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L’indécence en effet

Millénium 4.
Photo Courtoisie À la suite du décès de l’auteur de la trilogie Millénium, Stieg Larsson, la famille a mandaté un journaliste suédois pour écrire un quatrième tome, Millénium 4: Ce qui ne me tue pas.

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Disons-le tout net, l’édition littéraire, au Québec et ailleurs, n’est pas sans défaut. L’édition littéraire existe dans une économie de marché et même avec la meilleure volonté du monde, aucune maison d’édition ne peut se permettre de perdre de l’argent année après année. Même les plus scrupuleuses finissent par se rendre à l’évidence, et privilégient leurs meilleurs vendeurs en accordant peu à peu moins de place aux nouveaux auteurs et au risque financier.

Il est un peu absurde de prendre des risques littéraires quand on ne réussit plus à payer le loyer. On peut aimer un auteur et son œuvre, et comprendre que les 200 exemplaires vendus ne couvrent pas les frais, et qu’au bout d’une troisième ou quatrième tentative, il vaut mieux arrêter la collaboration.

C’est la triste réalité d’une économie de marché, que les illusoires promesses du numérique n’ont pas encore réussi à contredire.

Or la plupart des éditeurs passionnés continuent malgré tout à prendre le risque d’offrir aux lecteurs de nouveaux auteurs, de nouvelles voix, et se font un point d’honneur de réserver au moins une portion de leur programme à des livres qui n’ont pas encore trouvé leur public, mais dont la qualité est ­indéniable. C’est, toujours dans le contexte d’une économie de marché, la décence dont font preuve les éditeurs littéraires.

L’appât du gain

Puis il y a l’indécence. Celles d’Actes Sud, par exemple, qui a fait des millions avec la trilogie Millenium, de Stieg Larsson, auteur suédois décédé avant son succès planétaire. Des millions et des millions d’exemplaires vendus, dont les droits n’ont pas été versés à la veuve de l’auteur puisqu’ils n’étaient pas officiellement mariés, même s’ils étaient en couple depuis 30 ans. C’est plutôt le frère et le père de l’auteur, avec lesquels il était en froid, qui se sont retrouvés avec le pactole. C’était déjà indécent.

C’était encore plus indécent quand la famille a commissionné un journaliste suédois pour écrire un quatrième tome à la trilogie, contre l’avis de la veuve, afin de faire encore un peu plus d’argent. C’était d’ailleurs un très mauvais livre, même si beaucoup de lecteurs ont apprécié retrouver des personnages qu’ils croyaient à jamais disparus.

Et voilà qu’Actes Sud publie le roman du journaliste qui a écrit le faux Millénium. Un roman que l’auteur, David Lagercrantz, avait publié quelques années auparavant, et qui ressort en grande pompe. Jusque-là, ça va. Pourquoi pas. Mais Actes Sud le publie, en France, avec un bandeau qui affirme en gros caractère gras: par l’auteur de Millénium 4.

Ça me fait friser les dents.

Le titre de ce roman? L’indécence manifeste.

L’argent rend fou. Et pourtant Actes est une grande maison d’édition, qui a fait connaître au public français des auteurs importants de partout à travers le monde. Et qui continue de le faire. Et qui, pour le faire, a besoin d’argent.

Mais, simonac, à ce point-là?

Le jupon dépasse, et il est d’une vilaine couleur. Celle de la cupidité.

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