J'ai honte à ma Sûreté
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Il aura encore fallu un reportage journalistique, celui de l’émission Enquête de Radio-Canada, pour que les choses bougent. Depuis quelques jours, des allégations touchant 8 policiers de la Sûreté du Québec ayant travaillé à Val d’Or sont devenues publiques. Il leur est reproché d’avoir abusé de leurs pouvoirs, de s’être livré à des gestes et des comportement allant jusqu’à des agressions sexuelles auprès de femmes autochtones de la communauté Algonquine du Lac-Simon, desservie par le poste SQ de la MRC de la Vallée de l’Or.
Pour l’occasion, Lise Thériault, ministre de la Sécurité publique du Québec a rencontré les médias aujourd’hui à Québec. Elle a du expliquer tout un revirement de situation au niveau de l’enquête criminelle qui était menée depuis mai dernier par des officiers de la Direction des normes professionnelles (anciennement les affaires internes). Très émotive sur le sujet, elle s’est défendue tant bien que mal devant les journalistes qui la bombardait de questions. On sait maintenant que l’enquête est menée par le SPVM, que les huit policiers visés (ils étaient 9 au départ, l’un d’entre eux étant décédé depuis) sont maintenant relevés administrativement en attendant la conclusion de cette enquête. Et ce, sans qu’aucune accusation n’ait été autorisée par le DPCP. Bien sûr les gérants d’estrades viendront dire que la police qui enquête la police, c’est malsain et ça ne donne jamais de résultats. On veut du sang et des accusations après tout.
Aux nombreuses questions demeurées sans réponses, permettez-moi d’y ajouter les miennes.
Madame la ministre
Vous avez été mise au courant de ces allégations en mai dernier. C’est bon, c’est ce que la Loi prévoit. Une enquête a été immédiatement confiée à la DNP de la Sûreté du Québec. Je n’ai pas de problème avec ça non plus. Ce groupe d’officiers menant des enquêtes est généralement craint par les policiers dont le comportement et les actions ne respectent pas les pratiques et les Lois en vigueur. C’est un peu la police de la police à ce qu’on dit dans le milieu, des incorruptibles quoi. Sauf que dans ce cas-ci, madame la ministre, pourquoi avez-vous transféré cette enquête au SPVM ?
Vous avez mentionné dans votre point de presse avoir appris, lors du reportage, que de nouveaux faits avaient été rapportés par la journaliste qui a rencontré les victimes dont les témoignages ont été entendus à la télévision ? Êtes-vous sérieusement en train de dire à la population que ces enquêteurs n’ont jamais entendu ce que les victimes ont révélé à l’écran hier ? Sont-ils à ce point incompétents ?
De plus, vous mentionnez que les huit policiers sont maintenant relevés provisoirement. Il y a en 5 qui sont encore à Val d’Or et 3 autres qui se trouvent ailleurs au Québec, transférés ou mutés depuis, on ne sait pas. Vous conviendrez qu’il est pour le moins inhabituel de relever ou de suspendre un membre de la SQ avant que des accusations soient déposées n’est-ce pas ? J’ai hâte d’entendre l’Association des Policiers et Policières du Québec (APPQ) dans ce cas-ci.
Faut quand même avouer que les choses semblent aboutir plus rapidement quand les médias s’en mêlent non ? Peut être que l’enquête aurait dû être confiée aux journalistes dès le départ ? Ça vous aurait évité de répondre aux questions qui suggéraient que l’enquête piétinait ou n’avançait pas. Parce que si ce que vous ne saviez pas au mois de mai ce que Enquête a révélé hier il y a un problème à quelque part, vous en conviendrez. Même si ce ne que sont des allégations pour le moment.
À la police
Il est mentionné dans le reportage que ce ne sont pas tous les policiers de la SQ de Val d’Or qui ont commis des crimes à l’égard de femmes autochtones vulnérables. Ça nous fait une belle jambe ça ! Il reste quand même que plus de 10% des effectifs du poste sont soupçonnés d’avoir abusé de leur pouvoir, de s’être livré à des gestes odieux et criminels à l’égard d’une partie de la population qu’ils avaient le devoir de protéger et de servir. Il est aussi dit qu’il est à toute fin pratique impossible que ces crimes soient passés inaperçus et que tout le monde le savait. Tout le monde ? Non, pas vraiment. Un petit groupe certainement mais pas tous. Sinon la chose était alors connue à l’extérieur du poste de police. Une population de 33 000 personnes ne peut rester silencieuse devant de telles atrocités qui, si elles s’avèrent, porteront un dur coup à la Sûreté du Québec. D’autres personnes que les policiers le savaient sûrement et elles n’ont rien dit ? Les gestes reprochés durent depuis 20 ans à ce qu’il paraît. Après tout, les victimes n’étaient que des femmes autochtones, comme si ces femmes faisaient office de quantité négligeable. Parce que si ces gestes se sont produits à Val d’Or, ils se sont certainement produits ailleurs en province.
Hier ce sont moins d’une dizaine de femmes autochtones qui se sont levées d’un seul trait et ont affirmé haut et fort être l’objet de sévices de la part de policiers. Qui sait si demain ce ne seront pas des femmes d’autres communautés autochtones du Québec qui viendront joindre les rangs des dénonciatrices. Elles pointeront alors d’autres policiers. Ils seront de la Sûreté du Québec ou d’une police municipale, sinon d’un service de police autochtone. Une moyenne gestion de crise dans la police au Québec vient de débuter.
Il n’y a qu’une seule façon de mettre fin à cette crise, c’est d’aller jusqu’au bout ! Il faut dénoncer et prendre les mesures appropriées, enquêter, accuser au besoin et nettoyer les Services de police du Québec de ceux qui auraient abusés des femmes autochtones. S’il y en a eu à Val d’Or, qu’en est-il du reste de la province ? Dans les autres communautés ? La vérité doit être étalée au grand jour, même si ça risque de faire mal. Et même si ça prend du temps, c’est assez ! Justin Trudeau a promis une enquête pancanadienne au sujet des presque 1200 femmes autochtones disparues ou assassinées au pays durant les 30 dernières années. Et si cette enquête incluait les femmes autochtones dont on a abusé aussi ? Le mouvement vient de se mettre en marche. Qui sait où il s’arrêtera ?
Aux abuseurs
J’ai honte de vous. Vous n’êtes pas dignes de porter l’uniforme, celui que j’ai porté fièrement pendant 33 ans. Vous portez ombrage à plus de 10 000 policiers du Québec, toutes couleurs confondues. Vous n’êtes pas des vrais, sachez-le. Les femmes autochtones dont vous avez abusé valent plus que vous. Elles ne se cachent plus maintenant. Et en passant, la population de Lac-Simon s'appelle aussi les Anishinabeg, ou les "vrais hommes". En êtes-vous ?