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Et si nous pensions toujours aux élèves?

Et si nous pensions toujours aux élèves?


Nous sommes souvent les artisans des petits et grands malheurs que nous vivons dans nos écoles. Alors qu’on cherche partout à qui ou à quoi est la faute, peut-être que tout irait mieux si les profs pensaient simplement toujours aux élèves en premier?

 
D’abord, si on laissait les enseignants mettre toujours de l'avant les besoins des élèves, on cesserait de croiser le fer pour quelques minutes de surveillance de plus ou un projet répondant aux besoins des enfants, car celui-ci ne cadre pas tout à fait avec les éléments prescrits par la très sainte convention de travail. Malgré notre désir d’en faire plus, nous nous butons malheureusement à une direction qui salue nos intentions en nous disant qu’elle pourrait avoir des ennuis avec le syndicat ou la commission scolaire. Bref, tant pis pour l’élève: ses besoins sont moins importants que ceux définis par certains représentants...
 
Si dans un bureau, quelqu’un a décidé que je ne pouvais pas faire quelque chose pour mes élèves, car je créerais un précédent, il m’est tout simplement impossible de le faire, et ce, même si c’est MA décision, MON souhait. C’est d’ailleurs très ironique d’entendre ces mêmes personnes crier sur tous les toits que j’ai droit à mon autonomie professionnelle...C'est là un double discours que j'entends trop souvent. C’est aussi ridicule que de penser qu’une seule façon de voir et de faire les choses peut s’appliquer aux multiples situations vécues dans nos écoles au Québec!
 
De plus, si les profs pensaient toujours aux élèves, on s’assurerait d’avoir des services de qualité venant bonifier le travail de nos enseignants. Combien de mauvaises interventions ont pu être faites avant qu’un diagnostic ou une évaluation précise ne tombe finalement? Quand nous finissons par savoir qu’un enfant est atteint d’un trouble du spectre de l’autisme en 6e année, c’est plus de 5 ans dans le système scolaire que nous avons passé à nous acharner sur les comportements de l’enfant, alors que les clés de son développement se trouvaient totalement ailleurs.
 
Chaque journée où j’interviens maladroitement avec un enfant, faute de ressources, j’aggrave bien involontairement les problèmes que vit l’élève. Même avec les meilleures intentions du monde, comment puis-je m’attaquer aux racines des difficultés vécues par celui-ci si je ne sais où se situent précisément ses défis?
 
Il ne sera jamais trop tôt pour le dépistage et malgré la littérature et le fait que d’innombrables spécialistes le disent sur toutes les tribunes depuis 20 ans, trop peu d’initiatives sont encore mises en place dans nos écoles. On préfère souvent s’assurer que toutes les classes puissent avoir accès aux ressources de façon équitable: on ne voudrait surtout pas froisser l’amour-propre d’un prof qui a l’impression de ne pas avoir la juste part du gâteau...
 
Enfin, si on tordait un peu le bras à certains enseignants pour qu’ils pensent davantage aux enfants en premier, on les entendrait probablement moins se plaindre de leur épuisement pour plutôt s’intéresser aux raisons fondamentales des problèmes vécus dans leurs classes. L’apitoiement dont nous faisons preuve dans l’adversité est un bien mauvais modèle pour des enfants à qui on devrait enseigner que rien n’est véritablement impossible.
 
Par ailleurs, je n’en peux plus de la paresse intellectuelle de certains professionnels de l’éducation dont le discours présente peu d’ouverture. À les lire et les entendre, ce sont eux qui ont la bonne approche et qui savent ce qui est véritablement bon pour leurs élèves. Avec eux, les débats deviennent des monologues.
 
Que ce soit à travers des statistiques ou parce qu’on accumule les années d’expérience, quand les valeurs d’un enseignant deviennent paroles d’évangile, nous ne sommes plus dans un contexte de remises en question qui nous amène à être meilleur. Tous les enseignants inspirants que je rencontre sont hantés par le doute et sont toujours en train de repenser leurs pratiques pédagogiques. S’il est important qu’un enseignant soit formé toute sa vie, il est aussi essentiel qu’il cherche à voir dans les pratiques des autres des pistes desquelles il peut s’inspirer.
 
Parlant de formation, encore faudrait-il que les enseignants soient préparés adéquatement à ce qui les attend dans nos écoles! La plupart des nouveaux enseignants avouent se sentir démunis devant l'ampleur des défis qu'ils recontrent en début de carrière. Déjà à bout de souffle malgré tous leurs efforts, pas étonnant que plusieurs abandonnent après seulement quelques années.
 
Je lis déjà les commentaires de mes détracteurs (particulièrement ceux qui ont de faux profils Facebook) qui m’accuseront, à tort, d’avoir la certitude que j’ai les meilleures pratiques pédagogiques, histoire que j’incarne leurs frustrations et qu’ils se défoulent un peu... Ils seront déçus: je passe mes journées à me questionner à propos de tout ce en quoi je crois depuis mes débuts en éducation. C’est cette perpétuelle prise de recul qui m’a permis de bâtir avec d’autres acteurs de mon école des approches où chacun trouve son compte et ses opportunités à performer.
 
Je veux réfléchir avec les gens et les amener ailleurs, pas les convaincre que ma vérité est meilleure que la leur. C'est en unissant nos forces pour élaborer des pratiques diversifiées et stimulantes que nous changerons nos tristes constats en éducation. Mais, pour y arriver, il faut s'oublier et ne penser qu'aux enfants.
 
Et si moi je pensais toujours aux élèves, je terminerais cet article pour plutôt me concentrer sur les projets de ces derniers...






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