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Un drame oublié

Le naufrage tragique du voilier le Belle-Isle a fait 3 victimes

Le capitaine Guy Bégin et le couple Denis Samson et Hélène Racine sur le Belle-Isle devant Québec.
Photo courtoisie Le capitaine Guy Bégin et le couple Denis Samson et Hélène Racine sur le Belle-Isle devant Québec.

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Oublié dans les abysses du drame qui se jouait au Saguenay, le tragique naufrage du voilier le Belle-Isle sur le fleuve Saint-Laurent a pourtant fait trois victimes causées par le Déluge et la température exécrable qui s’abattait aussi sur Charlevoix.

Partis de la marina de Lévis, le capitaine Guy Bégin, sa conjointe Jacqueline ainsi que Denis Samson et Hélène Racine, un couple se préparant à un tour du monde à la voile pour l’an 2000, avaient pris le fleuve en prévision d’une croisière de deux semaines. Après que le voilier se fut arrêté à Berthier, la conjointe du capitaine, Jacqueline, décida de rester à quai en raison de la mer houleuse. Une décision qui lui sauva la vie.

Denis Samson et sa conjointe Hélène Racine
Photo courtoisie
Denis Samson et sa conjointe Hélène Racine

Le Belle-Isle a donc pris le large vers Tadoussac le 19 juillet malgré une météo défavorable. Puis, un message «mayday» est lancé en après-midi par le capitaine suivi, une demi-heure plus tard, d’un long silence.

Devoir de mémoire

«Tout le monde de la voile connaît cette histoire-là, tout le monde a écouté en direct ce qui s’est passé et a entendu le capitaine sur la radio», lance Nancy, la fille de Denis Samson et Hélène Racine. Après 20 ans de silence, les filles du couple décédé ont accepté pour la première fois de raconter leur histoire publiquement «par devoir de mémoire». «On fait partie du Déluge du Saguenay», estime Marie-Christine.

Marie-Christine, Denis Samson, Hélène Racine et Nancy quelques jours avant le drame.
Photo courtoisie
Marie-Christine, Denis Samson, Hélène Racine et Nancy quelques jours avant le drame.

À 15 h 10, la voix du capitaine s’est fait entendre pour la dernière fois. Malgré les recherches de plusieurs navires et même d’un hélicoptère de l’armée «dans des conditions dépassant parfois les limites de l’appareil», jamais le Belle-Isle n’a été retrouvé, même vingt ans plus tard.

Le capitaine Guy Bégin a été retrouvé deux jours après au large de l’île aux Pommes, près de Rimouski. La dépouille de la mère de Marie-Christine et Nancy a quant à elle été retrouvée sur l’île aux Lièvres huit jours plus tard. À ce jour, le corps de Denis Samson n’a toujours pas été retrouvé.

Deuil

Marie-Christine et Nancy, les filles du couple décédé, ont accepté pour la première fois de raconter leur histoire publiquement «par devoir de mémoire».
Photo Le Journal de Québec, Stevens LeBlanc
Marie-Christine et Nancy, les filles du couple décédé, ont accepté pour la première fois de raconter leur histoire publiquement «par devoir de mémoire».

«Si on trouve le bateau, ça se peut qu’il soit attaché après», croit Nancy. Les indices laissent à penser que Denis Samson était à l’extérieur du Belle-Isle et donc attaché au bateau lors du naufrage. Même vingt ans plus tard, les filles du disparu «gardent espoir» de retrouver leur père.

«Le deuil ne se fait pas. Notre mère est décédée, on l’a enterrée, on l’a vue, on l’a trouvée, mais notre père n’a pas été trouvé». Reste qu’«il y a des choses qu’on a acceptées rapidement», poursuit Nancy.

Les rires complices des deux sœurs lors de l’entrevue témoignaient d’une famille qui a rebondi. «On a décidé de prendre cet événement-là comme un propulseur», affirme Nancy. «Ils sont morts jeunes, alors je me suis dit: “Il faut que je réalise mes rêves”», poursuit Marie-Christine qui n’avait que 16 ans lors du drame.

