Une victime du pasteur Claude Guillot décrit 10 ans de punitions qu'il a subies
Le pasteur Claude Guillot est accusé de violences sur des enfants
Coup d'oeil sur cet article
Une présumée victime du pasteur Claude Guillot a décrit, lundi, les punitions qu’elle dit avoir subies pendant 10 ans avant de réussir à s’enfuir, à l’âge de 15 ans, de la maison du quartier Chauveau où elle était captive.
À l’âge de cinq ans, Marc-Antoine (prénom fictif) a été « placé » par son père chez le pasteur Guillot.
Depuis maintenant cinq ans, il tente de se réapproprier la signification du mot « liberté », un concept qu’il n’a jamais connu alors qu’il fréquentait l’école du pasteur accusé d’avoir posé d’innombrables gestes de violence à l’égard de six présumées victimes.
« Dans la Bible, il y a un passage qui dit que les légers, Dieu va les punir ou les faire mourir. Il disait que je riais trop facilement... que je ne portais pas assez le poids de mon péché », a raconté le jeune homme, droit comme un « i » à la barre des témoins.
Il fallait donc « corriger ceux qui ne craignaient pas la colère de Dieu » et pour punir, l’accusé semblait faire preuve de beaucoup d’imagination.
3 semaines à copier
Il y avait d’abord les copies et les compositions qui étaient, selon le témoin, « une conséquence de base ».
À une reprise, il a dû écrire environ 10 000 fois la phrase « Dieu hait l’hypocrisie et la désobéissance ». Cela lui a pris près de trois semaines. Il a ensuite dû faire des « compositions » qui, elles aussi, pouvaient s’échelonner sur plusieurs jours.
« Ma plus longue a duré du mois de mai au mois d’octobre 2009. Cet été-là, j’ai pu sortir dehors trois fois », a ajouté le jeune homme dans son témoignage.
Puis, il y avait la punition du « debout », où il devait se tenir dans un coin, pieds en 45 degrés, les mains le long du corps, paumes fermées.
« Entre 2006 et 2008, j’ai dû faire un minimum de six mois debout. Le plus que j’ai fait, ç’a été du 31 mars au 10 mai 2007. Ç’a duré 41 jours », a-t-il dit candidement au juge Christian Boulet, qui lui a offert de poursuivre son témoignage assis.
C’est en 2006 que les squats ou « up and down » ont débuté. Mains sur les hanches, dos droit, les fesses devaient toucher les talons lors de la flexion. Le 29 décembre 2009, il en a fait 4300 avant d’être frappé parce qu’il ne les avait pas faits « comme il faut ».
Pas reconnu par sa mère
Le 10 mai 2014, sans argent, Marc-Antoine a fui la maison de celui qu’il avait fini par appeler « papa » et il s’est réfugié dans un autobus du RTC.
« Le chauffeur a été très sympathique avec moi. Il m’a demandé où j’allais, si je me sauvais de quelqu’un... Je n’avais pas d’argent, mais il m’a donné un transfert et indiqué quel bus prendre pour aller chez ma mère. Je suis arrivé chez elle vers 16 h 30. J’ai cogné. Elle ne m’a pas reconnu... Ça faisait 10 ans qu’elle ne m’avait pas vu. »
Extraits du témoignage de Marc-Antoine*
« M. Guillot traitait ma mère de salope, de menteuse, de querelleuse, de calomniatrice. J’ai cru pendant longtemps que ma mère était une personne démoniaque. »
« Quand tu fais du “debout”, ça draine tellement d’énergie que la nourriture qu’on me donnait, je n’étais pas capable de la prendre. Je vomissais. »
« Je faisais du “debout” de 6 h à 22 h. La seule chose qui m’encourageait, c’était le tic de l’horloge au sous-sol qui marquait les heures. »
« Plusieurs fois, après des épisodes de squats, j’avais du mal à marcher. Un matin, après 300, je n’étais pas capable de descendre au sous-sol et ils ont dû m’aider. »
« Un des garçons a déjà passé 11 repas... Il était vert... Ce n’était pas beau à voir. Un autre a déjà fait 8000 squats. Il a commencé vers 7 h le matin et il a terminé en milieu d’après-midi. »
*(Prénom fictif)