La métamorphose d’une inquiétante souris
Le rongeur qui transmet la maladie de Lyme s’adapte au climat
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Une espèce de souris porteuse de la maladie de Lyme se métamorphose physiquement à très grande vitesse en raison des changements climatiques et migre de plus en plus au nord.
En seulement 50 ans, la dentition et le crâne de la souris à pattes blanches, un petit rongeur des boisés, se sont métamorphosés. Ses molaires se sont déplacées vers l’arrière de sa mâchoire et son nez s’est allongé.
Il s’agit de changements « considérables », souligne la biologiste Virginie Millien, de l’Université McGill. « Nous parlons ici d’os et de dents, des structures solides difficilement malléables », dit-elle.
En plus, la souris à pattes blanches, auparavant une habituée du sud de la frontière, est aujourd’hui beaucoup plus abondante chez nous que par le passé.
Alors qu’en 1970 neuf spécimens sur dix capturés au mont Saint-Hilaire étaient des souris sylvestres, et une sur dix était une souris à pattes blanches, c’est aujourd’hui littéralement l’inverse, indique Mme Millien.
Migration
Le phénomène a de quoi inquiéter, selon la biologiste, car la souris à pattes blanches transmet la Borrelia burgdorferi, la bactérie à l’origine de la maladie de Lyme. C’est en piquant ces rongeurs que les tiques deviennent des vecteurs du mal.
Et ces souris sont en pleine migration. Elles se déplacent vers le nord à un rythme de 11 km par an, indique Mme Millien. Pour le moment, elles sont parvenues jusqu’au nord-est de Drummondville.
Et elles sont si nombreuses qu’elles s’accouplent maintenant avec un autre rongeur, la souris sylvestre, qui n’est pas réputée pour transmettre la Borrelia burgdorferi.
On assiste donc à l’apparition de souris hybrides potentiellement capables de transmettre elles aussi la bactérie et de coloniser des régions plus nordiques, car la souris sylvestre est présente jusqu’à Schefferville, sur la Côte-Nord.
Changements climatiques
La souris sylvestre s’est elle aussi métamorphosée physiquement de façon similaire à sa congénère à pattes blanches en à peine un demi-siècle, a découvert Mme Millien.
Elle explique que la douceur des hivers a modifié très rapidement la végétation. La nourriture des souris a donc changé et elles se sont adaptées, d’où leur transformation morphologique.
Reste à savoir si le changement morphologique s’accompagne d’un changement génétique qui affecterait le système immunitaire des rongeurs. C’est ce sur quoi planche actuellement l’équipe de McGill en scrutant les souris capturées au cours des 50 dernières années dans la Réserve naturelle Gault de l’Université McGill, au mont Saint-Hilaire.
►Le nombre de cas de maladie de Lyme diagnostiqués au Québec a grimpé de 165 % entre 2016 et 2017, d’après le ministère de la Santé.