Mettre au pas les technos
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Le blocage de WhatsApp de Facebook par le Brésil soulève des questions de liberté et confidentialité des communications qui nous interpellent ici même.
Mise en prison (même si qu’un seul jour) d’un grand patron, Diego Dzodan, vice-président de Facebook pour l’Amérique latine.
Blocage d’une messagerie populaire, WhatsApp de Facebook, sur la totalité du territoire national brésilien pour soixante-douze heures.
100 millions d’utilisateurs soudain privés du service de messagerie qui leur permet, non seulement de communiquer entre eux, mais aussi avec divers commerçants, entreprises, taxis, etc.
Le fracassant bras de fer entre la justice brésilienne et une multinationale n’est que le plus récent épisode d’un affrontement entre establishments du maintien de l’ordre et establishments de l’industrie numérique. L’affrontement est mondial. Le Brésil n’en constitue qu’un théâtre de plus où il se joue. Après les États-Unis, la Chine, la Turquie, l’Iran, le Pakistan, etc., etc., etc.
Mythes du Cyberespace et du Progrès
Par quelques phrases, un juge local d’une petite ville brésilienne grosse comme Brossard émet une ordonnance. Cinq compagnies de téléphonie l’exécutent. De cinq claquements de doigts numériques, le service WhatsApp disparait alors de la moitié de la surface du continent sud-américain et de la vie de 200 millions d’habitants.
La même ordonnance prévoit qu’une seconde série de claquements de doigts numériques fera réapparaitre WhatsApp soixante-douze heures plus tard.
Si besoin était, voilà un autre clou dans le cercueil du mythe d’un Cyberespace qui, par sa nature numérique, échappe aux lois des États, à leurs appareils répressifs autant qu’à leurs frontières.
Et autre clou dans l’autre cercueil du mythe d’un inarrêtable et incontrôlable Progrès numérique qu’on ose encore nous radoter comme argument dans le débat public sur d’UberX.
Au contraire, rien n’est plus aisément contrôlable, maniable, orientable qu’une activité qui a été numérisée, donc désormais entièrement soumise à des maniements d’objets physiques – informations – par un réseau de machines.
Mépris social
Et rien ne devient plus aisé aussi que de perturber d’un seul geste des millions de vies humaines devenues plus ou moins dépendantes de cette même activité numérique.
Qu’on puisse ordonner à une entreprise de faire quelque chose, ou la mettre à l’amende, ou mettre en prison ses dirigeants est une chose. Mais priver soudainement 100 millions d’usagers individuels et d’entreprises d’un moyen de communication et coordination, donc les forcer à se réorganiser en est une tout autre.
Dans ces bras de fer judiciaires ou autoritaires entre establishments étatiques et commerciaux, des masses d’êtres humains peuvent donc écoper. Sur le coup comme dans le blocage de WhatsApp. Ou à long terme comme dans le conflit entre FBI et Apple. Cela même alors les adversaires proclame tous défendre les intérêts et droits de ces tierces personnes. Évidemment.
Nécessité de débattre, décider
Comme dans le conflit entre FBI contre Apple, l’affaire WhatsApps met en cause le chiffrement des communications pour en assurer la sécurité et la confidentialité.
Or, cette question nous concerne nous aussi.
La faible sécurité actuelle de nos communications est source de pertes, dommages et crimes de toutes sortes. Sans parler qu’elle permet le développement d’activités de surveillance de masse inutiles, inefficaces, secrètes et mal contrôlées engloutissant des milliards de nos taxes et impôts et sapant les rapports entre citoyens et État.
Aucune excuse ne peut justifier que nous demeurions spectateurs de bras de fer se déroulant à l’étranger et attendions que leur issue s’impose ensuite à nous. Autant Québec qu’Ottawa disposent de leviers règlementaires et de politiques publiques sur ces questions fondamentales. Autant Québec qu’Ottawa peuvent en être lieux de débats publics et de décisions.
À moins, bien sûr, que nos élus à Québec et Ottawa ne se voient finalement que comme des serviteurs des establishments du maintien de l’ordre et des multinationales numériques.