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La fin de l’innocence

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Autrefois ultime rempart contre le populisme opposé au multiculturalisme, la dernière campagne électorale aura eu pour conséquence de faire du Canada une société comme les autres, à savoir une communauté politique où des formations politiques s’époumonent à souffler sur les braises de la crainte de «l’Autre».

Autrefois ultime rempart contre le populisme opposé au multiculturalisme, la dernière campagne électorale aura eu pour conséquence de faire du Canada une société comme les autres, à savoir une communauté politique où des formations politiques s’époumonent à souffler sur les braises de la crainte de «l’Autre».

Certes, le Canada ne saurait en rien être comparé aux discours xénophobes et racistes souvent associés à ceux du Front national, du Néerlandais Geert Wilders ou encore aux fascistes grecs de l’Aube dorée. Le populisme qui a entouré la controverse du niqab n’a aucune commune mesure avec les propos exécrables de ces formations politiques.

Laïcité et multiculturalisme

Toutefois, on peut affirmer sans oser se tromper que le ver est dans le fruit et que le Canada a perdu son innocence d’antan fondée autour de l’idée selon laquelle son modèle de gestion de la diversité ethnoculturelle constitue un exemple à suivre pour les autres sociétés.

Les partis politiques voient dans la surenchère populiste à l’encontre des minorités un moyen de parvenir à leurs fins électoralistes

Pour la première fois, une opposition institutionnelle à un élément subsidiaire à l’interprétation libérale de la laïcité qui est propre à la conception canadienne du multiculturalisme, en l’occurrence l’octroi d’accommodements religieux, s’est manifestée dans l’arène électorale par le biais du Parti conservateur.

Alors que cette question avait jusqu’à présent fait l’unanimité auprès des élites politiques pancanadiennes, le pays vit maintenant un revirement en la matière comme l’a connu le Québec en 2006-2007.

L’Action démocratique de Mario Dumont avait alors sonné la trompette du populisme en dénonçant sans nuance cette pratique juridique, pourtant balisée par la jurisprudence depuis 1985. On connaît la suite.

Le Parti québécois a senti la bonne affaire et a repris la balle au bond avec sa charte des valeurs en arrosant le tout d’une bonne dose d’exagérations et de demi-vérités en faisant appel à des célébrités québécoises qui se sont «brigittebardotisés» en embrassant une cause qui dépassait clairement leur connaissance du sujet.

Peur de «l’Autre»

Cette réaction qui consiste à miser sur l’incompréhension et la peur de «l’Autre» a maintenant contaminé le reste de la société politique canadienne. Quels seront les résultats d’une pareille dérive électoraliste perçue par certaines élites politiques comme étant une bouée de sauvetage afin de se maintenir au pouvoir ou pour justifier leur pertinence politique?

Évidemment, nul ne saurait prédire l’avenir. L’exemple québécois montre toutefois une chose: les partis politiques voient dans la surenchère populiste à l’encontre des minorités un moyen de parvenir à leurs fins électoralistes.

Même si ces tentatives mènent à des échecs à court terme, il ne faut pas minimiser les dommages permanents que ces discours ont sur de nombreux électeurs. Tel un cancer qui se propage lentement, les esprits en viennent à être graduellement contaminés, alimentant ainsi les peurs irréelles, les incompréhensions interculturelles et les stéréotypes nuisibles à une saine cohabitation avec ceux et celles qui diffèrent de nous.

Voilà la dérive qui s’est opérée dans le sillage de la crise des accommodements raisonnables et qui a rendu à toutes fins utiles impossible la possibilité d’une discussion rationnelle et respectueuse des droits sur les enjeux associés au multiculturalisme.

On ne comprend pas encore l’ampleur de ce qui s’est produit récemment, mais cet héritage pourri pourrait bien devenir le legs le plus durable de Stephen Harper.

 

 

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