Pelleter des nuages
Hier matin, je lisais un article sur Éliane Gamache Latourelle. Vous savez? Celle qui a écrit le livre «La jeune mythomane en affaires». Un ouvrage sur comment faire à croire au monde que t’es devenue millionnaire à 30 ans, pendant que tu te fais à croire à toi-même que t’es assez hot pour Joey Scarpellino.
Ça m’attriste tellement que Joey se soit fait entourlouper dans cette affaire. En même temps, il n’est pas le seul, on passe notre temps à croire des trucs qui sont faux. Le teint hâlé d’une influenceuse sur Instagram, une authentique sacoche Gucci à 15$, la couleur des cheveux de Marc Labrèche.
Personnellement, je préfère l’authenticité. Je n’en ai rien à faire d’un filtre Mayfair ou Valencia pour te faire croire que je suis bronzée. What you see is what you get. Pareil au magasin. Ça ne donne rien de se forcer à entrer dans un jeans trop petit jusqu’à en virer bleu. Assume : whats your size is what you get.
En même temps, c’est sûr que c’est tentant de mentir, c’est tellement facile. C’est parce que le monde prend tout pour du cash. «Si c’est écrit dans le journal, c’est vrai!» Rappelons-nous que la semaine dernière, dans le journal, il y a avait aussi un papier pour nous informer que Ricardo s’était fait pousser une barbe. Un moment donné, t’en prends pis t’en laisse...
De toute façon, la plupart du temps les gens ne lisent même pas l’article lui-même, ils se contentent de lire les commentaires des gens pour s’en faire une idée. D’ailleurs, pour ma chronique, ne perdez pas votre temps à chercher la réponse dans les commentaires, elle est excellente, bien écrite et digne d’un Pulitzer.
Selon moi, c’est seulement correct de mentir dans l’optique de protéger quelqu’un. Comme cette semaine, quand j’ai pleuré à m’en rendre les yeux tous rouges. Je savais bien que ça inquièterait ma mère. Ça fait que pour la rassurer, je lui ai dit que j’avais juste fumé du pot.
Quoiqu’il y en a plusieurs aussi qui mentent pour se faire du bien à eux-même. C’est bien à la mode de se stager une vie pour se masturber le cœur avec les likes sur ses photos. «Oups hihi! Je suis partie une semaine dans un tout-inclus en Jamaïque, mais je n’ai pas pensé à apporter mon haut de maillot! C’est pour ça que sur toutes mes photos de plage, je me tiens les seins avec les mains!» En même temps, je suis peut-être simplement trop prude pour comprendre tout ça. Moi, si je le pouvais, j’intitulerais toutes mes photos «crosse-toi pas la dessus!»
D’autres fois, on ment pour se faire aimer. C’est sur que t’es plus charmante quand tu dis «Je n’augmenterai pas les taxes au delà de l’inflation» que «t’as le choix : déménager sur la Rive-Sud, ou bien rester sur l’Île, mais mettre un de tes reins sur Kijiji.»
Et des fois, on ment juste parce que la vérité est trop dure à accepter. Évidemment, c’est claire que tu préfères entendre : «Mange tes croûtes si tu veux grandir» que «ben non, c’est de la bullshit l’affaire des croûtes, ça changera ne rien, ton père c’est André Ducharme.» Je dis ça, mais je ne le connais pas personnellement. C’est juste que je devine qu’il est assez petit parce dans Un souper presque parfait, on entend juste sa voix, il n’arrive même pas à la hauteur de la caméra !
Tout ça pour dire qu’au fond, si on préfère pelleter des nuages, c’est juste parce que c’est bien moins lourd que de pelleter de la marde. C’est sur que quand tu passes ta vie à t’en inventer une, la réalité doit être pâle en comparaison, mais dans le pire des cas, si tu es vraiment trop gêné de la vérité, tu peux toujours dire que t’as infiltré une téléréalité pour l’étudier.
► Vous pouvez entendre Rosalie Bonenfant sur les ondes du 107,3 Rouge tous les vendredis matin à 7 h 30.