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Commission Charbonneau: politiciens, entrepreneurs et ingénieurs se défendent

Commission Charbonneau
Chantal Poirier / JdeM

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La commission Charbonneau (CEIC) a mis sur son site web, mercredi matin, les réponses de dizaines de politiciens, entrepreneurs et ingénieurs visés par les conclusions de son rapport.

Ces réponses ont été fournies au cours des derniers mois, lorsque les individus et les organisations ont été avisés par la CEIC qu'ils pourraient être blâmés dans le rapport final.

Le Journal vous en présente quelques-unes:

Pauline Marois

«Madame Marois a servi le Québec pendant de nombreuses années en faisant preuve d'une intégrité et d'une honnêteté irréprochables dans l'exercice de ses fonctions et en démontrant toute la diligence raisonnable requise dans le cadre de sa fonction essentiellement politique. Il est tout simplement inconcevable que la commission envisage de tirer des conclusions défavorables contre elle.»

Union Montréal (L'ex-parti de Gérald Tremblay)

«Nous ne croyons pas que la preuve récoltée par la commission a permis de découvrir qu'un «élu» donc un maire d'arrondissement, ait octroyé des contrats municipaux en contrepartie de financement politique à Union Montréal

Marc Bibeau s’est défendu

Un des grands absents des audiences de la commission Charbonneau, l’argentier du PLQ, Marc Bibeau, a fait valoir que la commission ne pouvait pas le blâmer dans son rapport puisqu’elle avait elle-même choisi de ne pas lui permettre d'y témoigner.

Dans un document mis en ligne dans les dernières heures sur le site de la commission Charbonneau, on apprend que la commission envisageait l’an dernier de blâmer Marc Bibeau pour des pressions exercées, l’entretien du lien entre les contributions politiques et l’octroi de contrats, ainsi que du financement sectoriel.

Notons que le rapport de la commission Charbonneau, rendu public hier, ne contenait aucun blâme.

Dans leur réplique aux reproches qu’envisageait de faire la commission, les représentants de Marc Bibeau ont fait valoir que la commission a elle-même choisi de ne pas le convoquer à titre de témoin.

« [La commission] a choisi de ne pas convoquer M. Bibeau à témoigner publiquement, ce qui lui aurait permis de donner sa version des faits et de répondre aux allégations à son encontre à titre de témoin (et non au banc des accusés) ».

M. Bibeau indique de plus qu’un blâme de la commission signifierait que le témoignage que M. Bibeau a livré après la fin des audiences publiques de la commission serait ignoré, «incluant les éléments de son témoignage qui contredisent les allégations faites à son encontre».

On peut également y lire qu’un témoignage de la commission visant M. Bibeau est jugé «incohérent, non crédible et non corroboré» par ce dernier.

Par ailleurs, «la preuve entendue ne démontre pas que M. Bibeau aurait sollicité des firmes de génie et des entreprises en construction plutôt que les dirigeants de telles entreprises, et encore moins qu’il connaissait au moment des faits pertinents le système de prête-noms mis en place par ces entreprises afin de contribuer au financement du PLQ », souligne-t-on.

Certaines généralisations de la commission seraient «déraisonnables».

Reproches que la commission envisageait en 2014 de formuler à l'endroit de Marc Bibeau:

  • «D’avoir exercé des pressions auprès de Robert Benoît lors du caucus préélectoral de 2003 visant à ce qu’il amasse de l’argent pour le Parti libéral du Québec (PLQ) en le menaçant de ne pas être nommé à un poste s’il ne le faisait pas.»
  • «D’avoir pratiqué du financement sectoriel en sollicitant des firmes de génie et des entreprises de construction.»
  • «D’avoir entretenu, auprès des firmes de génie, le lien entre les contributions politiques et l’octroi des contrats, notamment auprès de Georges Dick lorsqu’il lui a évoqué son influence sur les contrats octroyés par Hydro-Québec.»
  • «D’avoir utilisé sa position au sein au PLQ afin de tenter d’obtenir de l’information relativement aux contrats qu’Hydro-Québec avait octroyés aux firmes de génie.»

