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Le syndrome du carré de sable

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Je préviens les lecteurs, avant qu’ils commencent à lire cet article, qu’il se pourrait que plusieurs soient froissés par ce qui suit. Qu’à cela ne tienne. Certaines choses doivent être dites.

La société québécoise est victime d’un mal profond qui l’empêche de progresser normalement. Les Québécois ne savent pas débattre; ils s’insultent ou se contentent de cataloguer les individus au lieu de discuter de manière profonde les idées défendues par autrui.

« On le sait bien, t’es... »

Il est en effet devenu chose commune d’entendre ceux et celles qui prennent la parole dans l’espace public être qualifiés d’épithètes éminemment réducteurs en guise de jugement sur les idées qu’ils proposent. Ces phrases sont maintenant en vogue au Québec: «On le sait bien, t’es à droite... rien qu’un maudit fédéraliste... un séparatisss... un carré rouge... un syndicaleux... un raciste... un multiculturaliste.» Ces qualificatifs sont pratiques, dans la mesure où ils empêchent d’avoir à expliquer à son interlocuteur les raisons profondes pour lesquelles on est en désaccord avec lui.

« Les Québécois ne savent pas débattre; ils s’insultent » 

Voilà une attitude qui me rappelle le syndrome du carré de sable chez les jeunes enfants. On ne s’attend guère de ces jolis bambins qu’ils soient en mesure d’énoncer le moindre jugement sur les raisons qui les opposent aux autres enfants. Il est normal de les entendre dire «mon père est plus fort que le tien» ou encore «mon camion est plus beau». On se dit qu’ils vont évoluer avec l’âge et apprendre à formuler des oppositions plus profondes. Et pourtant...

À qui la faute ?

Rares sont ceux et celles qui s’efforcent de critiquer de manière réfléchie et respectueuse les idées d’autrui. Surtout, les gens ont perdu l’habitude de devoir réagir à ce genre de commentaire. Lorsqu’ils sont confrontés à cette réaction désormais atypique, plusieurs y voient une insulte contre leur personne. La désormais célèbre tentative d’entrevue d’Alain Gravel avec Régis Labeau­me est symptomatique d’une telle attitude. Il est plus facile pour le maire de Québec d’accuser l’animateur de manque de professionnalisme que d’avoir à justifier ses décisions.

Voilà une belle spécificité de la société québécoise. Il suffit de se comparer à nos cousins français pour remarquer notre retard en la matière. Là où les Français organisent des débats sur l’avenir de la démocratie et du capitalisme à des heures de grande écoute, nous nous contentons d’applaudir béatement au même moment les balivernes de Patrick Huard sur le pacifisme et la guerre.

Certes, on peut jeter le blâme sur notre système d’éducation qui favorise depuis de nombreuses années un nivellement vers le bas, ainsi que sur les médias qui nous abrutissent quotidiennement avec des émissions au contenu aussi insipide que ridicule. Par contre, n’avons-nous pas également la responsabilité de sortir nous-mêmes du carré de sable par la lecture et l’information de qualité, tout en exigeant davantage des gens qui nous dirigent? Après tout, nous n’avons que ce que nous méritons.

Si vous vous sentez visés par cet article, j’en suis sincèrement désolé. Par con­tre, de grâce, ne vous contentez pas de me traiter de paternaliste. Vous ne feriez que prouver la validité de mon propos.

 

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