13 jours pour sauver la planète
La Conférence de Paris sur le climat doit aboutir à une solution pour freiner la hausse des températures.
Les leaders mondiaux convergent vers Paris pour s’entendre sur la manière de sauver la planète.
Les experts et les politiciens qui participeront à la 21e Conférence des parties sur les changements climatiques (COP21) s’entendent pour dire que la Terre atteindra bientôt sa température limite pour assurer la survie de l’être humain.
À l’heure actuelle, la température moyenne mondiale arrive à 1 °C, c’est pourquoi il est urgent de plafonner l’émission de gaz à effet de serre (GES) et de les diminuer, selon Karel Mayrand, directeur général pour le Québec de la Fondation David-Suzuki.
«Beaucoup de scientifiques croient qu’au-delà de la moyenne mondiale de 4 °C, notre civilisation pourra difficilement s’adapter et survivre», note-t-il. Selon les prévisions, le Québec atteindrait ce seuil en 2050 et la température grimperait jusqu’à 7 °C ou 9 °C en 2080.
Message clair
Selon Hugo Séguin, fellow au Centre d’études et de recherches internationales (Cérium) de l’Université de Montréal, il s’agit d’«envoyer un message politique clair d’un engagement dans la lutte aux changements climatiques».
«Concrètement, la Conférence de Paris servira à encadrer comment nous allons sauver la planète», conclut-il.
L’échec de Copenhague
Le débat perdure depuis 20 ans. La dernière fois que les parties avaient tenté d’en venir à un accord international, à Copenhague en 2009, les négociations s’étaient soldées par un échec.
Cette fois-ci, les parties fondent beaucoup d’espoir sur l’objectif commun de réduire les GES de 40 % à 70 % sous les niveaux de 2010.
La COP21 se déroule du 29 novembre au 11 décembre, à Paris.
Principaux enjeux au Québec
Troquer les énergies fossiles pour les énergies renouvelables
1 Près de la moitié des émissions de gaz à effet de serre du Canada sont imputables aux combustibles fossiles, dont le gaz naturel, le charbon et le pétrole brut. Cette source lourde de polluants dégage 325 millions de tonnes de GES par année au Canada. Karel Mayrand, de la Fondation David-Suzuki, a la conviction que la transition énergétique vers les énergies renouvelables va se concrétiser d’ici 15 à 20 ans. «Nous verrons un déclin du pétrole et du charbon drastique au profit de nouvelles sources énergétiques alternatives, propres – et moins chères», dit-il. En effet, il soulève qu’au Québec déjà 98 % à 99 % de l’énergie par hydroélectricité et éolienne sont propres.
Électrification du transport
2 Le plus grand pollueur au Québec est l’industrie du transport. Les fermetures de raffineries et d’usines (ou leur déménagement) ont diminué de 25 % les émissions des GES dans le secteur industriel depuis 1990. En revanche, celles liées au transport ont connu une croissance de 27 %. Les deux principaux produits importés au Québec sont le pétrole et l’automobile, pour l’équivalent de 25 milliards de dollars. Il devient urgent de se convertir au transport électrique. «Une étude a récemment démontré que l’électrification des transports rapporterait plus de deux fois plus sur le plan économique que les infrastructures routières», cite M. Mayrand.
Maladie de Lyme et virus du Nil occidental
3 Les changements climatiques ont également favorisé la progression de maladies qui n’existaient pas auparavant en Amérique du Nord. La maladie de Lyme, transmise par la tique, et le virus du Nil occidental, transmis par des moustiques, ont migré vers le Nord ces dernières années avec le réchauffement des températures. Le premier cas contracté au Québec était en 2006. Depuis, on parle d’une augmentation graduelle du nombre de cas répertoriés. «Les températures en augmentation vont changer la durée de vie des insectes qui sont porteurs de la maladie», explique Ariane Adam-Poupart, de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).
