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Contre le Salon du livre

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Photo Pierre-Paul Poulin

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J’ai laissé le temps au party se finir, j’ai laissé le temps aux éditeurs de rentrer chez eux pour déballer leurs boîtes d’invendus et ramasser les bouteilles vides. J’ai laissé le temps aux auteurs de s’en remettre, de dégriser ou de se refaire une dignité dans le calme de leur logis.

Mais bon, deux semaines plus tard, il me faut le dire: non seulement je déteste viscéralement le Salon du livre de Montréal, surtout, je suis contre. Je suis éthiquement contre. Je suis contre ce qu’il représente et ce qu’il fait. Je suis contre les tables rondes de vingt minutes avec six auteurs réunis sur un thème artificiel. Je suis contre l’ambiance de centre commercial, le vacarme, je suis contre l’orgie commerciale. Je suis contre le modèle d’affaires. Pour la littérature, le Salon est... funéraire.

Pour les libraires

Dans le milieu du livre, le reste de l’année, on vante les mérites des libraires. On les flatte dans le sens du poil et on leur offre des ­rabais. On chante leurs vertus. Mais à un mois de Noël, pendant le Salon du Livre, on les écarte, et on fait affaire directement avec le client, on leur retire une source non négligeable de profit, ce qui est une totale aberration.

Soit: 1) les libraires sont un maillon essentiel de la chaîne du ­livre et alors le salon leur coupe l’herbe sous le pied, ce qui est néfaste pour l’ensemble de l’industrie; soit: 2) les libraires, on s’en sacre et on ment le reste de l’année sur le respect qu’on leur doit.

Non seulement le Salon du livre nuit-il aux libraires, mais il a en plus le culot de faire payer sa clientèle à l’entrée. Payer 8 $ par personne pour avoir le privilège d’aller acheter des livres dans la bousculade. Oh, mais, il y a tant d’activités, me direz-vous. Oui, il y en a. Des conférences qu’on entend à peine tant la sono ne parvient pas à contrer le vacarme ambiant. Des auteurs assis devant les piles de leurs livres, dont 90 % n’en signeront que quelques exemplaires à des amis et membres de la famille venus leur tenir compagnie.

Le Salon du Livre de Montréal est, pour la plupart des auteurs, une formidable leçon d’humilité. Mais c’est une leçon dont ces auteurs n’ont pas besoin. Ils ont leurs maigres droits d’auteur pour leur rappeler ce qu’ils sont.

Tous les livres ne sont pas égaux

Mais surtout, le Salon célèbre le livre dans tous ses états, comme si un livre de pop-psychologie ou les mémoires d’une vedette de télé-réalité étaient l’équivalent d’un roman de Dominique Fortier ou de Louis Hamelin. Ce n’est pas le cas. En mettant tout dans le même panier (d’épicerie), on élève les uns et on rabaisse les ­autres.

Faut-il rappeler que Mein Kampf, d’Adolf ­Hitler, était en son temps un best-seller?

Vieux modèle d’affaires sclérosé et asthmatique (la qualité de l’air de la place Bonaventure en fait foi), le Salon du livre doit se réinventer ou disparaître.

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