Jeunesse d’aujourd’hui... et d’hier
Legault

J’ai eu le privilège de grandir dans les années 60. Une décennie effervescente, folle, joyeuse, libre, rêveuse et fonceuse à la fois. Avec nos tourne-disques vert pomme ou orange-fluo et nos 33-tours aux pochettes usées à la corde, c’était aussi la décennie de la musique.
De toutes les musiques. Les heures passées à écouter et réécouter les Beatles, les Stones, Janis ou les Doors ne se comptaient pas. Dans ce Québec qui se découvrait lui-même montaient aussi «nos» propres idoles.
Monsieur Lalonde, merci de nous avoir donné que du bonheur, des rêves à revendre et tout plein d’étoiles dans les yeux.
Notre «colonie artistique», comme on l’appelait, n’avait aucun équivalent au Canada anglais. Un phénomène unique au pays. Le nôtre. Prenant des airs de stars, «nos» vedettes peuplaient à leur tour nos écrans de télé en noir et blanc.
Puis, le rituel, magique, vint: Jeunesse d’aujourd’hui. Au diable Ed Sullivan! Chaque samedi soir, au Canal 10, nous avions Pierre Lalonde, Joël Denis et leur brochette de vedettes.
Pierre Lalonde. Beau comme un cœur. Élégant comme un prince. Galant et charmeur à la Cary Grant. Raffiné, doux, souriant et rieur. Pas l’ombre de la moindre vulgarité. Et cette voix. Naturelle, chaleureuse, joyeuse. L’homme parfait, quoi. Il faut bien le dire tout de même!
La vie est courte...
Ses chansons étaient surtout de son temps. De notre temps. Nous, on est dans le vent, C’est le temps des vacances, Donne-moi ta bouche. Et plus tard, signées de main de maître par Stéphane Venne – Attention, la vie est courte et Winnipeg (les nuits sont longues).
Jeunesse d’aujourd’hui. Le lundi matin, dans la cour d’école, c’était LE sujet de discussion. Alors, comment tu l’as trouvé Pierre Lalonde? Et Michèle Richard? Jenny Rock? Les Classels? Les Baronets? César et ses Romains? Et le beau Donald Lautrec?
Ginette Reno? Jacques Michel? Adamo? Tony Roman? Et les danseuses perchées sur de gros cubes aux motifs psychédéliques, t’as vu leurs minijupes? Leurs hot pants? J’en veux des pareils! Faut que je le demande à maman.
Et pourtant, personne n’y chantait live. Même la plupart des chansons étaient des traductions de succès britanniques ou américains. Mais on ne le remarquait pas. C’était tellement bon.
Que du bonheur
Dans mon quartier ouvrier, Jeunesse d’aujourd’hui, c’était aussi la permission de rêver et de réussir. En français. En pleine Révolution tranquille, ce facteur essentiel d’identification à «nos» artistes aura certes contribué à bâtir notre confiance autant collective qu’individuelle. On aurait tort d’en sous-estimer l’impact.
Bien sûr, Pierre Lalonde fut beaucoup plus que Jeunesse d’aujourd’hui. Animateur émérite au Québec, au Canada et aux États-Unis. Aussi à l’aise en anglais qu’en français. Producteur. Des millions de «disques» vendus. Il chanta même le premier indicatif de l’émission Infoman!
Homme de famille avant tout, il décédait cette semaine à 75 ans entouré des siens. Toutes nos condoléances.
Et de nous, les «enfants» fous des années 60, toute notre reconnaissance. Monsieur Lalonde, merci de nous avoir donné que du bonheur, des rêves à revendre et tout plein d’étoiles dans les yeux.