Agriculture
4 La grande variation des températures se ressent sur l’agriculture au Québec, et ce, particulièrement au sud-ouest. Les impacts pourraient être positifs en ce qui a trait au potentiel de rendement du maïs et du soya, qui est actuellement limité par la température au Québec. Par contre, les changements climatiques nuiraient aux cultures de l’orge et du blé, qui préfèrent les régions fraîches pour croître. Autre exemple d’impact cher aux Québécois, un printemps trop chaud et qui s’installe trop rapidement a un impact négatif, ces dernières années, sur la production de sirop d’érable.
Le Québec et le marché du carbone
5 Depuis 2013, l’initiative de marché du carbone a émergé au Québec, qui a lié sa destinée en 2014 à celle de la Californie pour imposer un coût à l’émission de gaz à effet de serre. L’Ontario s’est joint au mouvement en cours d’année. Au Québec, le coût d’une tonne de carbone s’élève à 15 $, tandis qu’en Suède elle vaut 130 $. Ce marché veut être une incitation pour les entreprises à se tourner vers les technologies innovantes et les pratiques moins polluantes. D’abord, le gouvernement fixe des plafonds annuels d’émissions de GES. Les entreprises qui émettent plus que les cibles devront se procurer des droits d’émissions sur le marché. Les revenus du marché du carbone sont consacrés au Fonds vert, qui finance les mesures du Plan d’action sur les changements climatiques.
Dans les coulisses de la négociation
Changement de ton à Ottawa
1 Quand le gouvernement libéral, sous Jean Chrétien, avait établi une cible unilatérale de diminution des GES de 6 %, une période de tensions s’est amorcée entre le Canada et les provinces. En 2002, le pays ratifie le Protocole de Kyoto, mais le gouvernement fédéral met trois ans avant d’adopter un plan d’action. Il ne sera jamais mis en œuvre puisque les conservateurs ont pris le pouvoir en 2006. Le premier ministre Justin Trudeau a instauré un «changement de ton» la semaine dernière en rencontrant ses homologues des provinces pour aborder l’enjeu des changements climatiques. Cette nouvelle image unifiée du Canada permettra de redéfinir son image et de promouvoir ses atouts autres que l’industrie des sables bitumineux.
La clause de révision, un obstacle
2 Parmi les obstacles à un accord international, il faut penser à la clause de révision, aussi appelée clause «cliquet». Celle-ci prévoit une révision tous les cinq ans de l’engagement de tous les États à respecter le seuil des températures à 2 °C. Le ministre canadien des Affaires étrangères, Stéphane Dion, a déjà donné son appui à cette proposition à laquelle adhèrent les environnementalistes. Aujourd’hui, la Chine, la France et l’Union européenne se montrent prêtes à souscrire à cette clause. Pour «décarboniser» l’économie, les pays doivent établir un consensus autour des règles du jeu afin de se fixer un seul et même objectif.
L’écart se creuse entre le Québec et les provinces
3 Tandis que le Québec a réduit ses émissions de GES de 8 % depuis 1990, celles de l’Alberta vont dans une direction diamétralement opposée. Ses GES ont augmenté de 53 %, alors que celles de la Saskatchewan sont montées en flèche de 66 % par rapport à 1990. Pour la première fois, la semaine dernière, les pétrolières ont proposé de plafonner les émissions de GES provenant des sables bitumineux. Mais Karel Mayrand relativise: le plan vise à plafonner les émissions à 100 mégatonnes annuellement d’ici 2030, alors que le Québec – individus et industries mis ensemble – en produit moins de 85 mégatonnes.
COP21, en bref
- 21e édition
- Rassemblement annuel des pays voulant agir pour le climat
- Pour en arriver à un nouvel accord international sur le climat
- Au Bourget, à Paris
- Du 30 novembre au 11 décembre
- 40 000 personnes attendues, dont 117 chefs d’État, 3 000 journalistes et 14 000 observateurs accrédités par les Nations Unies
- 195 pays et l’Union européenne y participent
Le Québec et les GES*
9,6 tonnes d’émissions de GES par Québécois annuellement Soit 78 mégatonnes annuelles
La province est responsable de 11,2 % des émissions canadiennes
La température du Québec augmente deux fois plus vite que celle de la planète.
* Source : Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre de 2012