Âge et inégalité
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Depuis plusieurs années, j'essaie d'expliquer qu'il y a effectivement une montée des inégalités à l'intérieur des sociétés occidentales (mais pas au niveau mondial). Cependant, j'essaie d'expliquer que cette hausse est surestimée et qu'une partie de celle-ci n'a rien d'indésirable (innovation technologique, démographie, choix personnels). Les inégalités qu'il faut combattre, ce sont celles qui sont héritées lors de la naissance et celles que le gouvernement génère en manipulant le marché (voir cet article à venir que j'ai écrit avec l'économiste Steve Horwitz). Une récente étude de Statistique Canada me permet à nouveau d'élaborer sur un de ces éléments (la démographie) tout en soulignant comment l'État peut empirer le problème.
Plus précisément, le vieillissement de la population semble alimenter l'augmentation des inégalités. Pourquoi? Au cours de notre vie, nous suivons une trajectoire parabolique selon laquelle nos revenus grimpent avec l'âge avant de redescendre après avoir atteint un sommet. Une personne âgée de 25 ans est au bas de la courbe alors qu'une personne de 45 ans est plus proche du sommet. Lorsque nous mesurons les inégalités, nous prenons tous les individus ensemble. Si les individus âgés de 25 ans sont plus nombreux que ceux de 45 ans, ils baisseront artificiellement le niveau des inégalités (et vice-versa si ceux de 45 ans sont plus nombreux). Ainsi, la mesure des inégalités souffre souvent d'un biais de composition généré par un changement de la structure de la population. Toutes choses étant égales par ailleurs, une population qui se rajeunit verra une baisse des inégalités alors qu'une population qui vieillit verra une augmentation (voir ici, ici, ici, ici et ici). Ainsi, on devrait pouvoir expliquer une partie de l'augmentation des inégalités par un facteur aussi bénin que le vieillissement de la population. Ensuite, il faut souligner que, par définition, les retraités n'ont que très peu de revenus de travail. Ceci fausse les statistiques sur les inégalités de revenus, mais pas les inégalités de consommation (puisque les retraités consomment les revenus accumulés dans le passé) qui ont augmenté beaucoup moins rapidement. C'est un peu la logique avancée dans le graphique qui accompagne ce billet. La part de tout les revenus semble augmenter depuis les années 1970 avec l'âge médian de la population.
Il y a un second chemin par lequel le vieillissement peut produire une augmentation des inégalités et il est plus sinistre (cependant, les deux ne sont pas mutuellement exclusifs - voir ici)
Si la population vieillissante grandit plus rapidement que la population active qui doit financer les programmes de sécurité sociale, les ressources disponibles pour les premiers diminuent (ou elles sont coupées). Sinon, il est possible que les gens âgés réussissent à demander davantage aux plus jeunes pour maintenir le même niveau de vie. Dans les deux cas, il y aura une augmentation des inégalités. Cependant, de tels scénarios présupposent qu'un État-Providence qui cherche à redistribuer. Cette source d'inégalité résulte donc d'une intervention du gouvernement dans le passé qui ne peut pas être maintenue avec le vieillissement de la population. Il en est ainsi parce que les politiciens ont décidé d'offrir des aides trop généreuses qui ne peuvent être financées adéquatement. Puisque les régimes de sécurité sociale ont un effet négatif bien documenté sur l'épargne privée, une générosité trop importante encourage la constitution de plans de retraite en fonction des régimes publics (partiellement). Lorsque les jeunes contribuables se révoltent et réussissent à réduire les bénéfices accordés, ils démolissent les plans constitués et les inégalités augmentent. Autrement, les retraités réussissent à se coaliser et à extraire davantage de la population active. Dans ce cas, les inégalités augmentent aussi. Dans les deux cas, c'est l'acte d'une intervention de l'État dans le passé qui a engendré ce "catch 22" dans lequel on est foutu peu importe la décision.
Autrement dit, ceux qui se plaignent des inégalités ne comprennent pas qu'ils se plaignent soit d'un développement normal, soit du fruit des politiques qu'ils ont encouragé dans le passé. Tragique.