Des légumes pour remplacer le pétrole dans les matériaux
Un chercheur croit que les restants de table serviront à construire des maisons et des voitures
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SHERBROOKE | Des chercheurs travaillent à intégrer des patates et des carottes dans la fabrication de voitures et de maisons afin de remplacer des matériaux conçus à base de pétrole.
Le professeur Mathieu Robert de l’Université de Sherbrooke est convaincu que les restants de table se retrouveront partout d’ici 20 ans.
Selon lui, les pelures de pomme de terre et de carottes sont assez isolantes pour qu’elles puissent être utilisées pour fabriquer des pellicules et panneaux isolants pour les murs et les plafonds, ainsi que pour rendre la peinture plus durable.
« On a réussi à isoler et extraire les fibres de résidus de table et à les intégrer dans la composition de matériaux. Le but est de donner une valeur à de la scrap. Il s’agit juste d’être créatifs », explique M. Robert, qui est chercheur en génie civil.
Concernant le prix, Mathieu Robert croit que les légumes seront d’abord utilisés dans des produits de niche et des constructions écoresponsables avant de devenir plus accessibles.
« Ce n’est pas demain matin qu’on en retrouvera chez Canac », illustre-t-il.
Croustilles
Pour que les pelures de pommes de terre servent à construire des bâtiments et des voitures, il faudra en trouver en quantité suffisante. En ce moment, les usines de fabrication de croustilles envoient des quantités phénoménales de rognures au compostage.
Plusieurs producteurs de patates sont également aux prises avec des surplus ou avec une partie de leur récolte qu’ils ne peuvent commercialiser, parce qu’elle n’est pas d’assez bonne qualité.
« On ne travaille pas à partir de noix de coco ou d’autres nourritures qu’on ne retrouve pas ici. La pomme de terre, c’est cool parce qu’on peut assurer un approvisionnement fiable. Pas obligé d’aller trier les bacs de compostage », dit-il, ajoutant qu’on limitait ainsi le transport de matières et l’émission de CO2 et la consommation de pétrole.
Le professeur Robert précise qu’on ne peut toutefois utiliser les légumes pour remplacer les structures de bois ou d’acier à cause de leur propriété poreuse.
D’autres utilisations
Selon Mathieu Robert, l’Europe possède une longueur d’avance en matière de valorisation des légumes. Certains fabricants du monde de l’automobile ont commencé à utiliser de la noix de coco, du bambou ou du lin dans la fabrication de pare-chocs, de tableaux de bord et de panneaux pour des voitures et des camions.
La fibre de légumes est également sur le point de venir à la rescousse de l’agriculture biologique. On est à tester une membrane qui permettra d’empêcher les mauvaises herbes de pousser pendant l’été et qui viendra engraisser la terre en se décomposant pendant l’hiver.
« Les membranes utilisées actuellement libèrent des produits pétroliers dans le sol en se décomposant, elles doivent être retirées avant l’hiver et jetées. Ce genre de pellicule, en plus d’être biodégradable, viendra enrichir le sol », conclut-il.
Quelques utilisations
- Peinture
- Pellicule plastique
- Laine minérale et autres mousses isolantes
- Pare-vapeurs
- Membranes pour contrer les mauvaises herbes
- Panneaux acoustiques
- Pare-chocs
- Tableaux de bord
- Panneaux de voiture
Éviter de faire pourrir les maisons
Le principal défi des chercheurs consistera à s’assurer de la durabilité des matériaux de source biologique.
Le danger est qu’ils se mettent à pourrir prématurément, causant de la moisissure et rendant les bâtiments instables. L’équipe de Mathieu Robert travaille actuellement à établir des balises qui serviront aux manufacturiers.
« Nous sommes en train de définir les paramètres. On doit notamment s’assurer de la teneur en sucre maximale. Celui-ci est problématique, car il crée des réactions et fait pourrir. Il faut aussi déterminer comment on peut mélanger les fibres pour les protéger et assurer leur durabilité », explique-t-il.
Chanvre
Le professeur Robert donne l’exemple du chanvre qui est utilisé en Europe dans la production de béton. Par le passé, il est arrivé que le produit pourrisse et fasse moisir des fondations de bâtiments, causant d’importants problèmes.
« Ce qui est problématique, c’est que la matière n’est pas la même d’une récolte à l’autre. On peut s’approvisionner deux fois du même producteur et obtenir des fibres de qualité différente », continue-t-il.
L’objectif est d’en arriver à concevoir des matériaux qui seront aussi durables que ceux utilisés actuellement, mais biodégradables à la fin de leur vie utile. Les chercheurs explorent les combinaisons de fibres et d’enzymes afin de protéger le produit fini contre le pourrissement.