous montrer la porte.
Lorsqu’un premier ministre commet une erreur dans la composition de son Conseil, il en subit les contrecoups. Notre départ a-t-il eu des répercussions majeures? Je n’ai toujours pas de réponse à cette question.