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Les Autochtones et l’intégrité territoriale du Québec

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Il y a quelques jours, le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, Ghislain Picard, évoquait la possibilité d’une partition territoriale dans l’éventualité de l’indépendance du Québec. La menace n’a rien d’original dans la mesure où elle avait déjà été évoquée en 1995 par le grand chef des Cris Matthew Coon-Come.

M. Picard n’est pas reconnu pour faire dans les nuances et ses déclarations de la fin de semaine dernière n’ont pas fait exception à la règle. De l’avis de M. Picard, la réalité géopolitique du Québec est semblable à celle de la Colombie-Britannique, dans la mesure où il y aurait encore de grandes portions du territoire québécois qui seraient sous titre autochtone. Voilà une affirmation qui mérite d’être nuancée.

Un titre aborigène

Les balises qui encadrent l’octroi d’un éventuel titre aborigène ont été fixées par la Cour suprême en 1997 dans le cadre de l’arrêt Delgamuukw. Les juges ont alors statué que les peuples autochtones devaient faire la preuve que leurs ancêtres ont occupé de façon exclusive le territoire revendiqué, et ce, avant l’affir­mation de la souveraineté par la Couronne.

« Répéter ad nauseam que le territoire québécois appartient aux Autochtones ne constitue pas une preuve »

Cette occupation du territoire doit avoir été plus qu’une simple occupation accidentelle. Le territoire revendiqué doit avoir été «domestiqué» par le groupe en question, ce qui peut être illustré à partir de plusieurs éléments, notamment par la construction de villages, le développement d’une culture de champs ou l’exploitation d’un réseau de pistes aux fins de chasse et de trappage.

En outre, le groupe autochtone en question doit démontrer qu’il a toujours occupé de manière ininterrompue le territoire réclamé. En d’autres termes, la continuité de l’occupation exclusive serait à la fois une condition de survie du titre et une condition de son apparition.

Inutile de dire que l’établissement d’une telle preuve est fort exigeant. Ce n’est qu’en juin 2014 avec les membres de la nation Tsilhqot’in que les magistrats de la Cour suprême ont décidé de franchir le Rubicon en décidant de reconnaître à un groupe autochtone un titre aborigène sur un territoire spécifique.

Cette décision a causé un séisme d’une ampleur sans précédent en confirmant que l’octroi d’un titre aborigène n’était pas une simple fiction théorique.

Même si le cas de Tsilhqot’in cadrait parfaitement avec les critè­res de l’arrêt Delgamuukw, les membres de cette Première Nation ne purent prouver leurs allégations que sur 1750 km2 de terres, soit 2 % du territoire initialement réclamé.

Une tâche herculéenne

Bien qu’il ne le dise pas dans ses déclarations, M. Picard est parfaitement conscient de la tâche herculéenne qui attend les Autochtones québécois dans l’élaboration d’une pareille preuve. Répéter ad nauseam que le territoire québécois appartient aux Autochtones ne constitue pas une preuve satisfaisante.

M. Picard peut bien déplorer le man­que d’ouverture du gouvernement à l’égard des revendications autochtones, mais on ne peut pas reprocher aux élus de refuser de donner aux Autochtones le ciel sans confession.

Il revient aux Autochtones de détailler leurs preuves sans équivoque. De son côté, Ghyslain Picard aurait tout intérêt à cesser ses jérémiades et à se mettre au travail avec ses avocats, des historiens et des anthropologues. Je lui souhaite des décennies de plaisir!

 

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