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Les médias sociaux scrutés pendant les examens

Le ministère de l’Éducation veut éviter que des fuites se reproduisent

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Le ministère de l’Éducation songe à surveiller les réseaux sociaux pendant la période d’examens pour repérer toute fuite éventuelle sur le contenu des épreuves ministérielles.

Le ministère de l’Éducation a publié au cours des derniers jours un appel d’intérêt pour des services visant à «assurer, en temps réel, une veille des médias sociaux au moment de la passation des épreuves ministérielles afin de signaler si des informations sur le contenu de ces épreuves sont échangées». Rappelons qu’en juin, le ministère avait dû annuler une partie de l’examen d’histoire parce que son contenu avait circulé sur Facebook (voir encadré).

Espionner les jeunes

Cet appel d’intérêt a fait sursauter Thierry Karsenti, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les technologies de l’information et de la communication. Ce dernier n’en revient pas que le ministère songe à «espionner nos jeunes en ayant recours aux services d’une firme privée payée à même nos taxes» et y voit un «problème éthique». «Comme parent, je trouverais ça inadmissible. J’ai un malaise avec ça, ça va beaucoup trop loin», lance-t-il.

Mesure inefficace

Il s’agit par ailleurs d’une bien mauvaise façon de s’attaquer au problème, puisque les élèves trouveront toujours le moyen de contourner cette surveillance, que ce soit par messagerie privée sur Facebook ou en utilisant Snapchat, ajoute M. Karsenti.

De tels services «en temps réel» pourraient par ailleurs être très couteux, puisque la période d’examens s’échelonne sur deux mois, fait remarquer ce professeur de l’Université de Montréal.

Cet avis est partagé par Mario Asselin, consultant en éducation sur les technologies de l’information. «Je prédis un échec total de cette méthode-là», lance-t-il.

Ce dernier considère, comme M. Karsenti, qu’il vaut mieux repenser le type de questions d’examens afin de tenir compte du fait que l’information peut circuler sur les réseaux sociaux.

Luc Papineau, qui enseigne le français dans une école secondaire, affirme de son côté qu’on devrait d’abord commencer par limiter la préparation permise avant un examen, puisque des textes circulent souvent à l’avance, rappelle-t-il. Lorsque ces informations circulent, «on ne mesure plus la capacité de l’élève mais plutôt celle de son entourage», lance-t-il.

Étape exploratoire

Au ministère de l’Éducation, on précise qu’un appel d’intérêt est une «étape préalable et exploratoire sans engagement». À la suite de l’incident concernant l’examen d’histoire, un groupe de travail a été mis sur pied «afin de proposer des mesures visant à accroître la sécurité entourant les épreuves ministérielles». La veille des réseaux sociaux est une «piste éventuelle» qui fait partie de cette démarche, indique son porte-parole, Bryan St-Louis.

Les travaux du groupe de travail se poursuivent et les conclusions seront connues cet hiver, a-t-il ajouté.

Deux fuites plutôt qu’une

7 juin 2016 : Le ministère de l’Éducation annule des questions de l’examen de mathématique de sixième année à cause d’un «bris de confidentialité» à la suite de commentaires publiés sur une page Facebook.

16 juin 2016 : Le ministère de l’Éducation annule la question à développement de l’examen d’histoire de quatrième secondaire, qui comptait pour 24 % de la note finale, à cause de la vidéo d’une élève qui a circulé sur les réseaux sociaux

17 juin 2016 : La grogne se répand dans les rangs des élèves, puisque l’annulation d’une partie de l’examen fait échouer des jeunes qui auraient réussi si le test avait été corrigé au complet, selon la Société des professeurs d’histoire du Québec.

5 juillet 2016 : «En raison de circonstances exceptionnelles et à la lumière des résultats», le ministère de l’Éducation fait marche arrière et redonne à tous les élèves l’ensemble des points associés à la question à développement.

Ce qu'ils ont dit sur la veille des réseaux sociaux en période d’examens:

«Ce serait bête, méchant et inutile d’investir des ressources pour jouer à la police dans les médias sociaux. [...] Les sous doivent être investis pour reconsidérer l’approche des examens uniques. Il faut se préparer très rapidement à tenir compte du fait que l’information circule.»

— Mario Asselin, consultant en éducation sur les technologies de l’information

«Nous nous demandons franchement si le ministère a fait le tour de toutes les solutions possibles avant d’en arriver à envisager une veille des médias sociaux en période d’examen pour contrer les fuites. Quel processus nous permet d’en arriver à cette solution?»

— Corinne Payne, présidente de la Fédération des comités de parents du Québec

«Ce serait un coup d’épée dans l’eau et à quel prix? Ils vont dépenser de l’argent pour rien parce que tu ne peux pas empêcher les élèves de communiquer entre eux. Est-ce que le ministère réalise qu’on est en 2016? Ça se passait aussi de la même façon avant, mais à plus petite échelle.»

— Sylvain Bérubé, enseignant de français dans une école secondaire de Québec

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