Une jeune femme a vu une cinquantaine de médecins
Une jeune femme de 26 ans est allée aux États-Unis pour recevoir un diagnostic de maladie de Lyme
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Après avoir vu sa santé dépérir à vue d’œil pendant près de trois ans et avoir consulté en vain une cinquantaine de médecins du Québec, une policière de 26 ans vient d’obtenir un diagnostic de maladie de Lyme... aux États-Unis.
«J’ai été traînée dans la boue par des médecins, répète Sabrina Roy. On m’a ri au nez, on m’a insultée, on m’a traitée de dépressive. Même si j’arrivais en ambulance, les médecins me disaient: prends tes antidépresseurs et change de job, t’es pas faite pour être policière.»
Comme une grippe
L’histoire de cette jeune femme de Carignan, en Montérégie, donne froid dans le dos. Sa vie a carrément basculé en juillet 2013 alors qu’elle patrouillait dans les parcs de Longueuil. Le 21 mars dernier, après un véritable parcours du combattant dans le système de santé québécois, elle a obtenu un diagnostic de maladie de Lyme à Plattsburgh, dans l’État de New York.
En progression au Québec, la bactérie transmise par les tiques peut avoir de graves conséquences sur la santé. Âgée de 23 ans en 2013, Sabrina Roy ignore quand elle a été infectée. Au départ, elle pensait avoir la grippe.
«Mais, ça a empiré. Un jour, c’est comme si j’avais frappé un mur. J’ai eu une migraine tellement intense que j’ai pensé: “Ça y est, ça va finir ici.”», dit celle qui ne peut plus travailler depuis.
Diagnostiquée au départ pour une labyrinthite sévère, la policière a vu son état se dégrader dans les semaines qui ont suivi. Migraine, manque de concentration, ganglions du cou enflés: les symptômes se sont accumulés.
«J’avais des palpitations cardiaques, des spasmes dans tout le corps. Comme si j’avais le Parkinson, je ne contrôlais plus rien», dit-elle.
Cancer des ganglions
Après une consultation avec un oto-rhino-laryngologiste, on lui a ensuite diagnostiqué un cancer des ganglions. Or, à la fin de l’année 2013, le résultat de la biopsie s’est avéré négatif. Mais Sabrina n’avait toujours pas de diagnostic.
Dans les mois suivants, les symptômes ont encore empiré, tellement que la femme s’est rendue une quinzaine de fois à l’urgence en ambulance. Souvent avec son père parce qu’une paralysie soudaine l’empêchait de parler.
«Je me suis promenée d’hôpital en hôpital et personne ne m’aidait! confie-t-elle en pleurant. Ceux qui avaient une gastro passaient avant moi et je n’étais plus capable de bouger! Je vomissais du sang caillé. Qu’est-ce que ça prenait?»
Plusieurs fois, des spécialistes lui ont dit qu’ils ne trouveraient sûrement jamais ce dont elle souffrait.
«Je me suis fait crier au visage: t’es dépressive, c’est tout!» dit celle qui a même consulté un psychologue.
«On me disait que c’était dans ma tête, mais je savais qu’il y avait un monstre qui me bouffait de l’intérieur», dit Sabrina, qui a aussi reçu un diagnostic de fibromyalgie.
En 2015, une amie vétérinaire lui a parlé de la maladie de Lyme. «Et là, j’ai su contre quoi je me battais», dit-elle.
Au début 2016, elle a consulté un médecin de Plattsburgh qui connaît bien la maladie de Lyme et qui lui a fait passer des tests. Résultat: positif. Sabrina est même infectée par deux autres bactéries qui se trouvaient dans la tique.
Le Québec en retard
Jusqu’ici, Sabrina Roy a payé 10 000 $ en médicaments.
«On est vraiment en retard, au Québec. Quand je parle de la maladie de Lyme, les médecins ne savent pas ce que c’est ou me disent que c’est impossible! Ils sont vraiment mal informés», rage celle qui se cherche un médecin de famille.
La jeune femme est encore très hypothéquée par la maladie, mais elle espère pouvoir retourner au travail un jour.
«Il faut sensibiliser les gens. Si j’avais reçu un diagnostic dès le début, je serais sûrement guérie aujourd’hui. Ça nous coûte la vie. Réveillez-vous!»
Cinq fois plus de cas qu’en 2011 au Québec
Les cas de maladie de Lyme ont augmenté de 400 % depuis 2011 au Québec, mais le diagnostic demeure difficile puisque les symptômes s’apparentent à plusieurs autres maladies.
En 2015, 160 cas de maladie de Lyme ont été répertoriés au Québec (surtout en Estrie et en Montérégie), selon les données du ministère de la Santé. C’est cinq fois plus qu’en 2011 (32 cas).
« Un Problème complexe »
«C’est un problème complexe parce qu’on peut avoir différents symptômes. Est-ce toujours la maladie de Lyme? C’est difficile de répondre», explique le Dr François Milord, spécialiste en santé publique.
Ce dernier ajoute qu’avec 160 cas annuellement, les médecins ne voient pas beaucoup de cas chaque année.
«Mais, un médecin qui en a vu un ou deux va développer un réflexe pour les diagnostiquer», dit-il.
À l’Association québécoise de la maladie de Lyme, on reçoit une quinzaine d’appels par semaine de malades qui ont du mal à obtenir des soins au Québec.
«La plupart des gens sont obligés d’aller aux États-Unis pour se faire soigner. Ici, beaucoup de médecins refusent de faire le test, constate Marguerite Glazer, vice-présidente de l’Association. [...] Certains médecins se sont réveillés, mais ils sont encore très mal informés.»
Une « business »
«Les symptômes comptent pour beaucoup dans le diagnostic, ajoute la Dre Maureen McShane, qui traite beaucoup de patients canadiens à Plattsburgh. Les médecins québécois ne sont pas stupides, mais l’information dont ils disposent est inadéquate.»
À l’Association des microbiologistes infectiologues du Québec, on réplique qu’une forme de «business» s’est développée aux États-Unis pour des tests dont la qualité n’est pas assurée.
«Des fois, des patients Canadiens reçoivent des diagnostics dont la valeur des tests laisse beaucoup à désirer, répond le Dr Karl Weiss, président de l’Association.
«Nos tests ne sont pas parfaits, mais ils sont de bonne qualité», ajoute-t-il.
Au Collège des médecins, on assure que les docteurs sont bien formés.
La maladie de Lyme
Qu’est-ce que c’est ?
La bactérie Borrelia burgdorferi transmise par la piqûre d’une tique. Elle ne se transmet pas entre humains. En cas de piqûre, il faut retirer la tique à l’aide d’une pince.
Symptômes
Entre 60 % et 80 % des personnes infectées ont un érythème migrant, soit une lésion cutanée à l’endroit de la piqûre.
D’un diamètre de 5 cm ou plus, il apparaît entre 3 et 30 jours après la piqûre.
♦ Fièvre
♦ Fatigue
♦ Maux de tête
♦ Raideur à la nuque
♦ Douleurs musculaires et articulaires
Traitement
Antibiotique prescrit par un médecin. La nature du traitement dépend du stade de l’infection et des symptômes.
Complications
Problèmes articulaires, cardiaques et neurologiques
Prudence de mise
♦ Rester sur les sentiers
♦ Porter des vêtements longs et un chapeau
♦ Utiliser un chasse-moustiques
♦ Inspecter le corps à la fin de l’activité
Source: INSPQ et MSSS