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Un Carnaval qui se cherche

Quebec, Assemblee nationale
Photo Le Journal de Québec, Stevens LeBlanc Les sondages faisaient de Bonhomme un personnage plus connu que le premier ministre du Canada, se souvient l’historien Jean Provencher.

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À l’autre bout du fil, l’historien et auteur Jean Provencher l’avoue en soupirant. Il craignait bien qu’un ou une journaliste l’appelle afin de lui demander son avis, en cette période trouble pour le Carnaval de Québec qui se cherche.

Non pas que cet amoureux de Québec, où il est né en plein hiver (!), ait perdu son côté résolument sympathique ou soit en panne d’idées de façon générale. Bien au contraire. Mais voilà, comme à peu près tout le monde, celui qui a signé en 2003 un magnifique ouvrage pour le 50e anniversaire de la grande fête de l’hiver de Québec est devenu perplexe et ne sait plus quoi en penser.

«Je suis tellement attaché à cette ville, confie-t-il tout en réfléchissant au sort du Carnaval. Mais il faut l’admettre, ne pas se raconter d’histoires. Il faut se dire: les amis, est-ce qu’on y tient vraiment? Soyons francs [...] Est-ce que le Carnaval est dépassé? On se pose la question, c’est bien certain.»

Pourtant, relate M. Provencher, le Carnaval, c’était vraiment nous autres pendant plusieurs années. Même Bobinette, à la télévision, portait sa ceinture fléchée pendant cette période à une certaine époque, tant la fête était visible partout.

Notoriété de Bonhomme

Bonhomme jouissait d’une notoriété enviable et faisait le tour du monde comme grand ambassadeur. Les sondages en faisaient un personnage plus connu que le premier ministre du Canada, se souvient l’historien.

Des milliers de personnes emplissaient le Colisée pour fêter, dans la première décennie de l’événement. Les comédiens des Plouffe étaient débarqués et avaient fait un malheur.

Que reste-t-il de cette effervescence? Il faut bien admettre qu’on est loin de cette folie et qu’il s’avère des plus difficile de la faire renaître, malgré tout le bon vouloir de bien des gens.

En effectuant ses recherches pour son livre sur l’histoire du Carnaval, M. Provencher a pu constater que l’événement a vécu de nombreuses crises au fil des ans. Mais cette fois, et c’est ce qui l’inquiète d’autant plus, on assiste non seulement à une crise structurelle, mais celle-ci s’inscrit carrément dans un changement de civilisation.

Les jeunes sont plus difficiles à impressionner. La génération accro à son téléphone intelligent, que M. Provencher observe avec curiosité sans toutefois la dénigrer tient-il à préciser, n’a plus les mêmes exigences ou intérêts.

Année de transition

Certes, le nouveau conseil d’administration du Carnaval avait précisé dès le départ, cet automne, que 2016 serait une année de transition. Il faudra attendre les éditions suivantes pour voir de plus grands changements.

Mais comme M. Provencher, je me demande quelle est l’idée de supplier les gens de participer, comme l’ont fait Alain April, président du conseil d’administration, et le maire Labeaume lors du dernier conseil municipal.

«Si on ne sème pas la joie, ce n’est pas invitant», estime l’historien, qui pour l’instant ne voit pas de porte qui puisse inciter les gens à avoir le goût de fêter et d’embarquer. Il n’est pas le seul.

L’historien croit aussi que l’idée d’étaler la relance sur trois ans n’est pas très avisée. C’est trop long, trois ans, dans notre société où tout va si vite.

Je crois pour ma part qu’on a beaucoup trop attendu pour sonner l’alarme. Qu’on a laissé le navire à la dérive pendant un nombre d’années beaucoup trop important. Tant et si bien qu’il a même fallu placer les finances du Carnaval sous respirateur artificiel, la Ville et le gouvernement du Québec ayant dû allonger une somme de 500 000 $ pour éponger le déficit.

Retombées de 18 M$ par an

Tout le débat représenterait un beau sujet d’analyse de l’accélération du temps, réfléchit M. Provencher, qui trouve le tout captivant, mais aussi très triste.

Car cet événement attire à Québec des retombées annuelles de 18 M$, et le plus grand nombre de touristes, cela dans une période plutôt creuse, au cœur de l’hiver.

L’organisation se demande ce qu’attend pour embarquer, comme dans le temps, le milieu touristique de Québec, soit les restaurateurs, hôteliers et commerçants au détail du centre-ville.

Mais si l’on souhaite sa survie, encore faut-il que le Carnaval fasse bel et bien toujours partie de l’ADN de Québec. Un ADN qui a beaucoup évolué depuis 62 ans.

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