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Le Québec à la traîne pour la protection du territoire

Ce retard pourrait priver le Canada de l’objectif de 17% fixé pour 2020

Classée parmi les 10 meilleures rivières du monde pour la pratique d’activités en eau vive par National Geographic, la rivière Magpie, dans la région de la Côte-Nord, est une destination de calibre mondial pour le tourisme d’aventure.
Photo courtoisie Classée parmi les 10 meilleures rivières du monde pour la pratique d’activités en eau vive par National Geographic, la rivière Magpie, dans la région de la Côte-Nord, est une destination de calibre mondial pour le tourisme d’aventure.

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OTTAWA | Le Canada est en train d’échouer dans son engagement en matière de protection du territoire, notamment à cause de « l’obstruc­tion » de certains ministres du gouvernement du Québec, révèle un organisme de surveillance des régions sauvages.

Non seulement le Canada protège-t-il moins son territoire que les autres pays développés, mais le Québec est comme un boulet qui nuit à la réalisation des engagements canadiens pris à l’international, conclut la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP), qui publie son rapport annuel aujourd’hui.

<b>Alain Branchaud</b><br />
Directeur de la SNAP-Québec
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Alain Branchaud
Directeur de la SNAP-Québec

« Sans une participation pleine et entière du Québec, le Canada pourra difficilement atteindre ses objectifs en aires protégées tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif. À l’inverse, si le Québec respecte pleinement ses engagements internationaux, le Canada aura une marge de manœuvre vers l’atteinte de la cible intérimaire de 17 % », selon Alain Branchaud, biologiste et directeur général de la SNAP-Québec.

Objectif international

L’organisme non gouvernemental croit que si le gouvernement du Québec ne se réveille pas, le Canada pourrait rater complètement l’objectif international de protéger 17 % de son territoire d’ici 2020. Le Québec en protège actuellement 9,35 %.

En tant que plus grande province au Canada, le Québec pèse lourd sur les difficultés du Canada à atteindre ses objectifs.

« Un leadership est nécessaire pour assurer à la fois cohérence et efficacité de l’action gouvernementale, et pour contrer l’obstruction systématique de certains ministères », affirme M. Branchaud.

Des portefeuilles importants, comme Ressources naturelles (Pierre Arcand) et Forêts (Luc Blanchette) ont, selon lui, plus d’influence que le ministère de l’Environnement, chargé de protéger le territoire.

C’est par exemple le ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, Luc Blanchette, qui a annoncé en février que le Québec ne juge pas nécessaire de se joindre au nouveau plan de match du gouvernement Trudeau pour augmenter la protection de la nature, appelé « En route vers l’objectif 1 du Canada ».

Et ce, alors que la province est à la traîne au Canada en matière de protection des aires naturelles. À peine 9,35 % de la surface du Québec est protégée, un point de pourcentage plus bas que la moyenne canadienne et loin de la cible de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique de 17 % d’ici 2020.

Objectif

Selon M. Branchaud, « il n’est pas trop tard » pour que le Québec atteigne son objectif de conservation égal à celui du Canada et maintes fois répété par le premier ministre Philippe Couillard.

Québec doit par contre mettre le pied sur l’accélérateur comme jamais auparavant. Dans les huit dernières années, le pourcentage des aires protégées québécoises n’a augmenté que d’un peu plus d’un point de pourcentage.

Des lieux seraient faciles à inscrire à la liste des zones protégées, selon la SNAP, comme le bassin versant de la rivière Magpie, tel que cela est revendiqué par une nation autochtone.

 

La province maintient son objectif

 

David Heurtel a indiqué au Journal que le Québec compte toujours atteindre la cible de 17 % du territoire protégé, un objectif que le Canada s’est engagé à atteindre à l’international.

C’est ce qu’a évoqué le porte-parole du ministre du Développement durable Jacques Martineau.

« Nous sommes fiers de pouvoir dire que le Québec possède, en superficie (155 885 km2), le plus grand réseau d’aires protégées au Canada, dit-il.

Cela a à voir avec le fait que le Québec est aussi la plus grande province du pays.

