La douleur n’a pas disparu pour les familles des victimes
Elles promettent de surveiller ses demandes de libération conditionnelle
Un an après la condamnation du chauffard Yves Martin à 14 ans de pénitencier pour conduite dangereuse et avec facultés affaiblies causant la mort, les mères de Mathieu Perron et Vanessa Tremblay-Viger, décédés en compagnie de leur enfant le 1er août 2015, peinent à surmonter leur chagrin.
Le souvenir de leur perte subite et injuste est toujours vif, mais Danielle Tremblay (mère de Mathieu) et Johanne Tremblay (mère de Vanessa) arrivent péniblement à faire leur deuil.
Toutes deux se sont inscrites auprès de la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC) qui aura à examiner la première demande de sortie d’Yves Martin en 2020.
« Nous serons là », assure Johanne Tremblay qui a aussi inscrit ses trois enfants survivants sur la liste de la CNLC.
« Je vais le suivre de près pour voir s’il fait tout ce qu’il faut pour se guérir de son alcoolisme. »
Danielle Tremblay abonde dans le même sens. « Il n’a jamais dit que c’était de sa faute ! Le jour où il le dira, je veux être là et l’entendre de sa bouche. »
AMERTUME
Le long procès devant jury à l’automne 2016, puis l’attente du verdict unanime ont miné la santé des deux femmes. Johanne Tremblay a trouvé les deux dernières années particulièrement difficiles.
« Après le procès, on aurait dit que toutes les maladies sont sorties. J’ai eu mal partout, au dos. Je vis encore un jour à la fois et je commence à peine à voir un peu de soleil ».
« On essaie de se remettre de tout cela, mais il y a une chose que je tiens à dire, c’est qu’on avait confiance en nos avocats (les procureurs de la Couronne), le CAVAC et les policiers qui étaient disponibles pour répondre à toutes nos questions. Finalement, justice a été rendue. »
PÉNIBLES SOUVENIRS
Dans son entrevue avec Le Journal, Danielle Tremblay a demandé de ne pas republier la photographie maintes fois diffusée de l’automobile de son fils. « Je ne suis pas capable de la voir sans penser à eux... », a-t-elle sangloté.
Mme Tremblay n’a toujours pas recommencé à travailler. Elle manque de concentration et dit ne plus être capable de tricoter, un artisanat pratiqué pour sa famille,
« Je manque de concentration. C’est la même chose pour la lecture. Je lis une page et je dois la reprendre parce que je ne me rappelle plus du début... »
« Un nom qu’on n’oubliera pas »
« La sentence de 14 ans était la plus haute que pouvait donner le juge sans risquer l’appel », constate le procureur Michaël Bourget, un an après qu’elle a été rendue publique.
Pour réussir à convaincre le juge de sortir des habituelles fourchettes moins sévères, il a présenté un accablant dossier de statistiques de la SAAQ sur le taux plus élevé et constant d’infractions d’alcool au volant depuis 2001.
Ainsi, il a ouvert la porte à la prise en compte d’une situation particulièrement grave au Saguenay–Lac-Saint-Jean.
« Depuis 2001, malgré les campagnes, malgré les amendes plus fortes, le taux d’infractions est resté égal », fait observer le procureur qui craint que l’exemplarité soit de courte durée.
« Mais vous savez, nous portons encore tous les jours des accusations pour l’alcool au volant », regrette-t-il.
En ce qui concerne Yves Martin, cependant, « c’est un nom qu’on n’oubliera pas, dans la région ».
FRAPPER L’IMAGINAIRE
« Cette sentence et surtout la médiatisation ont frappé l’imagination des gens », commente l’avocat de la défense Jean-Marc Fradette. « C’est devenu le dossier de référence des juges, de la Cour d’appel, de la population et... des clients », explique l’avocat.
Le message exemplaire du juge François Huot de la Cour supérieure a été repris à maintes occasions par des juges de la région qui rendent sentence.
Plusieurs connaissances de l’avocat lui certifient avoir préféré prendre un taxi ou appeler un proche plutôt que « de prendre la chance » de conduire.
« J’ai même plusieurs clients depuis ce temps qui m’ont déclaré “une chance que la police m’a arrêté, j’aurais pu faire comme Yves Martin” ».
Me Fradette croit qu’il faudra vérifier sur une période de cinq ans si « l’effet Yves Martin » a réussi à convaincre les citoyens de changer leur comportement.