Tout le monde est coupable donc personne
Coup d'oeil sur cet article
Ne soyons pas cyniques, ne serait-ce qu’afin de faire passer la note de 44 millions de dollars qu’a coûté aux contribuables la plus grande téléréalité des dernières années, en clair la commission Charbonneau.
Le public a appris des choses en matière de collusion, de corruption, d’hypocrisie, de fourberie et même de courage exprimé par certaines personnes qui ont témoigné devant les commissaires.
Mais toutes les apparences de corruption constatées par la juge Charbonneau sont infirmées par le commissaire Renaud Lachance, professeur à HEC, qui ne croit, lui, qu’aux preuves chiffrées.
Cette dissidence est plus troublante que certains commentateurs ne l’affirment. Elle assombrit le rapport lui-même, mais elle nous éclaire, par ailleurs, sur la culture dans laquelle baigne le Québec.
Tous indemnes
À part quelques individus, mis en accusation grâce aux forces policières de l’UPAC, et qui se retrouveront sans doute en prison, nombre d’intervenants, corrupteurs ou corrompus sortent indemnes de cette théâtralisation de notre vie politique.
Le système est à blâmer, avant tout. Donc la culpabilité des uns et des autres est quasi impossible à établir. Entre les escrocs, les ratoureux, les vendus, les mafieux, les pleutres, les naïfs, les angéliques et les honnêtes qui ont surnagé dans ce système, quelle conclusion doit-on en tirer?
Avouons qu’il est plus facile et moins engageant de dénoncer le « système », ce qui nous met à l’abri de la culpabilité
À travers le Québec, qui ne connaît pas quelqu’un en politique qui a bénéficié du renvoi d’ascenseur que constituent les contributions à un parti politique? Qui n’a pas un frère, un ami, un voisin entrepreneur en construction, syndicaliste à l’éthique molle, ingénieur civil trop vite prospère, homme d’affaires jovial, mais très accommodant qui n’est pas touché par le système?
Le Québec est devenu une société où les gens ne se privent guère de dénoncer quelqu’un ou quelque chose, de gueuler aussi, mais ils ont une réticence, disons culturelle, à porter un jugement de valeur sur une personne. Avouons qu’il est plus facile et moins engageant de dénoncer le «système», ce qui nous met à l’abri de la culpabilité. D’autant plus que les Québécois toujours sous le joug de la dichotomie gauche-droite ou fédéraliste-souverainiste ont tendance à accuser l’adversaire et à couvrir et justifier ceux qui appartiennent à leur famille idéologique.
Conclusions prévisibles
En ce sens, trop de citoyens pratiquent une morale sélective comme on a pu constater tout au long des travaux de la commission. Dans cette optique, les conclusions de la commission Charbonneau étaient plus que prévisibles.
Les commentateurs qui s’opposaient au départ à la création de cette dernière n’étaient pas tous des libéraux corrompus qui craignaient pour leur avenir. Il aurait fallu être plus attentif aux analystes politiques, capables de se mettre en distance, qui croyaient sincèrement que les coûts financiers, les retombées inévitables des témoignages douteux et discutables des uns et des autres seraient très élevées. La commission Charbonneau a provoqué un sentiment de dégoût pour la chose publique, les politiciens, les militants, la FTQ et le monde des affaires.
Combien de corrupteurs s’en sortent sans être mis en accusation? Combien de témoins honnêtes ont été écorchés?
Et si ces commissions d’enquête qui empiètent, qu’on le veuille ou non, sur le système judiciaire n’étaient après plusieurs expériences, dont Gomery, que des prétextes pour tout pouvoir politique de gagner du temps et de noyer le poisson.
Brèves
Vous désirez réagir à ce texte dans nos pages Opinions?
Écrivez-nous une courte lettre de 100 à 250 mots maximum à l'adresse suivante:
Vous pouvez aussi nous écrire en toute confidentialité si vous avez de l'information supplémentaire. Merci.