Comment construire un citoyen (ou pas)
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Quand j’étais enfant et adolescente, on disait déjà que les jeunes s’intéressaient trop peu à la politique. J’étais une statistique: les affaires politiques, les actualités, les élections ne m’intéressaient absolument pas. J’aimais la chanson, les livres d’amour et j’étais très préoccupée par les garçons. Il m’est même venu à l’esprit que je voterais, lorsqu’on m’en donnerait le droit, pour «le plus beau»...
Un de mes premiers souvenirs politiques très vifs est le référendum de Charlottetown. Je n’y comprenais rien. D’ailleurs, je me rappelle m’être étonnée que des confrères de classe appellent à voter «non» quand ils étaient pourtant manifestement de jeunes indépendantistes. Ainsi, les indépendantistes ne votent pas toujours «oui»? J’ai compris en 1992 que ça dépend de la question... C’est vous dire comme tout cela me semblait une langue étrangère.
Devenir citoyenne
Alors comment la jeune adolescente qui s’en balançait est-elle devenue politologue, citoyenne engagée, même militante par moment? Que s’est-il donc passé pour que je ne sois pas un de ces nombreux jeunes qui ne votent pas?
Il n’y a pas une seule réponse et toute une partie de cette transformation repose sur des raisons qui n’ont pas grand-chose de politique: faire partie d’un groupe, avoir des amis, se sentir utile. Mais sur le fond, il a fallu qu’on s’adresse à mes convictions profondes, à mes émotions et à mes espoirs. Je me suis d’abord intéressée à l’accessibilité à l’éducation parce que je réalisais que je venais d’un milieu social où l’accès à l’éducation n’allait pas toujours de soi. C’est donc parce qu’il y avait dans la sphère politique de l’espace pour des projets, des projets auxquels je pouvais croire et auxquels je pouvais participer, que je m’y suis penchée.
Des projets ou des chicanes ?
En suivant les actuelles élections, je cherche des portes d’entrée pour convaincre les jeunes de s’y intéresser et je ne trouve pas d’angles convaincants. Il me semble que la principale raison, c’est la position d’attaque perpétuelle des uns et des autres. Toute cette agressivité distille l’impression que personne n’a de projets autre que le rejet de son adversaire. On ne construit rien à ce prix-là.
Il faut dire que nous sommes tous un peu responsables de cet état de fait. À force de répéter sans arrêt que nous vivons dans une société qui a peur du débat, nous avons fini par créer un monstre: la multiplication d’espaces artificiels de débat où les adversaires ont un temps compté pour nous convaincre et se rabrouer les uns les autres. Mais si le débat n’était pas la meilleure façon de creuser des idées? À quoi peut bien servir un débat électoral où les chefs ont 25 secondes pour répondre? Comment des gens qui cherchent à comprendre ce qui leur échappe dans la politique pourraient-ils trouver là le suc qui leur donne envie de s’y investir? Cette posture d’antagonisme n’a rien d’obligatoire.
Oui, la politique pourrait se faire autrement, comme tout le monde s’en vante pourtant. La première étape serait de s’offrir des espaces pour le développement des idées. Des espaces où on questionne, mais qui ne se confondent pas avec des arènes de boxe. La défense des idées n’a pas à se faire toujours au prix du K.O. de l’autre camp.
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