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L’autodéfense pour survivre

Des instructeurs racontent les bouleversantes histoires de leurs clientes victimes d’agression

autodéfense
Photo FRÉDÉRIQUE GIGUÈRE Alexandrina Delage, instructrice d’autodéfense à l’école Gotac, sur la rue Drummond, à Montréal, estime qu’il est essentiel d’apprendre à se bâtir une «valeur de soi».

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Plusieurs survivantes d’agression se tournent vers les cours d’autodéfense pour surmonter leurs peurs et apprendre à réagir en cas d’attaque, témoignent des instructeurs.

L’histoire de la femme de 27 ans qui a été sauvagement poignardée par un homme tout juste sorti de prison alors qu’elle marchait dans la rue a fortement choqué le public le mois dernier. D’autant plus que l’agression semble avoir été faite sans motif.

Or, des histoires comme celle-là, l’instructeur André-Jacques Serei en a entendu des centaines à l’académie qui porte son nom. Plusieurs de ses clientes ont été victimes d’attaques, toutes aussi sordides les unes que les autres.

«Quand elles viennent ici, j’y vais à la dure­­, explique M. Serei, qui compte une trentaine d’années d’expérience. On hurle, on se pousse, on apprend à gérer notre adrénaline pour pouvoir mieux gérer une situation d’urgence.»

 

André-Jacques Serei - Instructeur
André-Jacques Serei - Instructeur

Apprendre à dire non

Selon l’instructeur, la solution est simple: il faut être extrêmement vigilant quand on marche dans les rues de Montréal. Le problème, selon lui, c’est que les femmes figent ou ne sont pas capables de dire non lorsqu’une situation dangereuse survient.

«On n’est plus à l’époque où un ours pouvait nous attaquer à tout moment, dit-il. On a totalement perdu notre instinct de survie.»

À titre d’exemple, M. Serei a déjà enseigné à une jeune femme qui avait été violée, couteau au cou, dans une ruelle de Montréal. Elle était si bouleversée qu’elle a fondu en larmes à sa première leçon.

Mériter d’être en sécurité

Pour Alexandrina Delage, instructrice à l’école Gotac, il faut d’abord apprendre à se bâtir une «valeur de soi». Elle estime qu’elle aura beau enseigner toutes les techniques du monde, si les femmes ne croient pas qu’elles méritent d’être en sécurité, elles ne se défendront pas.

«On défend nos enfants comme des lionnes, mais pourquoi, quand il s’agit de nous, on a honte et on a tendance à rester dans l’ombre?» se questionne-t-elle.

Des hommes qui suivent des femmes dans la rue, qui glissent leur main sous la jupe d’une passagère dans le métro ou encore qui agrippent la poitrine d’une piétonne: Mme Delage en a entendu de toutes les couleurs au cours de sa carrière.

L’une de ses clientes a souhaité suivre des cours d’autodéfense après avoir été violée par un inconnu qui était entré par effraction dans son domicile. L’agression a duré des heures, alors que ses enfants dormaient dans la chambre d’à côté, rapporte l’enseignante.


Des agressions lourdes de conséquences

Les flashbacks, l’hypervigilance, les pensées obsédantes et la dépression sont quelques-unes des réactions que peuvent avoir les femmes victimes d’agression.
 
«Ce sont des événements tellement soudains et choquants qu’on en vient à ne plus croire qu’on vit dans un monde qui est bon», estime Arlène Gaudreault, présidente de l’Association québécoise Plaidoyer-Victimes.
 
«Bien qu’ayant d’importantes répercussions chez les personnes victimes, les actes de violence gratuits commis par des étrangers sont peu communs et ne représentent qu’une minorité des actes vécus par les personnes victimes», précise Marc-­André Ross, porte-parole du Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC).
 
Que ces attaques soient totalement gratuites ou préméditées, elles n’en demeurent pas moins lourdes de conséquences pour les victimes.
 
Prévention
 
Selon le CAVAC, plusieurs réactions psychologiques peuvent survenir à la suite d’une agression, comme la nervosité, la peur, la méfiance et l’anxiété. Une agression peut également entraîner d’importantes conséquences sociales: isolement, tensions familiales, culpabilité ou perte de croyance.
 
«Ce sont des réactions normales à une situation anormale», soutient M. Ross.
 
Le sergent Laurent Gingras, porte-parole de la police de Montréal, estime que les conseils de prévention pour les piétons demeurent les mêmes pour les hommes et les femmes.
 
«Il faut rechercher les endroits fréquentés et éclairés, comme les grandes artères, et éviter les ruelles et les coins plus sombres, explique le sergent. Il ne faut pas non plus transporter des sommes d’argent importantes ou exhiber inutilement son téléphone intelligent, par exemple.»
 
Finalement, M. Gingras conseille aux citoyens de marcher de façon assurée et d’être conscients de ce qui se passe autour d’eux.
 
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