Des craintes

Le président de l’organisme abitibien Action boréale, Henri Jacob, craint que le gouvernement Couillard protège à la va-vite de vastes zones moins importantes dans le nord du Québec.

« Pour arriver aux 17 % [de territoire protégé], ils vont probablement proposer de grandes aires dans le Grand Nord, où il n’y a personne, pas de danger, pas de possibilités minières ou forestières », prévoit l’environnementaliste.

Il aimerait que le gouvernement répartisse les zones protégées parmi les différentes « régions écologiques » que compte la province, incluant le sud du Québec, où vit la majeure partie de la population.

Les cabinets des ministres Pierre Arcand (Énergie et Ressources naturelles) et Luc Blanchette (Forêts, Faune et Parcs) n’ont pas souhaité faire de commentaires et ont renvoyé toutes les questions au ministre de l’Environnement du Québec.

Payant

Le rapport annuel de la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP) indique aussi qu’il est payant de créer des aires protégées.

À l’échelle mondiale, les zones conservées attirent 8 milliards de visiteurs, qui génèrent 750 milliards $ en revenus directs aux pays d’accueil.

« Les citoyens peuvent continuer à se promener dans des aires protégées. Ils peuvent continuer à chasser et à pêcher, et la principale chose interdite est l’exploitation industrielle des ressources », explique Henri Jacob, le président de l’organisme Action boréale.

M. Jacob est d’avis que le gouvernement libéral a délaissé le dossier des aires protégées pour se concentrer sur celui des changements climatiques.

« [Le ministre] David Heurtel n’est plus du tout intéressé à la protection des aires protégées. Le dossier des changements climatiques a l’air plus glamour », dit-il.

 

Des sites québécois faciles à protéger

Les forêts des Montagnes Blanches  sont au cœur des préoccupations de la SNAP-Québec en matière de protection.
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Les forêts des Montagnes Blanches sont au cœur des préoccupations de la SNAP-Québec en matière de protection.

Certains sites naturels importants pour la biodiversité au Québec pourraient aisément être protégés par le gouvernement pour rattraper son retard en matière de protection du territoire, selon la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP).

Parmi eux, le bassin versant de la rivière Magpie, près de Natashquan, sur la Côte-Nord.

Cette rivière fait partie des 10 meilleures au monde pour les amateurs de descente de rivière, selon le magazine National Geographic.

Les Innus de la communauté autochtone d’Ekuanitshit se sont prononcés pour la création d’une zone protégée de 2630 km2 à l’endroit où la rivière prend sa source.

« Même si 99 % du bassin demeure intact pour le moment, il n’en demeure pas moins qu’il existe toujours un risque de grands projets hydroélectriques », note le rapport annuel de la SNAP qui est rendu public aujourd’hui.

L’Organisation de surveillance des zones naturelles publiques souligne l’importance des partenariats avec les nations autochtones pour que le Canada atteigne ses engagements internationaux de protéger 17 % de son territoire d’ici 2020.

Montagnes blanches

La SNAP-Québec souhaite aussi que le gouvernement remplisse sa promesse de protéger 10 000 km2 de forêt boréale des Montagnes Blanches, qui se situent entre le Saguenay–Lac-Saint-Jean, la Côte-Nord et le Nord-du-Québec.

Ce site est l’habitat naturel du caribou forestier, mais une partie du secteur est déjà cédé par contrat à l’industrie forestière.

Trois rivières sauvages de l’Outaouais et de l’Abitibi sont aussi identifiées par le groupe environnementaliste.

Les rivières Dumoine, Noire et Coulonge se jettent dans la rivière des Outaouais et 1400 km2 de leur parcours sont déjà protégés par le Québec depuis 2008.

La SNAP souhaite que la province double la superficie conservée pour constituer un « corridor écologique crucial entre les forêts mixtes de la région des Grands Lacs et du Saint-Laurent, et la vaste forêt boréale au Québec », note son rapport 2017.

 

Les aires protégées dans le monde

  • Allemagne: 37,8
  • Royaume-Uni: 28,5
  • France: 25,8
  • Italie: 21,5
  • Japon: 19,4
  • États-Unis: 13
  • Canada; 10,6

 

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