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Le péril vieux

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J’ai peur de vieillir. J’ai peur d’être vieux et seul dans un centre pour vieux seuls. Je regarde ceux qui y sont aujourd’hui et je me dis que quand ça sera notre tour, ce ne pourra être que pire.

Les courbes démographiques le démontrent incontestablement. Nous serons plus nombreux à avoir besoin des CHSLD et la population active sera moins nombreuse pour les financer. Alors, logiquement, si on trouve que les vieux font déjà pitié, on devrait craindre sérieusement pour nos vieux jours...

MOURIR AVANT LA FIN

Vous vous voyez, vous autres, manger des toasts frettes rôties la veille? Vous allez l’accepter, le manger mou qui ressemble à un potage, mais qui n’en est pas vraiment un? Vous allez les trouver drôles, les clowns qui vont venir vous faire des prout-prout et des guili-guili la fin de semaine, question de vous faire sentir encore plus infantilisé? On devrait s’y faire, vu qu’on va voir les guignols plus souvent que la madame avec un savon et une serviette pour nous mettre propres. De temps en temps, pas souvent, quand ça se met à sentir dans les corridors et que le Febreeze ne tient plus le coup.

Parce que c’est au mieux ce qui nous attend. La majorité des Québécois n’a pas de REER au début de la trentaine. On économise peu ou pas du tout. En plus, on trouve sans cesse de nouveaux moyens de nous soulager de notre argent durement gagné. Même quand on nous le vole, comme Hydro-Québec l’a fait, on ne songe même pas à nous le remet­tre.

Quelles sont les solutions de rechan­ge? La prison? Où la bouffe est meilleure et les douches plus fréquentes? On ne pourra pas non plus tous s’y retrouver en même temps. On va manquer de dépan­neurs à voler à grands coups de marchette et de dentier.

Nous serons donc nombreux à ne pas avoir le choix. À nous entasser dans les mouroirs de plus en plus moches et déprimants. Et vu que la science fait des bonds miraculeux, notre vieille vie sera étirée. Pas meilleure, non, mais plus longue.

LA FIN DE LA RETRAITE

Vous me trouvez négatif? Fataliste? Je pense être tragiquement réaliste. On doit se trouver des façons de lutter contre cette finalité. Commencer par se souhaiter la santé une couple de fois par année, peut-être. Tant qu’on l’a, on pourra aspirer à un peu d’indépendance. Plus con­crè­tement, se casser le coco pour économiser un peu d’argent, même si la vie coûte cher et qu’on brûle d’envie de profiter de ce qui reste dans nos poches.

Mais surtout, on devra se faire à l’idée que le mot «retraite» sera un luxe inaccessible pour la majeure partie d’entre nous. Les vieux ne prendront plus des cafés au McDo. Ils vont les faire. À nous les emplois étudiants, les temps partiels, les horaires de week-end. Faudra bien continuer d’être actif pour ne pas dépérir. Faudra bien continuer de gagner un peu d’argent pour se garder un peu de sécurité. Et éviter le péril vieux.

 

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