Retour en terre brésilienne
La famille Pessoa ira encourager Sergio fils dans son pays natal
Montréal lui a donné l’avenir espéré lorsque sa famille a quitté les rues de Sao Paulo, mais Sergio Pessoa fils pourra difficilement contenir sa fébrilité à l’idée de fouler sa terre natale brésilienne pour le tournoi olympique de judo.
Quand on regarde le parcours de ce Canado-Brésilien, on a envie de croire à la magie d’une destinée. Le 4 septembre 1988, son papa Sergio s’envolait avec l’équipe de judo du Brésil pour participer aux Jeux olympiques de Séoul, 24 heures seulement après sa naissance. Près de 28 ans plus tard, il se produira sur le sol où sa vie s’est lancée.
«Lorsque Rio a été choisie pour organiser les Jeux de 2016, je me suis dit: il faut que je sois là, peu importe ce qui peut arriver», aime se rappeler l’athlète de la catégorie des 60 kilos, dont la compétition est prévue dès samedi, au lendemain de la cérémonie d’ouverture.
Go, Canada!
Les Pessoa ont acheté une vingtaine de billets pour assister au tournoi de Sergio fils au Carioca Arena. La majorité de la famille à Sao Paulo en héritera, des grands-parents jusqu’aux aux cousins et cousines. Évidemment, il y aura aussi les parents et les deux frères du judoka. Chacun et chacune porteront un chandail aux couleurs du...Canada.
Il n’y a pas un reniement à leurs origines brésiliennes dans cette façon d’encourager, loin de là, mais plutôt un rappel pour la vie améliorée que le Canada leur a offerte.
«Je ne vais jamais renier mes racines, mais si quelqu’un me le demande, je vais dire que je suis Canadien», avoue le père, qui a aussi vécu les Jeux d’Atlanta comme entraîneur avec le Brésil, puis ceux de Pékin et de Londres avec le personnel de l’équipe canadienne.
Partir avant de « virer fou »
Sergio Senior et son épouse ont décidé de changer de vie en 2004. Monter vers le nord, en direction du Canada, devenait la solution à leurs inquiétudes.
«L’éducation au Brésil était correcte, mais pour la sécurité, tu ne peux pas laisser des adolescents sortir le soir. C’est dangereux. On avait trois enfants à l’âge de l’adolescence et je me suis dit que j’allais virer fou si je restais au Brésil», explique-t-il.
Une offre d’emploi comme entraîneur de judo à Kedgwick, une communauté de 1000 résidents au nord du Nouveau-Brunswick, allait servir de prétexte pour émigrer. Même les parents restés à Sao Paulo ont donné leur bénédiction à cette décision audacieuse.
«Je ne connaissais rien du Canada. Je parlais un peu anglais grâce au judo, mais le français, pas du tout. On a débarqué là un peu comme si on avait été des astronautes! Ils n’avaient jamais reçu d’immigrants. Ça a été pour nous une belle expérience et on y a conservé beaucoup d’amis», raconte le paternel, qui a obtenu avec sa famille leur citoyenneté canadienne en 2007.
Aucun regret
Arrivés par la suite à Montréal en 2006, les Pessoa ont su s’intégrer à la vie québécoise. C’est avec un «pantoute» typiquement de chez nous que le père répond lorsqu’on lui demande s’il regrette sa décision d’avoir quitté son Brésil. Si sa propre jeunesse dans les rues de Sao Paulo s’était plutôt bien écoulée, celles qui attendaient les générations suivantes ne l’ont jamais rassuré.
«Ça a empiré beaucoup avec les années. Aujourd’hui, tu ne peux même pas marcher dans la rue avec un cellulaire, sinon tu peux te le faire voler. C’est devenu difficile pour la jeunesse au Brésil puisqu’il y a de plus en plus de violence. J’espère que ça va commencer à changer un jour, mais on dirait que c’est toujours de plus en plus difficile», observe-t-il.
Sergio fils avait 15 ans quand il a laissé derrière lui son pays, où il s’était initié au judo. Feuille d’érable au dos, les encouragements en portugais qu’il entendra samedi lui rappelleront un peu son passé.
«Je vis vraiment une vie canadienne aujourd’hui. Je me sens plus Canadien que Brésilien. À chaque fois que je retourne au Brésil, on dirait que je me sens davantage comme un touriste...»
Une participation à Rio pleinement méritée
Avec toutes les embûches rencontrées par Sergio Pessoa, sa qualification pour les Jeux de Rio relève peut-être d’une force inconsciente exercée par son Brésil natal.
Après une première chirurgie pour réparer une déchirure du ligament croisé antérieur, quelques semaines après avoir participé aux Jeux de Londres en 2012, Pessoa a subi une blessure identique au même genou gauche huit mois plus tard. Résultat: il a dû bouder le judo durant 20 mois, se limitant à de l’entraînement physique et de la réadaptation jusqu’en mai 2015.
Mais les Jeux de Rio approchaient vite et il lui fallait participer à des compétitions afin d’amasser de précieux points de classement durant le long processus de qualification. Sa croisade a débuté de façon précipitée lorsqu’un désistement lui a ouvert la porte aux Jeux panaméricains de Toronto, où il a terminé cinquième «même si je n’étais pas au sommet de ma forme».
« Un peu seul »
Cette première véritable compétition a lancé le judoka de 27 ans dans un long marathon. Parvenu à se hisser jusqu’au 22e rang mondial de sa catégorie, dernier étage requis pour se qualifier pour les Jeux, il fut le dernier athlète accepté en mai dernier.
«Mon père a été vraiment utile durant la dernière année. Il y a eu des moments lorsque ça n’allait pas et que j’étais démotivé. Après une mauvaise compétition et une mauvaise performance, je me pointais à l’entraînement et je n’avais pas le goût de m’entraîner. Mon père est venu me parler au mois de janvier pour me remonter le moral», raconte Pessoa fils.
«Je me suis senti un peu seul durant la dernière année parce que les entraîneurs s’occupaient davantage de ceux qui n’étaient pas blessés. Une chance que mon père a été là. J’avoue que je me suis senti laissé de côté vu que je n’étais pas le plus performant dans l’équipe. Moi, je savais ce qu’était mon potentiel. J’avais une grande confiance en moi, mon père aussi.»
« Il l’a mérité »
L’expérience du père, autant avec son passé d’athlète que dans son travail actuel d’entraîneur provincial à Judo Québec, a servi le fiston. Comme si sa participation aux Jeux olympiques dans son Brésil natal était toute tracée.
«Oui, ça doit être le destin parce que ça a été difficile pour lui, rapporte le paternel. Il mérite sa place parce qu’il a travaillé durant la dernière année. Il a beaucoup pleuré aussi. Il l’a mérité.»