De vieux édifices en ruine
Alors que les touristes viennent pour admirer la beauté des lieux, des maisons tombent en décrépitude
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Plusieurs bâtiments de l’arrondissement historique du Vieux-Québec sont négligés ou parfois même laissés à l’abandon en raison du coût exorbitant des travaux de rénovation, a constaté Le Journal.
Une promenade dans les rues étroites de cet arrondissement reconnu par l’UNESCO montre plusieurs maisons patrimoniales en manque d’amour.
Chaque année, la Ville de Québec met sur la table un million de dollars pour aider à la restauration des bâtiments patrimoniaux en vertu du programme Maître d’œuvre auquel participe le gouvernement du Québec à hauteur de 50 %. Ce programme de subventions prévoit jusqu’à 40 % des coûts des travaux. L’an dernier, 81 projets ont été financés. La moyenne de l’aide accordée était de 17 740 $.
Ruinant
Toutefois, les propriétaires interviewés par Le Journal sont unanimes pour dire que les coûts d’entretien sont extrêmement chers dans le Vieux-Québec. Un entrepreneur nous a confié qu’il en coûtait entre 40 000 $ et 75 000 $ pour refaire une toiture en tôle mansardée.
«Ça coûte très cher. On ne peut pas faire n’importe quoi», a partagé James Monti, propriétaire d’immeubles et restaurateur.
Avec son caractère unique, ce district est assujetti à la Commission d’urbanisme, ainsi qu’aux lois municipales et provinciales.
«Pour changer une poignée de porte, ça prend la permission du ministre de la Culture», illustre Étienne Berthold, professeur à l’Université Laval au Département de géographie.
L’année dernière, M. Monti a dû investir 50 000 $ pour corriger un problème d’infiltration d’eau dans les fenêtres d’un immeuble en pierre. Quelque chose de simple en apparence... «On n’a pas refait la façade! On a juste touché aux fenêtres», a-t-il dit.
Le pire à venir
Le manque d’entretien vient du fait que plusieurs bâtiments ont été transformés en condominiums au fil des ans, soulignent les intervenants.
«Je vous assure que dans quelques années, on va trouver des immeubles dans un piètre état», a poursuivi M. Monti.
Le président du Comité de citoyens du Vieux-Québec, Jean Rousseau, reconnaît que le parc immobilier a un «urgent» besoin d’investissements, alors que l’aide disponible est restée au même niveau au cours des dernières années.
«En parlant avec des propriétaires, on se rend compte qu’il va y avoir des investissements importants à apporter pour des améliorations de base comme des toitures, et on craint que les gens ne soient pas prêts à les assumer», s’inquiète-t-il.
Un statut qui rapporte beaucoup en tourisme
Près de 70 % des touristes choisissent Québec pour l’arrondissement historique. Son statut de ville du patrimoine de l’UNESCO n’y est pas étranger. Le Journal s’est entretenu avec Denis Ricard, secrétaire général de l’Organisation des villes du patrimoine mondial.
Combien y a-t-il de villes inscrites sur la liste ?
«Il y a 1007 sites naturels et culturels sur la liste du patrimoine mondial incluant 268 villes. En 1991, il y avait 41 villes. L’arrondissement historique de Québec a été inscrit en 1985. En Amérique du Nord, il y a deux villes: Québec et Lunenburg, en Nouvelle-Écosse.»
Quelles sont les obligations pour y rester ?
«Vous devez produire tous les six ans des rapports périodiques qui confirment qu’on entretient le patrimoine et le respect du plan de conservation.»
Quelles sont les conséquences de ne pas s’y conformer ?
«C’est d’être inscrit sur la liste en péril. Ultimement, vous pouvez être retirés de la liste. Cela s’est produit à deux occasions. On l’a vu pour Dresde, en Allemagne, et pour le sanctuaire de l’oryx, en Afrique.»
Quels sont les avantages de faire partie de ce club sélect ?
«Au-delà du fait que ça protège le patrimoine, l’une des conséquences concrètes, c’est le tourisme. Il y a des retombées économiques majeures. En contrepartie, il y a des obligations: vous ne pouvez pas rénover comme vous voulez.»
Comment vous financez-vous ?
«À partir des cotisations de chacune des villes membres. La cotisation de la ville de Québec est de 10 000 $ par année.»
Louis Garneau s’implique
«Ce n’est pas la responsabilité du gouvernement de tout posséder»
De peur de voir la résidence de son ancêtre transformée en condominiums, l’homme d’affaires Louis Garneau a acheté, en 1998, la maison où a vécu François-Xavier Garneau, figure marquante de la littérature canadienne-française.
Pour le prix d’un bungalow, M. Garneau a mis la main sur un joyau du patrimoine érigé en 1864, au 14 rue Saint-Flavien.
«C’était un grand nationaliste. Il a voulu faire mentir le rapport de Lord Durham qui qualifiait le Bas-Canada de peuple sans histoire et sans littérature.»
Comme son ancêtre, Louis Garneau est un passionné d’histoire qui est très attaché à ses racines.
«J’ai eu un coup de cœur. On fait beaucoup de commandites de sport, mais j’avais le goût de faire une commandite culturelle pour la protéger.»
Un joyau
Au cours des premières années, il était possible de faire des visites guidées. Aujourd’hui, elle est accessible uniquement sur demande. L’entreprise amène des clients à l’occasion pour leur faire découvrir les lieux.
«Le temps s’est arrêté dans cette maison-là, et c’est ça qui est intéressant. On est dans un autre siècle, complètement. C’est un trésor», a-t-il dit.
Quelques travaux de peinture sont prévus pour cette année. Bon an mal an, l’entreprise Louis Garneau Sports injecte quelques milliers de dollars pour l’entretien, qui est irréprochable.
L’entreprise privée
«On essaie de faire nos réparations nous-mêmes. Ce n’est pas non plus la responsabilité du gouvernement de tout posséder. Les gens d’affaires peuvent apporter leur contribution», a-t-il dit.
La maison François-Xavier Garneau a été classée par le ministère de la Culture en 1966.
Pour se porter à la défense du patrimoine, il faut être convaincu, surtout lorsqu’il s’agit d’une opération qui n’est pas rentable, comme dans ce cas-ci.
Brèves
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