« Intelligence » anti-canicule
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La lutte aux ilots de chaleur : un domaine où un projet numérique de « ville intelligente » serait d’un apport précieux pour la mobilisation civique.
Une idée d’application de « ville intelligente » me trotte dans la tête depuis deux ans. Le dernier épisode de chaleur extrême m’offre l’occasion de vous la présenter. Et d’inciter quelqu’un à la développer, j’espère.
Il s’agit d’un projet d’application géomatique grand public visant à faciliter la mobilisation civique pour la création d’ilots de fraicheur urbains.
Nous le savons. Nos villes sont couvertes d’ilots de chaleurs. La carte de la région de Montréal ci-haut en offre une illustration tristement éloquente. Cette surchauffe est couteuse en problèmes de santé, pertes de productivité, énergie dépensée pour climatiser et autres retombées.
La " ville intelligente " doit d’abord être un projet civique. Un projet d’amélioration du vivre ensemble entre membres d’une même Cité. Un projet de mobilisation de l’intelligence collective
Or si nous ne faisons rien, ces problèmes empireront rapidement avec l’accélération des changements climatiques en cours.
Les solutions sont connues, notamment :
- plantation d’arbres ;
- emploi de matériau réfléchissant plutôt qu’absorbant la chaleur du soleil lors du renouvèlement des toitures et autres surfaces ;
- verdissement des façades des immeubles, des ruelles et terrains.
Les effets des plantations d’arbres et autres verdures dépassent le seul gain de fraicheur. Ces plantations aident à la qualité de l’air. Elles constituent un puits de carbone, donc luttent contre le réchauffement planétaire. Elles améliorent le bien-être physique et mental des gens. Elles diminuent les vents et le bruit. Étonnant mais vrai, elles incitent les automobilistes à rouler moins vite, donc rendent les rues plus sécuritaires. Elles s’avèrent donc aussi un des moyens les moins couteux d’augmenter la valeur foncière des propriétés (ce qui, si on n’y prend garde, peut se transformer en effet pervers pour les résidents en période de flambée des prix de l’immobilier).
Pour obtenir des résultats positifs notables, les efforts doivent donc préférablement être ciblés, continus et coordonnés entre les propriétaires publics et privés ainsi que les résidents et autorités administratives d’un même voisinage.
C’est ici qu’un bouquet d’applications numériques grand public pourrait aider à la mobilisation.
Une carte, pour commencer
La géomatique permettrait de lier à une même carte des informations de sources diverses :
- les emplacements des rues et des immeubles ;
- les relevés de températures par satellite et sur le terrain ;
- les emplacements des arbres sur les domaines publics et privés ;
- la population (par exemple, combien d’enfants et personnes âgées, plus susceptibles d’être incommodées par la chaleur, vivent sur quelles rues) ;
- la santé publique (par exemple, combien de cas de personnes incommodées par épisode de canicule pour un secteur) ;
- les emplacements des toits ayant été « éclaircis » ; etc.
Une telle intégration d’informations sur une même carte interactive permettrait aux citadins de se donner un portrait clair de leurs milieux de vie, des améliorations à y apporter et, surtout, d’identifier quels secteurs devraient recevoir priorité.
Outils de simulation, ensuite
Mais qu’il s’agisse d’une action concertée dans un secteur prioritaire ou d’une initiative spontanée d’un propriétaire résident, il faut aussi pouvoir identifier quelle intervention aurait le meilleur rapport couts/bénéfices à court et long termes. Plantation d’arbres ? Verdissement de façades ? Ou de surfaces ? Désalphaltage ? Autres ?
L'historique permettrait de visualiser les résultats concrets des efforts individuels et collectifs. Il serait donc source de fierté. Il stimulerait aussi une saine compétition entre villes, quartiers, voisinages et résidents.
C’est ici qu’un outil de simulation aiderait à la décision. Aux informations déjà disponibles de la carte numérique précédente, l’usager pourrait ajouter les caractéristiques de l’immeuble ciblé. Par exemple, des informations sur les dimensions, matériaux et orientations des diverses surfaces. En fonction de ces données, l’outil pourrait estimer les gains en fraicheur (extérieure pour le quartier ainsi qu’intérieur pour l’immeuble même) pour chaque solution envisagée.
Même si une telle simulation ne pouvait offrir que des approximations grossières, ses réponses seraient néanmoins fort utiles. D’autant plus si l’outil de simulation est complété par un outil de calcul où l’usager peut entrer les prix des matériaux et travaux envisagés afin d’estimer l’ampleur des couts de chacune de ces mêmes solutions.
Un historique, enfin
Mais l’élément mobilisateur clé du dispositif serait l’historique des améliorations. La possibilité de prendre connaissance des projets prévus, en cours ou complétés. La possibilité de voir progressivement sur la carte disparaitre des ilots de chaleurs et apparaitre des ilots de fraicheur. La possibilité de suivre l’évolution d’indicateurs de santé publique, d’évaluations foncières et autres.
Un tel historique permettrait de visualiser les résultats concrets des efforts individuels et collectifs. Il serait donc source de fierté. Il stimulerait aussi une saine compétition entre villes, quartiers, voisinages et résidents.
Un tel historique permettrait aussi à une collectivité de faire pression sur les retardataires.
Par exemple, si les propriétaires résidents d’un bout de rue se rendent compte que leurs fructueux efforts et investissements sont plombés par la non-participation du propriétaire non résident d’une suite de gros immeubles à logements locatifs. Ou plombés par la masse thermique de l’immense cour de récréation asphaltée de l’école où ils envoient en plus leurs jeunes enfants.
La carte interactive offerte par application numérique justifierait les résidents à engager la conversation. Et ses informations et outils de simulation seraient autant de sources d’arguments pour la mobilisation, la négociation et la recherche d’accord sur les solutions et contributions.
« Intelligence » civique
Cette idée illustre l’affirmation que j’avais déjà faite selon laquelle la « ville intelligente » ne sera pas municipale. Ma conviction que la « ville intelligente » ne doit pas se résumer à un programme municipal. « La " ville intelligente " doit d’abord être un projet civique. Un projet d’amélioration du vivre ensemble entre membres d’une même Cité. Un projet de mobilisation de l’intelligence collective », écrivais-je.
En effet, ce projet-ci de lutte aux ilots de chaleur est loin de se résumer à une affaire de gestion des relations entre administration et administrés d’une municipalité.
Pour obtenir des résultats positifs notables, les efforts doivent donc préférablement être ciblés, continus et coordonnés
En outre, un tel projet pourrait être lancé tout autant par un centre de recherche universitaire, une autorité de santé publique, une organisation de la société civile, un ministère chargé de l’adaptation aux changements climatiques ou de la sécurité publique ou une entreprise commerciale visant ultimement un marché mondial plutôt qu’une administration municipale. Mais réalistement, son développement devrait impliquer la coopération active de multiples acteurs clés.
Un tel projet est une mise en commun et en branle des informations, expertises, intelligences et efforts des différents services publics, entreprises, groupes et individus qui forment la cité.
Voilà la proposition. Je laisse s’en emparer qui veut.
Mais qu’au moins on m’invite pour le lancement... ;-)