Lara Fabian: la renaissance
Certains artistes ne laissent personne indifférent. Lara Fabian en fait partie. En 30 ans de carrière, la chanteuse a été aussi vénérée que détestée. Souvent pour les mêmes raisons. Mais depuis quelque temps, ses détracteurs semblent avoir épuisé leurs munitions, et pour une rare fois, les éloges monopolisent l’espace. La Voix illustre bien cette nouvelle réalité.
Au cours d’une récente émission, une concurrente d’Éric Lapointe fraîchement éliminée a même déclaré qu’elle était heureuse d’avoir participé au concours pour avoir « respiré le même air que Lara Fabian. » Quand on parle d’hommage, on peut difficilement trouver mieux.
En entrevue au Journal, la star belgo-canadienne révèle qu’elle aurait eu beaucoup de difficulté à accepter un tel compliment au milieu des années 1990, alors qu’elle récoltait un succès retentissant au Québec et qu’elle s’apprêtait à conquérir l’Europe.
« Une carrière, c’est composé de différentes phases, explique l’artiste de 48 ans. Au début, je crois qu’on est extrêmement surpris devant autant d’affection. Ensuite, ça peut devenir une forme de pression. Ça fait ressortir une peur de décevoir. »
Après avoir vendu 12 millions d’albums, chanté aux 4 coins du globe et gagné une pléthore de prix, Lara Fabian ne semble plus craindre les attentes. Probablement parce qu’elle n’a plus rien à prouver. Aujourd’hui, elle accueille les hommages avec gratitude, surtout depuis qu’elle connaît le caractère éphémère du métier qu’elle exerce.
« Je vais bientôt avoir 50 ans. En sachant que chaque étape a une fin et qu’elle n’est pas forcément réitérée chaque fois, quand la vie t’offre un tel cadeau, que ce soit un commentaire tendre ou même une lettre, tu dis merci. Quand je reçois un beau compliment, j’ai une pensée pour celle que j’étais, la jeune femme qui écoutait Don’t Give Up de Peter Gabriel et pour laquelle ça signifiait vraiment quelque chose... »
Rentrée chez elle
Cette vague d’amour touche également son retour au Québec. Après 15 années passées en Belgique, Lara Fabian a regagné la Belle Province l’automne dernier. Le déménagement s’est effectué sans heurts, tant pour Lou, sa fille de 10 ans, que pour Gabriel Di Giorgi, son conjoint illusionniste.
« Je ne savais pas qu’on allait m’accueillir comme ça, rayonne la chanteuse. On m’arrête tout le temps pour me dire qu’on m’aime. J’étais à l’aéroport de Munich cet hiver et quatre Québécois qui passaient m’ont dit : “On est tellement contents que tu sois rentrée.” Rentrée... Ils m’ont fait tellement plaisir en utilisant ce mot. Moi, c’est ce que je ressentais, mais quand tu es partie depuis 15 ans, tu ne sais plus trop à quoi t’attendre. »
Avec sérénité
Après avoir surmonté de nombreux obstacles au cours des dernières années, notamment des problèmes de santé qui auraient pu torpiller sa carrière, Lara Fabian dégage une sérénité apaisante en personne. La lauréate de plusieurs prix Félix apprécie davantage le moment présent. Elle chérit également chaque seconde passée sur scène, un endroit dont elle s’est éloignée en 2013 et 2014 en raison de violents chocs auditifs.
« Le moment du concert, son unicité, c’est quelque chose que je n’avais pas saisi plus jeune. Pour les gens, le transfert d’émotions qu’on provoque sur scène est infiniment plus important qu’une nouvelle toune qui atterrit sur Spotify. D’autant plus que maintenant, il y en a trois milliards qui sortent chaque minute ! »
Auteure-compositrice
Plusieurs ont tendance à l’oublier, mais Lara Fabian n’a pas seulement posé sa voix sur quelques-unes des ballades les plus mémorables des années 1990 et 2000. Elle les a également écrites. D’Immortelle à Tu t’en vas, en passant par Je t’aime, Tout et J’y crois encore, la chanteuse est derrière tous ses tubes en français. Elle a également cosigné chacun des titres de Camouflage, son plus récent album anglophone paru en octobre. À défaut d’avoir enflammé les palmarès, cet opus a reçu un accueil favorable des critiques.
Quand on lui demande si elle croit que ses talents d’auteure-compositrice n’ont jamais été reconnus à leur juste valeur, Lara Fabian hésite.
