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Prix de l’essence: la responsabilité des automobilistes

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La chute du prix du baril de pétrole depuis l’automne 2014 est historique. Il y a 18 mois, il se négociait autour de 100 $ US et il approche maintenant les 30 $ US. Pourtant, le prix de l’essence à la pompe n’a pas connu la même diminution, loin de là. On identifiera comme coupable l’industrie pétrolière. Si elle a sans aucun doute sa part de responsabilité, il n’en demeure pas moins que les consommateurs, les automobilistes, y sont aussi pour quelque chose.

Dans les médias, traditionnels et sociaux, on est rapides sur la gâchette pour accuser les méchantes pétrolières de conserver le prix de l’essence à des niveaux anormalement élevés. À coup sûr, les raffineries s’en mettent plein les poches depuis quelques mois. Il est possible, également, que les détaillants se rendent coupables de pratiquer un contrôle des prix. La structure de taxation y est aussi pour quelque chose.

Mais il n’y a pas que du côté de l’offre qu’on doit poser notre regard. L’offre et la demande pour un produit sur un marché ne constituent pas des blocs monolithiques: s’y retrouvent autant des luttes de pouvoir que des contraintes multiples et de divers arrangements institutionnels. Lorsqu’on cherche à comprendre l’évolution du prix d’une marchandise, il est nécessaire de tenir compte de tous ces facteurs.

Une grande partie de la demande pour l’essence est pratiquement fixe. Plusieurs personnes n’ont pas le choix de remplir leur réservoir pour travailler, comme les taxis ou simplement si vous vivez dans un endroit où le transport en commun n’est tout simplement pas disponible, ce qui est le cas de nombreuses régions du Québec. Le transport de marchandises consomme non seulement une quantité importante d’essence, mais il a aussi connu une forte croissance depuis deux décennies. Tous ces facteurs expliquent une rigidité dans la demande qui permet aux détaillants de maintenir un prix élevé, car ces consommateurs achèteront l’essence, peu importe son prix – jusqu’à une certaine limite bien sûr.

Mais en plus de cette consommation «contrainte», il y a des décisions librement prises par les consommateurs qui expliquent aussi le maintien d’un prix élevé de l’essence à long terme: l’achat de véhicules.

Depuis 1978, la population québécoise s’est accrue de près de 43 %, le nombre de permis de conduire, de près de 70 %, mais le nombre d’automobiles personnelles a crû de 125 %! Autrement dit, le nombre de voitures au Québec a crû presque trois fois plus que la population. Collectivement, nous faisons donc le choix de consommer davantage d’essence en achetant plus de voitures. Bien sûr, sur cette période de 35 ans, les automobiles sont devenues beaucoup moins gourmandes, ce qui a sans aucun doute limité la croissance de la demande.

En revanche, ces dernières années, on remarque une très forte croissance du nombre de VUS et autres «petits camions» à usage personnel, beaucoup plus grande que les automobiles standard. Depuis 2001, le nombre d’automobiles n’a augmenté que de 13 % au Québec – connaissant même une diminution depuis 2010. Par contre le nombre de VUS, camionnettes et pick-up, beaucoup plus énergivores, s’est accru de... 90 %, soit presque sept fois plus rapidement.

 

De manière générale, le poids moyen des véhicules personnels n’a cessé de croître sur la même période, passant de 1300 kg en 2001 à 1482 kg en 2014, une augmentation de 14 %.

Bien plus frappant, les régions où ces VUS et petits camions connaissent le plus fort engouement sont les régions urbaines, la capitale nationale en tête, où leurs avantages sont tout de même plus limités que sur la Côte-Nord, par exemple. Dans l’ensemble du Québec, le nombre de ces véhicules s’est accru de 90 % depuis 2001, alors que dans les régions urbaines, il s’est accru de 102 % – et de près de 124 % dans la région de Québec.

Il s’agit là d’un ensemble de causes expliquant en partie que la demande pour l’essence se maintient voire s’accroît depuis une quinzaine d’années. On ne peut donc pas blâmer que l’industrie pétrolière: comme consommateurs, nous faisons des choix libres qui maintiennent notre consommation d’essence.

 

PS Un grand merci au professeur Pierre-Olivier Pineau de HEC-Montréal, spécialiste des questions énergétiques, pour m’avoir pisté sur les données de la SAAQ, profondément enfouies dans leur site web.

Source des données:

Permis et véhicules, Québec, 1978-2014: SAAQ, «Données et statistiques 2014», 2015, p. 4

Véhicules, régions (2001-2006): SAAQ, «Dossier statistique: Bilan 2006», p. 150

Véhicules, régions (2005-2010): SAAQ, «Dossier statistique: Bilan 2010», p. 152

Véhicules, régions (2009-2014): SAAQ, «Dossier statistique: Bilan 2014», p. 152

Poids des véhicules (2001-2006): SAAQ, «Dossier statistique: Bilan 2006», p. 22

Poids des véhicules (2005-2010): SAAQ, «Dossier statistique: Bilan 2010», p. 22

 

Poids des véhicules (2009-2014): SAAQ, «Dossier statistique: Bilan 2014», p. 22

 

Population, 1978-2014: Statistique Canada, CANSIM, tableau 051-0001

 

Population par région: Statistique Canada, CANSIM, tableau 051-0059







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