Les sœurs vont donc se souvenir de leurs parents «hyper amoureux» partis ensemble il y a 20 ans le 19 juillet, mais refusent encore aujourd’hui de «sombrer dans le négatif».

 

Plan de mesure d’urgence

Élu sur la vague du déluge

Le capitaine Guy Bégin et le couple Denis Samson et Hélène Racine sur le Belle-Isle devant Québec.
Photo d'archives

Le maire Jean Tremblay dit avoir été élu «sur la vague du déluge». Un sinistre qui a permis de bâtir à Saguenay un plan de mesures d’urgence qui est devenu un modèle pour l’ensemble de la province.

«C’était l’objet de la campagne. Justement parce que les travaux ne se faisaient pas assez rapidement», affirme Jean Trembaly, maire de Saguenay.

Curieux, Jean Tremblay raconte avoir passé beaucoup de temps à observer le déluge. «Il y avait quelque chose de spectaculaire en regardant des rivières déborder de la sorte», mentionne-t-il.

À la tête de la ville depuis deux décennies, M. Tremblay soutient que le maire de l’époque Ulric Blackburn hésitait à réaliser certains travaux d’envergure, principalement au bassin, à Chicoutimi. Ainsi, il s’est «servi beaucoup» du déluge pour se faire élire.

«Il hésitait à faire certaines réparations autour de la petite maison blanche. C’était tout délabré et il prétendait que ça ne pressait pas. Moi j’avais mis dans mon programme que ça pressait et qu’on allait le faire immédiatement», raconte M. Tremblay.

Lorsqu’il regarde la reconstruction, il se dit impressionné par la qualité des travaux et la rapidité avec laquelle ils ont été réalisés. Il estime que toutes ces rénovations n’auraient jamais pu être possibles sans la générosité de la population canadienne ainsi que des gens d’affaires. «On a été chanceux, il y a eu des subventions. Il y a eu des dons qui arrivaient de partout», dit-il.

Plan d’urgence

Le déluge a fait comprendre aux municipalités et aux gouvernements qu’ils n’étaient pas préparés à vivre des situations extrêmes.

«On pensait qu’on avait le contrôle de nos cours d’eau. On a constaté qu’on ne contrôlait pas grand-chose. C’est ce qui a permis à la Ville de bâtir un plan de mesure d’urgence qui est devenu un modèle au Québec, relate Jean Tremblay, qui croit qu’un jour une nouvelle catastrophe surviendra sur le territoire du Saguenay.

«Maintenant on est beaucoup plus prêt», croit-il.

 

LE FIL DES ÉVÉNEMENTS

19 juillet, 11 h

Départ du Belle-Isle de Rivière-du-Loup en direction de Tadoussac.

13 h 30

La météo devient inquiétante. Brume et pluie.

En après-midi

Vagues entre 3 et 5 m. Rafales dépassant les 60 nœuds. Visibilité nulle.

14 h

Les balises pour se rendre à Tadoussac sont invisibles, le pilote modifie sa route vers Cap-à-l’Aigle.

14 h 38

Message «Mayday» lancé sur les ondes. Le bateau a échoué sur la Batture aux Alouettes (devant Baie-Sainte-Catherine).

14 h 47

La vedette de la Garde côtière Isle-Rouge entre en communication avec le Belle-Isle. Le capitaine n’est pas en mesure de donner une position précise.

Le capitaine informe la Garde côtière que la marée monte et que les vagues «cognent dur». Il indique qu’il ne pourra pas utiliser «sa radio bien longtemps».

15 h 10

Dernière communication radio du capitaine.

21 juillet

Le corps du pilote Guy Bégin est retrouvé au large de l’île aux Pommes près de Rimouski par un avion Hercule.

27 juillet

La dépouille d’Hélène Racine est retrouvée par un marcheur sur l’île aux Lièvres avec son gilet de sauvetage.

 

 

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