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L’alternative pragmatique

L’alternative pragmatique
Photo Le Journal de Québec, Simon Clark

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Voyez comme ça va vite.

Alors que j’envisageais hier une dizaine de candidatures, plus ou moins sérieuses, pour la course à la direction qui s’ouvre au Parti québécois, le jeu des rumeurs et des appels téléphoniques permet de croire que le champ s’est déjà considérablement réduit. Ne resteraient qu’Alexandre Cloutier, Véronique Hivon, Martine Ouellet qui jaugeraient leurs appuis et Nicolas Marceau, que je n’avais pas anticipé, y penserait. On est toujours sans nouvelles de Jean-Martin Aussant.

L’éventualité d’un couronnement, possiblement au profit d’Alexandre Cloutier, point à l’horizon, ce qui éviterait une course. Aux yeux de plusieurs personnes, ça économiserait bien des soucis au Parti québécois.

C’est vrai et ça serait probablement un meilleur scénario qu’une énième série de débats où tout le monde se mettra à jouer au plus pressé d’arriver au pays. C’est du déjà vu et ça ne servirait pas le PQ.

Ni le pays.

Le débat qui ne se fait pas

Pourtant, ceci éviterait un autre débat, ce qui ne se vide jamais au Parti québécois. Celui où un des joueurs se permettrait de dire ouvertement ce que constate quiconque n’ayant pas décidé de consacrer sa vie à une seule cause, c’est-à-dire que l’appétit dans la population pour la question nationale avoisine présentement le zéro absolu.

On peut être un indépendantiste radical et vouloir continuer de travailler énergiquement en ce sens, mais le faire sans partir de ce constat, c’est se placer sur le mauvais tertre de départ.

«Le peuple nous regarde, mais ne nous écoute plus. Tout le monde sait bien que le PQ veut faire un pays! Mais nous n’y arriverons pas sans d’abord redevenir l’alternative au gouvernement libéral. Pour ce faire, la course à la direction doit impérativement prendre racine dans les préoccupations des Québécois. En ce moment, ceux-ci sont bien loin du débat sur le meilleur moment de tenir le prochain référendum!»

Ce paragraphe n’est pas de moi. Il a été écrit par Sylvain Gaudreault, dans une lettre ouverte publiée à l’automne 2014, où il annonçait qu’il ne serait pas candidat à la chefferie du PQ.

Il y aurait eu de la place, dans cette course, pour un tel discours, puisqu’il y a une demande pour ça dans l’électorat. Il y en aurait encore une, mais le député de Jonquière a, une nouvelle fois, choisi de rester sur les lignes de côté, en briguant la direction intérimaire de l’aile parlementaire.

Alors qui?

Y aura-t-il donc quelqu’un cette fois-ci pour porter cette approche, progressiste et pragmatique sur la question nationale, afin de battre les libéraux? Ce n’est pas parti pour ça.

Pourtant, on l’entend de plus en plus souvent évoquée, dans le débat public. Elle a été appelée par Camille Bouchard. Elle est au cœur des préoccupations des Orphelins politiques, qui envisagent de fonder un parti pour lui donner un véhicule, divisant ainsi davantage la clientèle électorale.

C’est également pour cette raison que j’ai inclus Alexandre Taillefer dans mon article spéculatif d’hier. Celui-ci a pris de nombreuses positions résolument progressistes ces derniers temps, notamment par le biais de son blogue. Plusieurs m’ont fait remarquer que celui-ci avait souvent exprimé son aversion pour la recherche constante du référendum. Or, c’est peut-être malheureux, mais les Québécois sont là.

Certains rapportent même que, dans ses ultimes semaines comme chef, Pierre Karl Péladeau commençait à constater que l’approche «plein gaz vers la souveraineté» n’était probablement pas viable électoralement. Perdre volontairement ne rapproche pas de l’indépendance.

Les idées

Et quel serait le programme de cette alternative politique, qui s’incarnerait au sein même du PQ?

Il s’agirait d’abord de réaffirmer une loyauté première et inaliénable au Québec. On la voit comme inhérente au projet du Parti québécois. Pourtant, on a parfois l’impression que celui-ci est prêt à mettre de côté l’intérêt immédiat du Québec au profit d’un objectif dont l’atteinte ne se rapproche pas. Une affirmation résolue de la langue devra être annoncée et une approche généreuse de la laïcité serait élaborée.

Il chercherait également à reconnaître les formidables mouvements populaires de défense des services publics, ceux qui ont mené des parents à former des chaînes humaines autour de leurs écoles ou à déclarer leur amour pour leurs CPE. Le Parti québécois, sous Pierre Karl Péladeau, n’a pas réussi à incarner la lutte à l’austérité pour ces gens aux yeux de qui assurer le meilleur avenir pour leurs enfants ne prend pas nécessairement les revers d’une guerre idéologique, comme c’est le cas chez Québec solidaire.

Il serait également impératif de faire entendre une voix, sur la question environnementale, où on ne cherche pas à opposer la nécessité du développement à l’inéluctabilité d’une décroissance, même conviviale. Créer la richesse par la transition verte, c’est ce qu’il faut viser pour bâtir un Québec et une économie durable.

Et le tout se déclinerait sur une quantité d’autres sujets pour rejoindre là où se situe une majorité de Québécois, soit une allégeance première et non négociable au Québec et envers son peuple, celle qui conduit au nationalisme économique et à la solidarité collective.

Est-ce viable au PQ?

D’aucuns demanderont pourquoi les gens qui souhaitent cette approche n’iraient pas chez QS. Parce que, comme je l’ai dit plus tôt, ce positionnement n’est pas tant idéologique que pragmatique. Celles et ceux qui ont envie de défendre les services publics n’ont pas nécessairement le goût de participer à d’interminables débats sur l’abolition du droit de propriété. (Pas davantage que sur la date du référendum, par ailleurs...)

Pourquoi n’iraient-ils pas à la CAQ, à ce moment, alors que Legault s’emploie à la recentrer? Parce que celle-ci continue de comprendre en son sein une part significative d’anciens adéquistes simplement hostiles à l’État et allergiques à toutes mesures de protection de la langue française.

Ceci dit, la question demeure: ce discours a-t-il sa place dans un parti dont la raison d’être est l’indépendance nationale?

Il n’y a qu’une seule manière d’y répondre et c’est de soumettre cette option au test d’une course au leadership. Peut-être ne gagnerait-elle pas. Probablement pas, en fait. Reste que le Parti québécois ne peut prétendre être une solution de rechange au gouvernement actuel s’il se coupe délibérément de ce courant de fond de la société québécoise.

Il semble de plus en plus que ça n’arrivera pas encore dans cette course-ci. C’est dommage. Et ça contribue à maintenir au pouvoir un parti ultra-fédéraliste, austéritaire et indifférent à la spécificité québécoise.

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