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L’appel de la nature de Jean Provencher

Chaque semaine, notre chroniqueuse municipale Karine Gagnon va à la rencontre de personnalités marquantes de la région de Québec.

Jean Provencher, photographié à la Galerie d’art uNo sur la rue Cartier, croit qu’encore beaucoup de facettes de notre histoire n’ont pas été explorées.
Photo Jean-François Desgagnés Jean Provencher, photographié à la Galerie d’art uNo sur la rue Cartier, croit qu’encore beaucoup de facettes de notre histoire n’ont pas été explorées.

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Toujours aussi habité par sa passion de l’histoire sous toutes ses coutures, à 75 ans, Jean Provencher a trouvé le meilleur remède pour bercer ses jours, à la campagne où les beautés de la nature n’en finissent plus de l’émerveiller.

Le prolifique historien, conférencier et écrivain m’avait donné rendez-vous dans un café de la rue Cartier. « Quelle personne extraordinaire, il a tant de choses à raconter, vous n’allez pas vous ennuyer », me lance d’emblée la propriétaire, une sympathique Acadienne d’origine qui apprécie bien ses discussions avec ce coloré client.

Il est en effet impossible de s’ennuyer avec ce conteur et communicateur hors pair, talent qui l’a aussi amené derrière le micro et à la télévision.

M. Provencher possède son pied à terre dans le secteur. Il revient pour travailler, entre deux bouffées de grand air de la campagne à sa maison dans les Bois-Francs, qu’il a acquise il y a plus de 40 ans.

« Quand on me demande : tu prends quoi comme médicament à 75 ans ? Je prends quelque chose pour l’hypertension, parce que c’est de famille, mais mon médicament, c’est ma campagne. C’est ma santé, mon refuge, mon retrait, mon calme.»

Jean Provencher, photographié à la Galerie d’art uNo sur la rue Cartier, croit qu’encore beaucoup de facettes de notre histoire n’ont pas été explorées.
Photo Jean-François Desgagnés

Grande fresque

Ce n’est certainement pas un hasard si parmi la trentaine de livres qui lui ont valu de nombreux prix, sa préférée demeure Les Quatre saisons dans la Vallée du Saint-Laurent. Lorsque je lui pose la question sur sa préférence, celui qui fut le premier biographe de René Lévesque proteste gentiment : « Il ne faut pas me demander lequel de mes enfants je préfère... »

Bien vite cependant, il cite cette grande fresque, ouvrage de référence sur la vie dans ce coin de pays, « avant l’avènement du chemin de fer, du catalogue et du magasin à rayons, explique l’historien en préface. Nature et culture se conjuguaient alors plus intimement. Les sociétés humaines étaient à la veille d’un décollage technique qui devait complètement bouleverser l’organisation de l’espace et du temps, mais leur pression sur le milieu, leur activité prédatrice, était encore toute artisanale.»

J’ai eu le sentiment, en lisant ces quelques lignes, que M. Provencher décrivait presque le quotidien qu’il s’est créé à la campagne, où il s’évade entre deux obligations et dont il entend profiter le plus longtemps possible.

Son statut de travailleur autonome, auquel il tient depuis toujours, lui permet d’organiser son agenda en conséquence. Là-bas, pas d’internet ni d’ordinateur, que le chant des oiseaux qu’il adore observer et photographier, ce dont témoignent de nombreux billets qu’il publie sur son blogue à son retour en ville.

Jean Provencher, photographié à la Galerie d’art uNo sur la rue Cartier, croit qu’encore beaucoup de facettes de notre histoire n’ont pas été explorées.
Photo Jean-François Desgagnés

Drame de Rosalie

Lorsqu’il évoque cette nature dont la subtilité n’a de cesse de le bouleverser, on perçoit bien toute la sensibilité de l’homme. Ça aussi, c’est de famille. « La sensibilité, c’est bien, mais quand c’est trop vif, ça paralyse, alors il faut être prudent », souffle-t-il.

Né à Trois-Rivières, dont il garde un accent teinté d’un r roulé, M. Provencher a grandi dans une famille de sept enfants. Petit, il rêvait de devenir paléontologue. « Je suis allé en histoire parce que ça ne me tentait pas d’être prêtre, architecte, médecin, avocat », dit-il.

Après son cours classique, il a pris sa décision, aidé par son mentor, Jean Hamelin.

Bien des pans de l’histoire n’ont pas encore été explorés, souligne-t-il, dont celle des enfants au Québec, « qui est à faire ». Il observe, à travers sa lecture des journaux d’antan, qu’on a souvent été durs avec nos enfants.