« Je n’ai jamais appuyé là-dessus, répond-elle. Même quand je voyais que les gens ne savaient pas forcément que j’écrivais mes chansons, je n’en faisais pas de cas. Parce que je ne voulais pas qu’ils aient l’impression que j’avais besoin de revendiquer quelque chose ou que j’avais envie de sucrer le sucre. J’ai fait la paix avec tout ça. »
Si j’étais un homme...
Les qualités d’auteure-compositrice de Lara Fabian seraient-elles davantage saluées si elle était un homme ? Devant cette question, la principale intéressée esquisse un sourire.
« Peut-être... Parce que je suis une femme, c’est compliqué... Mais après, est-ce qu’on passe son temps à se lamenter ? Ou est-ce qu’on essaie de passer au travers avec grâce ? Je préfère trouver des façons de naviguer à travers ça. »
« Je veux me concentrer sur ce que les gens aiment de moi, et non sur ce qu’ils n’aiment pas, poursuit la battante. C’est ce que j’ai appris en vieillissant. Ils ne t’aiment pas ? Et alors ? Ce n’est pas grave. Ça m’a pris du temps, penser comme ça. Ça n’arrive pas à 26 ans quand tu vends 4 millions d’un seul album et que, du jour au lendemain, tout le monde a une opinion sur toi. »
De Los Angeles à Moscou
C’est au Beacon Theatre de New York que Lara Fabian a amorcé sa nouvelle tournée mondiale en février. Au cours des dernières semaines, la chanteuse s’est arrêtée à Washington, Chicago, Los Angeles, Moscou, Kiev, Bucarest et Budapest. Le mois prochain, elle est attendue à Amsterdam et Athènes, avant d’aller visiter Prague, Paris, Berlin et Anvers plus tard cet été.
« Je réalise la chance que j’ai de faire une tournée à travers le monde qui réunit des 5000, 6000 et 7000 personnes par soir, indique la star belgo-canadienne. Les réactions sont très fortes. Peut-être même plus qu’avant. Ça fait énormément plaisir. »
Les spectacles que Lara Fabian donnera à Montréal et Québec en octobre prochain seront différents de ceux du Camouflage World Tour, majoritairement composé de chansons en anglais.
« Au Québec, ma volonté, c’est de fêter mon retour avec mes fans », déclare la chanteuse, qui promet de revisiter son répertoire francophone, avec des tubes comme Leila, Saisir le jour, La différence et Humana.
En spectacle
La chanson qu’elle n’a pas le choix de faire
► Pas sans toi
(Extrait du disque Carpe diem, paru en 1994)
« Parce que mes fans l’ont prise mot à mot pour eux. C’est leur chanson. Je peux la chanter en Bulgarie, en Russie, en Roumanie, en Belgique, en France ou même en Grèce... Tout le monde connecte. »
Une chanson moins connue qu’elle aime proposer
► Broken Vow
(Extrait de Lara Fabian, son premier album en anglais, paru en 1999)
« Parce qu’elle n’a pas été popularisée par moi. C’est Josh Groban qui l’a fait connaître. Et personne ne sait que c’est moi qui l’ai écrite. Quand je chante Broken Vow en spectacle, je peux presque entendre le monde faire : “Hein ?!” Et j’explique pourquoi j’ai écrit cette chanson, à quel moment ça s’est passé, etc. Ce sont mes aficionados qui savent que c’est ma toune. »
Un succès qu’elle n’a plus envie de faire
► Tout
(Extrait du disque Pure, paru en 1996)
« C’est mon premier grand succès en France. Mais c’est une chanson avec laquelle la connexion se fait plus difficilement aujourd’hui. J’ai un peu plus de mal à rentrer dedans. Je sais qu’éventuellement, je vais la refaire, mais pour l’instant, elle est plus compliquée à aller chercher. Peut-être parce qu’elle évoque un moment par rapport auquel je suis moins solide. Ce qui est génial en musique, c’est quand tu entres en résilience avec une chanson. Par exemple, je suis en résilience avec Je t’aime. Il n’y a plus rien qui me fait mal dans cette chanson que j’ai écrite. Au contraire, elle me fait juste du bien. Avec Tout, ce n’est pas tout à fait le cas. »
► Lara Fabian en spectacle au Théâtre St-Denis de Montréal, les 12 et 13 octobre.
► Au Centre Vidéotron de Québec le 14 octobre.