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Le tunnel entre Québec et Lévis coûterait 4 milliards $, selon l'auteur de l'étude de faisabilité

Le tunnel entre Québec et Lévis coûterait 4 milliards $, selon l'auteur de l'étude de faisabilité

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Le chiffre est enfin tombé, mardi, après des mois d’attente : 4 milliards $. C’est ce qu’il en coûterait pour construire un tunnel de 7,8 km entre Québec et Lévis, selon l’étude de faisabilité commandée par le MTQ.

L’auteur de l’étude, le professeur Bruno Massicotte de l’École Polytechnique à Montréal, était seul pour affronter les médias lors d’un point de presse technique orchestré par le ministère des Transports, en l’absence du ministre Laurent Lessard. L’ingénieur estime que la fourchette de coûts «réaliste» se situe entre 3,5 G$ et 4,5 G$. «Ça ne peut pas être moins que 3,5 milliards $», a-t-il affirmé, sûr de lui.

Ce n’est pas un mais bien deux tunnels parallèles qu’il faudrait construire. Ils relieraient l’autoroute 40 sur la rive-nord (à Beauport) à l’autoroute 20 sur la rive-sud (à la hauteur de la route Lallemand) en passant par la pointe de l’Île d’Orléans. La fameuse faille de Logan, «inactive depuis 250 millions d’années», ne constitue pas un obstacle.

C’est «faisable techniquement», conclut M. Massicotte, après avoir analysé toutes les études antérieures et consulté divers experts spécialisés en tunnels. Mais «c’est très cher», reconnaît-il d’emblée.

L'auteur de l'étude, Bruno Massicotte
Photo Didier Debusschère
L'auteur de l'étude, Bruno Massicotte

Sol sablonneux

Le «principal défi» se situerait du côté nord. La présence de «dépôts meubles» au fond du fleuve Saint-Laurent – des sédiments et du sable gorgé d’eau – entraînerait des déboursés supplémentaires majeurs. Ces sols mous présentent un risque de liquéfaction en cas de séisme majeur, a exposé M. Massicotte, rappelant qu’un tunnel doit pouvoir résister à un tremblement de terre de 7,5 sur l’échelle de Richter.

«Si on était dans le roc tout le long, probablement qu’on serait plus près du 3 milliards $ que du 4 milliards $ parce que le tunnelier (NDLR : la machine utilisée pour forer un tunnel) va être plus cher et devra creuser dans deux types de sol.» La coque d’un tunnel du côté nord devrait inévitablement être renforcée.



Coûts d’entretien de 2,3 milliards $

M. Massicotte évalue également les coûts d’opération et d’entretien d’un tunnel sous-fluvial à 2,3 G$ (en dollars de 2016) sur une période de 100 ans. Le ministère des Transports lui avait demandé d’estimer ces coûts sur un cycle de vie de 100 ans. «Un tunnel, ça coûte cher à exploiter. C’est plus cher à exploiter qu’un pont et ça se détériore plus rapidement», a fait valoir l’auteur de l’étude.

En conférence de presse, le chercheur a évoqué un échéancier de plus ou moins 13 ans pour compléter la construction, en tenant compte des années nécessaires à la finalisation des études, à la conception du projet, la fabrication et de l’assemblage d’un tunnelier (2 ans) et la construction elle-même  (4 ans).

Le scénario d’une sortie à l’Île d’Orléans, jugé trop coûteux et complexe, n’a même pas été évalué. «Ça serait de s’embarquer dans bien du trouble. Je ne le recommanderais pas en tout cas», a répondu M. Massicotte.

Et un troisième pont ?

Quant à un pont, qui relierait l’Île d’Orléans et la rive-sud, l’ingénieur estime qu'un tel projet ne serait pas moins cher qu’un tunnel. «Je ne pense pas qu’il y aurait d’économies à faire. Il y a la voie maritime, il faut laisser passer les bateaux donc ça prendrait un pont très haut et en terme de coûts, ça coûterait très cher, je ne l’ai pas évalué mais ça serait un pont de très grande amplitude.»

Même en combinant ce projet à celui d’un nouveau pont pour l’Île d’Orléans sur la rive-nord ? «Il n’y a pas une évidence d’un gain à jumeler les deux projets avec les données qu’on a, sous toutes réserves. Le pont de l’Île est fait pour un certain volume. Ce n’est pas un pont autoroutier, c’est un pont à deux voies. Faire un pont autoroutier, ça serait peut-être deux fois plus cher avec les échangeurs aux extrémités.»

L’auteur de l’étude invitant également les gens à la prudence lorsqu’ils comparent différents projets de tunnels dans le monde. «Il ya des coûts fixes qui sont là pour un tunnel court ou un tunnel long. Il faut faire attention quand on se compare (...) Chaque site a sa particularité.»

L’étude dévoilée mardi est la plus détaillée jusqu’à présent sur ce projet qui revient continuellement dans les manchettes depuis cinquante ans. Elle n’est toutefois pas suffisante pour que le ministère puisse prendre une décision éclairée. Plusieurs études géologiques additionnelles et de circulation devraient encore être effectuées, a précisé M. Massicotte. «Pour prendre une décision finale, non, ils n’ont pas tout ce qu’il faut.»

Les maires de Québec et Lévis réagiront mercredi.

Faits saillants de l’étude

  • Il y aurait deux tunnels, un dans chaque direction
  • Le tracé étudié se situe entre l’échangeur des autoroutes 40/440 à Beauport et la route Lallemand à Lévis
  • Longueur : 7,8 km
  • Largeur : 15,1 mètres
  • 2 voies dans chaque direction avec possibilité d’une troisième voie réservée
  • Les deux tunnels seraient interconnectés à tous les 500 mètres pour les services d’urgence
  • Coûts de construction : 4 G$
  • Coûts d’exploitation et d’entretien : 2,3 G$ sur un cycle de vie de 100 ans
  • Échéancier de réalisation : entre 10 et 15 ans, en tenant compte des études supplémentaires requises
  • L’auteur de l’étude, Bruno Massicotte (ing. Ph.D.) est ingénieur civil, spécialiste en structures.
  • Coût de l’étude de faisabilité : 105 000 $

* Source : Étude de faisabilité technique et des coûts sur le cycle de vie d’un tunnel entre les villes de Lévis et de Québec (déposée le 11 avril 2016 au gouvernement)

Ce qu'ils ont dit:

« Nous sommes heureux de constater que le projet soit techniquement faisable. Mais on trouve qu’il manque de viande autour de l’os. L’étude nous donne un seul angle concernant la problématique de mobilité»

— Stéphane Thériault, vice-président exécutif de la Chambre de commerce de Lévis

« Cette étude est incomplète, car elle exclut d’autres scénarios plausibles, comme le projet de remplacement du pont de l’île d’Orléans, qui devrait être intégré au projet global»

— Steven Blaney, député conservateur

« À 4 milliards de dollars, cette formule-là n’est pas applicable. Il faut penser à autre chose et avoir d’abord une vision globale de la planification des transports»

— Alain Aubut, président de la Chambre de commerce et d’industrie de Québec

« C’est très, très cher. Ce projet-là, on devrait l’enterrer, il ne mérite même pas d’aller plus loin. Pour nous, le service rapide par bus, c’est ça, le troisième lien; c’est LE projet sur lequel il faut travailler à court terme»

— Étienne Grandmont, dg d’Accès transports viables

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