Line Beauchamp, ex-vice-première ministre pour le PLQ

«Je n'ai jamais eu connaissance de faits me permettant de douter que le Parti libéral du Québec s'assurait de respecter toutes les dispositions de la Loi électorale, celles sur le financement des partis politiques.»

Marc Deschamps, ex-agent officiel d'Union Montréal

«(M. Deschamps) n'a jamais sollicité de contributions à des électeurs ou à des entreprises quelles qu'elles soient, il ne pouvait donc se trouver dans un rapport de force par rapport aux proposants.»

Yves Cadotte, ex-VP chez SNC-Lavalin

«Les appels d'offres étaient dirigés par la Ville, qui décidait des firmes gagnantes, en consortium ou non, sans que les firmes se consultent ensemble entre elles.»

Sammy Forcillo, ex-vice-président du Comité exécutif à la Ville de Montréal

«J'ai été invité en de rares occasions à assister avec de nombreuses autres personnes à des parties de hockey dans la loge de certains ingénieurs faisant affaire avec la Ville. Il s'agissait là de leur part de gestes de courtoisie et d'hospitalité communs à l'époque et qui n'étaient ni illégaux, ni interdits par des codes d'éthique. Ces invitations n'avaient aucun lien avec quelques actions ou décisions antérieures ou futures de ma part. Elles n'ont eu absolument aucun effet sur l'exercice de mes fonctions d'élu.»

«Je nie qu'en aucun moment au cours de mes sept mandats à la Ville de Montréal j'ai directement ou indirectement tenté d'exercer une quelconque influence sur aucun fonctionnaire ou employé faisant partie des comités de sélection ou dans le choix des membres de ces comités.»

David Whissell, ex-ministre du Travail pour le PLQ

«Je n'ai pas servi d'intermédiaire entre le maire de Saint-Sauveur, Michel Lagacé, et Christian Côté (Dessau) dans l'objectif que celui-ci aide la municipalité à obtenir une subvention gouvernementale.»

«Je ne me suis jamais placé en situation de conflit d'intérêts dans l'exercice de mes fonctions au gouvernement de par ma relation avec Christian Côté.»

«Le financement politique obtenu de la part de Christian Côté ne m'a jamais placé en situation de conflit d'intérêts dans l'exercice de mes fonctions au gouvernement.»

Pas de favoritisme pour Accurso, jure Lavallée

Tony Accurso n’a jamais obtenu d'«avantages concurrentiels» en raison des liens de grande proximité qu’il entretenait avec l’ex-président de la FTQ-Construction Jean Lavallée, s’est défendu ce dernier à la commission Charbonneau.

Dans un document mis en ligne dans les dernières heures sur le site de la commission Charbonneau, on apprend que la commission envisageait l’an dernier de faire une douzaine de reproches à M. Lavallée, notamment d’avoir profité de sa position pour procurer à Tony Accurso des avantages. Notons que le rapport de la commission Charbonneau rendu public mardi ne contenait aucun blâme.

Dans sa défense rendue publique aujourd'hui, les représentants de M. Lavallée ont indiqué qu’il est «vrai de dire qu'il entretenait des liens de proximité avec monsieur Accurso, mais il est faux et non conforme à la preuve entendue de prétendre que monsieur Accurso avait des avantages concurrentiels pour ces raisons.»

«Nous soumettons que la preuve documentaire est claire et sans équivoque que plusieurs entreprises faisaient des affaires tant avec la FTQ-Construction qu'avec le Fonds de solidarité FTQ ainsi qu'avec la SOLIM et que monsieur Lavallée n'entretenait pas de relations avec leurs dirigeants», peut-on lire dans le document.

Ils font également valoir que M. Lavallée ne prenait pas ces décisions seul, que M. Accurso s’est vu refuser certaines de ses demandes d’aide et qu’il n’a jamais «protégé» ses entreprises contre des poursuites.

