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Maïté et Dorimène

Maïté et Dorimène
Photo courtoisie


Elle est adolescente et il y a un peu plus d’un an, Maïté traversait une période très sombre. Elle a voulu s’enlever la vie. Par chance, ses parents n’étaient pas loin et ils ont pu lui venir en aide, le système de santé a pris le relais et elle se reconstruit, sans doute, petit à petit.

Avec l’amour de ses proches et le soutien psychologique et médical dont elle a besoin. Une «chance» dont nombre de personnes dans sa situation ne bénéficient pas. Un an plus tard, donc, sa mère change d’emploi et a maintenant droit à un régime d’assurances collectives: dents, yeux et tout ça. Ses parents remplissent la paperasserie d’office, ne cachent pas le douloureux épisode vécu par Maïté. Au moment de boucler le tout, les parents entendent au téléphone la préposée de Assurances Desjardins leur dire que leur fille ne serait pas assurable, parce que «vous comprenez, elle pourrait... bien, vous savez quoi.»

Sa détresse et sa douleur l’a amenée à tenter de se suicider et on n’accepte plus, maintenant, de lui donner accès aux services d’un dentiste, d’un optométriste ou, évidemment, d’un psychologue couverts par l’assurance de sa mère. Logique.

Cette histoire, je l’ai apprise en consultant mon fil Facebook, racontée par son père. En colère, le papa, bien évidemment. Je ne le connais pas, mais il affirme que sa conjointe et lui ont les moyens d’assurer tous les frais médicaux nécessaires pour leur fille, malgré cette décision débile de Desjardins Assurance.

Tant mieux pour Maïté.

Mais tous les jeunes n’ont pas la «chance», comme elle, d’avoir des parents assez fortunés pour leur payer des soins dentaires ou oculaires. Particulièrement s’ils traversent des passes difficiles. Sans avoir nécessairement passé proche de franchir la limite irréversible, l’accès à ces soins pourrait faire une différence notable. Comme l’écrit son père, à nouveau, un dentiste, «c’est bon pour l’estime de soi, surtout quand tu n’en as pas».

Mais au-delà, comment peut-on recevoir un tel commentaire, lorsque notre enfant a fait une tentative de suicide? Pire, bien sûr, comment cet enfant peut-il digérer pareille inhumanité? Son père, encore: «Quand je lui ai annoncé ça hier, j’ai vu dans ses yeux l’espace d’un moment qu’elle se trouvait un fardeau, encore une fois. Ç’a duré une seconde. Elle m’a ensuite souri et m’a demandé un câlin. Et elle a ri, de son vrai rire de toujours.»

Desjardins Assurances suit les règles froides du calcul coût-bénéfice inhérentes à la gestion des risques. Mais voulez-vous bien me dire quel est le risque d’assurer une personne qui a commis une tentative de suicide et qui, selon leurs calculs, serait plus à risque d’en commettre une autre, pour faire réparer ses caries ou lui payer un examen de sa vue? Des dents sans caries devraient durer un nombre déterminé d’années? C’est proprement ahurissant.

Ça l’est davantage venant de Desjardins. Lorsque le couple Dorimène et Alphone Desjardins ont fondé les Caisses populaires, ils cherchaient à aider les familles modestes du Québec à prendre le contrôle de leur destinée financière. Dorimène Desjardins a été une défenseure particulièrement pugnace des gagnes-petits qui se faisaient rouler dans la farine par les grandes institutions financières, au début du 20e siècle. Elle et son mari doivent se retourner dans leurs tombes à une vitesse inimaginable en prenant connaissance que cette soi-disant coopérative qui porte leur nom adopte les mêmes critères que n’importe quelle autre institution financière traditionnelle.

«Fuck you Desjardins Assurances», conclut votre père, Maïté. Nous ne connaissons pas, mais je sais que nous sommes innombrables à vous souhaiter tout le bonheur du monde et à maudire ces entreprises qui abandonnent les plus fragiles et blessés d’entre nous.

PS: la jolie photo qui chapeaute ce texte, Maïté, c’est juste une image de la beauté que je vous souhaite pour tous les jours.







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