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Le meilleur des deux mondes pour des spécialistes

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Photo Fotolia Selon la Fédération des médecins spécialistes, ceux qui se désaffilient durant l’année servent de «soupape» pour le réseau public.

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Des médecins spécialistes ont trouvé le moyen de profiter du meilleur des deux mondes: ils se désaffilient de la RAMQ plusieurs fois durant l’année pour aller traiter des patients au privé, puis reviennent aussitôt au régime public, a constaté Le Journal.

«C’est le meilleur des mondes pour eux. C’est ça, l’hypocrisie, croit Yanick Labrie, spécialiste des questions de santé à l’Institut économique de Montréal. On prétend que le système empêche les médecins d’aller au privé, alors que ce n’est pas le cas.»

En 2015, neuf médecins ont quitté le régi­me public à plusieurs reprises.

Sept entrées en neuf mois

L’un d’eux a même fait sept entrées et sorties entre le 9 mars et le 30 novembre derniers, selon des données de la Régie de l’assurance-maladie du Québec (RAMQ).

La plupart du temps, ces médecins quittent le régime public pour une semaine seulement.

«C’est très problématique, réagit Isabelle Leblanc, présidente de Médecins pour un régime public. (...) Mais c’est la politique du laisser-aller. Si personne ne se plaint, on laisse aller les choses.»

Selon la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), ses membres qui ont recours à cette pratique le font pour avoir accès à des équipements disponibles, en particulier les chirurgiens.

«Soupape»

Qualifiant ce phénomène de «marginal», la FMSQ indique qu’il s’agit ainsi d’une «soupape» pour le réseau public.

«Quand les budgets hospitaliers sont coupés, les médecins opèrent une journée par semaine. À un moment donné, il y a des limites au système. Les médecins essaient de trouver des portes de sortie pour leurs patients», croit Me Sylvain Bellavance, directeur des affaires juridiques de la FMSQ.

Le mécanisme pour quitter le régime public est plutôt simple.

Dès que le médecin avise la Régie, la non-participation au régime public prend effet 30 jours plus tard. Pour revenir au public, le délai est de seulement huit jours. Dans les deux cas, aucun frais administratif n’est réclamé.

«Dès ce moment, il peut recommencer à travailler au public. Les médecins n’ont pas à fournir à la Régie de motivation sur leur sortie/entrée», a écrit la RAMQ au Journal.

De plus, la RAMQ n’a «pas de trace sur la raison pour laquelle le médecin le fait».

«Si les gens font le choix du privé ou du public, ça devrait être à long terme», croit néanmoins la Dre Leblanc.

Pression sur les patients

Par ailleurs, un médecin qui a requis l’anonymat a indiqué que plusieurs confrères utilisent ce stratagème et gonflent leurs listes d’attente pour convaincre leurs patients d’aller au privé.

«Ils disent: “Ça va prendre 10 mois au public, mais je peux vous opérer dans une semaine au privé, dit-il. C’est un pensez-y-bien, c’est de la pression indue.”»

À ce sujet, la FMSQ rappelle que les spécialistes ne doivent pas mettre de pression sur les patients.

Selon les données de la RAMQ, aucun omnipraticien n’a fait d’entrées et sorties répétitives en 2015.

♦ En date du 20 novembre dernier, 269 omnipraticiens et 87 médecins spécialistes étaient non participants au régime public.

La pratique mixte comme solution?

Le gouvernement devrait permettre la pratique mixte aux médecins pour que les règles soient claires pour tous, selon l’Institut économique de Montréal.

«En l’interdisant, on ouvre la porte aux tentatives de contournement des règles du jeu», croit Yanick Labrie, spécialiste des questions de santé à l’Institut.

Selon ce dernier, qui s’est penché sur la question, tous les autres pays de l’OCDE permettent la pratique mixte, et donc le jumelage du public et du privé.

Jouer «franc jeu»

«Oui, il faut mettre des règles claires, mais jouons franc jeu», dit M. Labrie.

À titre d’exemple, on pourrait exiger un minimum de 40 heures par semaine dans le régime public, après quoi les médecins pourraient prendre plus de patients au privé.

«Il faut jouer la carte de la transparence pour tout le monde. Si seulement certains le font en cachette, ils ont beau jeu de convaincre des patients. Mais si tout le monde a la possibilité, le jeu vient de changer», croit M. Labrie.

Selon ce dernier, l’absence d’encadrement encouragera encore plus de médecins à travailler au public et au privé.

«Si on le tolère, ça va prendre de l’expansion. J’ai l’impression que ça va s’ébruiter et qu’on n’aura pas d’autre choix que de baliser la pratique.»

Coûts de gestion

Du côté de Médecins pour un régime public, on tient un discours inverse.

«Il y a déjà un manque de ressources dans le réseau public. Alors, si on permet aux médecins de travailler dans les deux réseaux, cela veut dire une diminution du temps consacré par les médecins au réseau public», répond la présidente Isabelle Leblanc.

Cette dernière ajoute qu’un tel système engendrerait des coûts administratifs «énormes» pour le réseau public, qui devrait s’assurer de faire respecter les règles.

De son côté, la Fédération des médecins spécialistes répond plutôt que «chaque fois qu’on met un contrôle, le patient est perdant, pas le médecin.»

 

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