L’historien est très touché, comme bien des gens au Québec, par le drame de la petite Rosalie Gagnon, deux ans, retrouvée morte dans une poubelle. « J’ai écrit un billet sur mon blogue, en disant : écoutez, je ne vous parle pas de toutes les histoires d’enfants que je retrouve dans les journaux d’époque parce que vous ne viendrez plus sur mon site. »

Bien des familles nombreuses comptent d’ailleurs leur histoire triste touchant des enfants. La sienne n’y échappe pas. Il a découvert un jour que Béatrice, qu’il avait toujours appelée « ma tante », avait été abandonnée par son père, comme ses cinq frères et sœurs, après le décès subit de leur mère encore très jeune. « Les enfants se sont levés le matin, et le gars était parti. Ils ne l’ont jamais retrouvé, il n’a jamais redonné signe de vie. »

Les familles se sont mises ensemble et ont pris chacun un enfant. Lorsqu’il avait sept ans, un frère de Béatrice, grand monsieur mince en imperméable noir, est débarqué chez eux et leur a remis un 78 tours sur lequel il chantait. « C’est triste et c’est beau, et ça s’appelle Dans le hameau. Ces lieux où tout est tranquille, où tout dort en paix, dans le lointain, moi je suis seul, et sans asile, pourquoi mon Dieu je suis orphelin », cite l’historien, qui a compris beaucoup plus tard toute la portée de ces paroles, qui le rendent émotif.

Soif de savoir

Celui qui est père de deux grands enfants, et qui a quatre petits-enfants, apprécie beaucoup les conférences dans les écoles. Il y est souvent invité, de même que dans des bibliothèques. « C’est une merveille, ça ne manque pas, ils démolissent chaque fois mon plan parce qu’ils ont plein de questions, dit-il en riant. J’adore ça qu’ils foutent mes affaires en l’air, ils ont soif de parler et de comprendre. C’est beau de voir ça. »

M. Provencher croit que trop de pans de notre histoire demeurent encore inexplorés. Il cite celles de la nuit au Québec, et du paranormal, qui a nourri l’imaginaire de bien des Québécois depuis des siècles. Il travaille depuis longtemps sur l’histoire de la vie à la ville en 1900.

Mais surtout, entre deux recherches, il découvre des merveilles à la campagne. Il s’y ressource, en symbiose avec les oiseaux, les papillons et toute cette vie qui évolue, depuis toujours, au rythme des saisons.

En rafale

Échographie du cœur

L’an passé à pareille date, pris d’étourdissements et d’arythmie, Jean Provencher a cru que son cœur allait flancher. « J’ai dit à mon médecin : Docteure, je pense que je suis en train de mourir. » Chose à ne pas faire, lance-t-il en riant, puisqu’il en a été quitte pour une batterie de tests à l’hôpital du Saint-Sacrement. Ceux-ci ont révélé... une carence en vitamine B12.

« Moi qui pensais que j’étais fini, je n’en revenais pas. » Cet épisode fut aussi pour lui l’occasion d’entendre quelque chose d’extraordinaire. « Si jamais on vous propose une échographie du cœur, dites oui, me dit-il les yeux grands. J’ai entendu le vrai son que fait mon cœur, avec l’aorte et les autres valves : c’était une véritable symphonie. »


Jean hamelin, son mentor

L’historien Jean Hamelin fut le premier professeur d’histoire de Jean Provencher, dont il devint le mentor. « Il est parti trop tôt, à 66 ans », regrette-t-il. Après un cours, il lui avait demandé ce qu’il voulait faire plus tard. « Je lui avais dit que je m’étais inscrit en histoire, mais que c’était écrire, que j’aimerais. »

Il l’a invité à son bureau la semaine suivante, et l’a invité à écrire un article pour un cahier de géographie du Québec, sur les relations entre les deux rives le long du fleuve Saint-Laurent, en 1750. C’est ainsi que s’est engagée officiellement sa longue relation avec l’histoire.


Émeute de Québec

Il y a 100 ans, Québec était le théâtre d’émeutes sanglantes qui ont fait quatre morts, dont un adolescent de 14 ans. Jean Provencher a écrit un livre sur le sujet en 1971, qui a été réédité en 2014. Québec sous la loi des mesures de guerre, 1918 raconte ce sombre chapitre de l’histoire de Québec, où d’innocentes victimes ont péri sous les mitrailleuses de l’armée canadienne, dans le quartier Saint-Sauveur.

« C’est un livre qui ne veut pas mourir », observe M. Provencher, qui se réjouit de voir que ces victimes n’ont pas été oubliées. Après la parution du livre, Paul Hébert en avait fait une pièce de théâtre, puis l’œuvre avait été adaptée avec succès pour le télé-théâtre, en 1975.

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