Les défunts affectés par la montée des eaux à Matane
Une dizaine de corps ont dû être exhumés pour éviter qu’ils ne se retrouvent à la mer
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MATANE | Les changements climatiques dérangent même les morts, alors que 10 cercueils et 11 urnes ont dû être déplacés d’un cimetière à Matane. L’érosion des berges et les hautes marées risquaient d’entraîner les cadavres à la mer.
Dans les années 1940, le terrain du cimetière de Petit-Matane comptait 50 à 100 pieds de berges. Il était un superbe endroit pour un dernier repos ou pour honorer la mémoire d’une personne décédée.
Mais chaque année, la mer est venue gruger du terrain. Les épisodes de grandes marées, comme en 2016, ont causé des dommages.
Niveau de la mer
Les experts prévoient que les changements climatiques feront augmenter le niveau de la mer et la puissance des tempêtes.
Il a donc fallu prendre une décision pour protéger certains morts de la marée.
« La corporation a décidé de procéder à l’exhumation de ceux qui étaient les plus proches de la berge pour éviter qu’on se retrouve avec des cercueils dégagés ou au bord de la grève », a dit Gaston Roussel, gérant des cimetières à Matane.
Un mur de roches avec une plate-forme de ciment avait été mis en place il y a plusieurs années, mais la mer passait désormais par-dessus et déplaçait les dalles de ciment.
Sans ce mur, les cadavres qui se trouvaient proches de la mer auraient pu être emportés lors d’un épisode de hautes marées.
Exhumations
La corporation du Cimetière de Matane a demandé aux familles des défunts leur autorisation pour déterrer les cercueils et les urnes et ensuite les replacer dans un endroit moins à risque, ailleurs dans le cimetière, ou dans l’autre cimetière de Matane, situé en haut de la ville.
« La plupart des gens de ces rangées-là s’inquiétaient déjà de ce qui allait arriver avec les marées. Ç’a été accueilli de façon très favorable. On n’a pas voulu attendre que la marée fasse du dommage », a dit monsieur Roussel.
Les gestionnaires ont ensuite obtenu les autorisations diocésaines et pour les 10 cercueils de gens décédés entre 1957 et 2009, ils ont dû obtenir l’aval d’un juge de la Cour supérieure.
La délicate opération des exhumations en toute intimité et en présence des familles a été réalisée durant le dernier mois.
La corporation a payé les frais de l’opération, ce qui devrait représenter à la fin des montants de l’ordre de 5000 $ à 10 000 $. Certains services professionnels ont été gracieusement offerts.
La suite
Pour le moment, aucune autre exhumation n’est prévue.
« On attend les événements. La prochaine rangée la plus proche de la mer n’est pas susceptible, à moins d’un raz-de-marée, d’être emportée. Par précaution, on le fera peut-être une année subséquente, je ne sais pas quand », a indiqué le gérant des cimetières.
Des villes pourraient être amputées de 150 mètres de rives
Il n’y a pas que les morts qui seront affectés par les changements climatiques dans l’Est-du-Québec puisque les routes et des centaines de résidences sont également à risque à cause de la montée des eaux.
Selon le directeur général d’Ouranos, Alain Bourque, la hausse du niveau de la mer, combinée à une érosion accélérée des berges, amputera les municipalités de l’Est-du-Québec de vastes lopins de terre pouvant aller jusqu’à 150 mètres, par endroits, d’ici 100 ans.
« Les changements climatiques font en sorte que la glace se forme plus tard dans l’année, ce qui laisse plusieurs semaines supplémentaires d’érosion. Il y a aussi davantage de tempêtes, ce qui provoque plus de vagues et qui accélère aussi l’érosion », précise le climatologue.
Depuis 15 ans
M. Bourque note un accroissement de la problématique depuis 15 ans.
Au cours de cette période, la température de la mer a grimpé d’un degré Celsius. Plusieurs maisons ont dû être déménagées par le passé et ce n’est qu’un début.
« L’impact est déjà palpable, et ça va s’accentuer. Les villes perdront leurs bouts de terrain les plus exploités économiquement. On suggère d’ailleurs aux municipalités de concentrer leur développement économique plus loin dans les terres », ajoute Alain Bourque.
On peut notamment s’attendre à ce que le trajet de la route 132, qui longe toute la côte de la Gaspésie, doive être modifié afin d’éviter qu’elle tombe dans l’océan.
Des signes encourageants
Le cofondateur d’Equiterre, Steven Guilbeault, est encouragé par les efforts mis de l’avant au Québec et ailleurs dans le monde pour contrer la production de gaz à effet de serre et souhaite que le travail continue.
L’industrie québécoise a déjà dépassé ses cibles de 2020 [...] le gouvernement canadien a mis en marche un plan d’action [...] la Chine fait des pas de géant, et malgré Trump, il y a une coalition de grandes entreprises américaines qui désirent poursuivre les efforts mis de l’avant. Il y a des signes que les choses commencent à changer et j’espère que ça va se poursuivre », conclut-il.