/opinion/blogs

Ton Facebook est-il Trump ou Clinton?

Hillary Clinton et Donald Trump
Photo AFP

Coup d'oeil sur cet article

La page Blue Feed, Red Feed du Wall Street Journal illustre à quel point Facebook peut nous flatter que dans le sens de notre poil politique personnel.

De plus en plus nombreux sont les gens pour lesquels Facebook est devenu une source importante – voire principale – de nouvelles politiques. J’ai déjà signalé les diverses manières par lesquelles Facebook sélectionnait les messages apparaissant sur nos fils de nouvelles. Comment ces fils pouvaient nous faire nous retrouver dans une bulle d’opinion qui exclut celles différentes des nôtres. Comment Facebook pouvait même, de proche en proche, nous offrir des contacts politiques de plus en plus radicaux, jusqu’au recrutement jihadiste.

Le Wall Street Journal a décidé de nous montrer concrètement comment la réalité peut apparaitre très dissemblable à différents usagers de Facebook. Le quotidien a créé la page web Blue Feed, Red Feed. Elle présente, côte à côte, des fils Facebook « libéral » et « conservateur » de nouvelles sur certains sujets d’actualité politique. Au moment d’écrire ces lignes, les sujets retenus étaient : Hillary Clinton ; Donald Trump ; Barack Obama ; armes à feu ; avortement ; Groupe État Islamique ; transgenre ; fusillade d’Orlando ; fusillade de Dallas ; Melania Trump ; Khizr Khan.

Dans la colonne de gauche, le fil de nouvelles « libéral » affiche les cinq derniers articles provenant de sources dont les publications ont été largement partagées par les usagers de Facebook identifiés comme étant « très libéraux ». Alors que la colonne de droite présente sur le fils « conservateur » cinq derniers articles sur le même sujet, mais de sources partagées par des usagers « très conservateurs ».

Ces sources « très » partiales ont été identifiées en analysant les contenus partagés par 10,1 millions d’usagers de Facebook pendant six mois, du 7 juillet 2014 au 7 janvier 2015.

Quant aux cinq derniers articles affichés dans les fils Bleu et Rouge, ne sont retenus que les articles mentionnés dans des messages qui :

  • proviennent d’une page Facebook suivie par au moins 100 000 autres usagers ; et
  • ont été partagés au moins 100 fois.

Deux planètes

Le portrait qui se dégage des divers fils Bleu et Rouge est celui de deux univers parallèles.

Par exemple, au moment où je consultais la rubrique « Barack Obama » une nouvelle à gauche sur une réflexion de Michelle Obama sur la lutte aux stéréotypes raciaux côtoyait une nouvelle à droite sur comment la Première Dame aurait été irrespectueuse envers les victimes d’inondation en Louisiane. Et deux nouvelles à gauche sur la création d’un nouveau parc national par Barack Obama côtoyaient deux nouvelles à droite sur le fait que le Président aurait fait enlever le drapeau états-unien de la Maison-Blanche (faux) et que 19 % des employeurs de l’État de New York coupaient des emplois à cause d’Obamacare (chiffre que je n’ai retrouvé nulle part dans l’étude citée par l’article).

Ce gigantesque fossé médiatique n’a pas été créé par Facebook. Les États-Unis fourmillaient déjà de très nombreuses sources d’information couvrant un large spectre idéologique. Le projet Blue Feed, Red Feed ne met en évidence que les sources fréquemment citées sur Facebook définies comme les plus partiales.

Cependant, Facebook travaille fort pour que ses usagers l’adoptent comme leur première source de nouvelles sur l’actualité. Facebook nous profile en fonction de nos sensibilités politiques. Le média social cherche ensuite à nous exposer à des expressions politiques ou sujets qui flatteront nos sensibilités plutôt que nous prendre à rebrousse-poil.

Créer un espace confortable pour retenir les usagers le plus longtemps possible sur ses pages : voilà la recette de Facebook pour nous exposer à un maximum de payantes publicités.

Des citoyens qui ne voient plus que des propos et faits (vrais ou non) qui confirment leurs propres opinions. Voilà un piège mortel pour la démocratie d’un pays et la cohésion d’une société si de tels mondes parallèles se multiplient et deviennent de plus en plus étanches et populeux. Il faudra discuter des moyens de collectivement l’éviter.

Entretemps, chacun d’entre nous doit prendre conscience de ce même piège. Nous devons donc faire l’effort conscient de nous offrir une diète de sources d’information et d’opinions diversifiées. Sur Facebook ou ailleurs.

Commentaires

Vous devez être connecté pour commenter. Se connecter

Bienvenue dans la section commentaires! Notre objectif est de créer un espace pour un discours réfléchi et productif. En publiant un commentaire, vous acceptez de vous conformer aux Conditions d'utilisation.