Jean Lavallée s’est défendu de l’ensemble des reproches que voulait lui faire la commission Charbonneau. Lavallée a occupé les postes de président de la FTQ-Construction, de membre du conseil d'administration du Fonds de solidarité FTQ et de président du conseil de la SOLIM.

Ce que la commission envisageait de reprocher à Jean Lavallée:

«Suivant les préavis communiqués, il serait possible que les commissaires tirent les conclusions suivantes concernant notre client:

-D’avoir [comme] membre du conseil d'administration du Fonds de solidarité FTQ et de président du conseil de la SOLIM, profité de sa position pour procurer des avantages concurrentiels à certaines personnes avec lesquelles il entretenait des liens de proximité, notamment Antonio Accurso;

-De s'être opposé à ce que certaines compagnies soient poursuivies pour discrimination syndicale, notamment celles d'Antonio Accurso;

-D'avoir accepté des cadeaux et avantages de la part d'entrepreneurs tels que Jean-Marc Baronet, Laurent Gaudreau et surtout Antonio Accurso, notamment un nombre très important de voyages à l'étranger et de séjours sur le bateau Touch de ce dernier;

-D'avoir donné instruction à Richard Marion de privilégier l'entreprise Marion liée à Antonio Accurso, alors qu'il entretenait des liens de proximité avec ce dernier;

-D’avoir congédié Richard Marion pour avoir refusé d'investir dans des dossiers que Jean Lavallée soutenait, plus particulièrement celui de la Marina Brousseau, projet impliquant des gens en lien avec le crime organisé;

-D’avoir fait le nécessaire pour que soient approuvés certains dossiers de financement problématiques

-D'avoir appuyé le projet Tipi en dépit du désaccord de Guy Gionet et d'autres employés de la SOLIM et d'avoir demandé, par l'entremise de Denis Vincent, un pot-de-vin de 250 000 $ à Laurent Gaudreau comme condition au financement du projet;

-D’avoir imposé à Laurent Gaudreau la présence de Denis Vincent comme partenaire dans le projet Tipi;

-D'avoir investi à la demande de Jocelyn Dupuis des sommes importantes du fonds social de ce syndicat dans la construction du 6650 Couture à St-Léonard, un projet immobilier dans lequel il savait que de nombreux individus liés au crime organisé traditionnel italien avaient également investi;

-De ne pas avoir sanctionné ni dénoncé l'offre de pot-de-vin de 300 000 $ faite en présence de Jocelyn Dupuis et par une personne [présentée] par ce dernier, à Michel Arsenault, dans l'objectif d'obtenir du financement par le Fonds de solidarité FTQ en faveur d'Énergie Carboneutre, entreprise dans laquelle étaient impliqués Raynald Desjardins et Giuseppe Bertolo;

-D'avoir, en 2008, approuvé le paiement de fausses factures de Jocelyn Dupuis;

-D'avoir, en 2008, approuvé le paiement des factures de Jocelyn Dupuis qui le place en relation avec des gens du crime organisé.»

«Conclusions défavorables» pour le PQ

Le Parti québécois a reçu un préavis de «conclusions défavorables» de la commission Charbonneau, le 5 décembre 2014.

La commission avertissait ainsi le parti que le rapport final pouvait le blâmer d'avoir participé au financement corporatif en sollicitant des firmes de génie et entreprises de construction, d'avoir «fermé les yeux» à la pratique de prête-noms par des entreprises pour des contributions au parti et d'avoir toléré la promiscuité entre entrepreneurs et personnel politique.

Dans une réponse envoyée à la commission le 9 juillet 2015, le Parti québécois a réfuté ces reproches. Les péquistes ont notamment souligné que la commission n'avait pas enquêté sur le mode de planification et d'organisation des campagnes de financement du PQ ni sur ses responsables et qu'ainsi, elle ne pouvait affirmer que le parti était «sous l'influence obscure de dirigeants de l'industrie de la construction».

Sur le laxisme évoqué par la commission, le PQ s'est défendu en utilisant le concept de «diligence raisonnable», qui consiste à prendre des décisions raisonnables, sans être parfaites, selon le contexte ou la situation donnée.

 

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