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Joyeuses fêtes quand même

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Trump n’était même pas sur le radar politique américain quand l’auteur américain T.C. Boyle a écrit son roman Les vrais durs, paru cette année en traduction française chez Grasset. Mais un romancier digne de ce nom renifle l’air du temps comme un chien de chasse, et poursuit dans la forêt des possibles la piste de la bête qui terrorise le village.

Et c’est bien d’une chasse à l’homme dont il est question ici. D’un jeune homme qui boit beaucoup et aime beaucoup les substances illicites parce que ça l’aide à vivre. Un jeune homme passionné par la figure d’un coureur des bois du 19e siècle, et qui voit dans la vie rude une solution à la confusion qui l’habite.

Un jeune homme amoureux de ses armes, en rupture avec sa société, sa famille. Un jeune homme sans beaucoup d’espoir, sans projet autre que de s’opposer à un monde qui au fond le rejette. Un homme dont la seule façon de devenir ­héros, c’est de s’en foutre à ce point qu’il ne craint pas de mourir pour en faire à sa tête, quitte à tuer ce qui semble le menacer.

C’est aussi l’histoire de ses parents, la soixantaine élégante, la belle maison, la retraite dorée juste ce qu’il faut. Le père est devenu célèbre dans sa région lorsque, pendant une croisière en Amérique Centrale, il a tué l’un des bandits qui souhaitaient dépouiller l’autobus de touristes où il se faisait chier.

Car on a peur des Latinos, dans cette Californie du Nord libérale et à l’aise. On a peur de ces Latinos qui font pousser du pot dans les montagnes, ce qui revient à une confiscation de la nature intolérable et les empêche d’aller tranquillement se balader en forêt. Toutes les raisons sont bonnes pour justifier un racisme latent.

Toutes les raisons sont bonnes pour ancrer une peur diffuse dans une réalité concrète, même si elle est fausse. Toutes les paranoïas, toutes les théories du complot, deviennent ainsi des bouées de sauvetage pour une population à la dérive.

Les vrais durs, ils sont partout dans ce roman quasi prophétique, qui annonce une Amérique de plus en plus morcelée, anxieuse, maladivement tournée vers un passé noble qui n’a jamais vraiment existé.

Ce qui est vrai pour l’Amérique est vrai pour le monde entier. Nous allons vers des temps troubles, la pédale au plancher de nos VUS, convaincus de notre impuissance à changer le cours des choses et pourtant prêts à croire le premier venu qui tiendra un discours qui nous flattera dans le sens du poil et qui accusera l’autre de tous les méfaits.

L’homme est un loup pour l’homme, ­disait déjà l’auteur latin comique Plaute, en 195 avant J.-C.

Mais c’est une citation tronquée. La phrase complète est celle-ci: Quand on ne le connaît pas, l’homme est un loup pour l’homme.

La bête immonde, c’est l’ignorance.

Parlons-nous plutôt que de nous engueuler.

Joyeuses fêtes quand même.

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