J'ai visité la demeure de la Reine
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Et si j'avais eu tort... Cette question me hante depuis que j'ai pondu un papier qui remettait en question l'utilité de la monarchie et de sa représentante, la gouverneure générale.
Rongé par le remord, je me dis qu'il n'y a rien de tel que d'aller sur le terrain pour se faire une idée. Je me rends donc à Rideau Hall, la demeure de la Reine lorsqu'elle séjourne au Canada. Comme elle n'y vient pas souvent, c'est la gouverneure générale Julie Payette qui arrose les plantes et nourrit le chat pendant son absence.
Inspiré par Tintin et par Justin Trudeau, je décide de revêtir un déguisement pour passer inaperçu. (Malheureusement, je ne peux vous le révéler maintenant, je risquerais de griller ma couverture, voir compromettre ma sécurité).
Avant d'entrer dans les jardins de Sa Majesté, on s'enregistre dans une petite cabane où on nous brieffe sur ce qu'on s'apprête à vivre. Même avec ce sympathique préambule, rien ne pourrait préparer le voyageur fébrile au degré d'excitation qui l'attend.
Une preuve parmi tant d'autres: la pelle ayant appartenu à l'ancien gouverneur David Johnston, protégée par un plexiglas, servant à nous expliquer le protocole du plantage d'arbres royaux. Bonne chance pour résister à la tentation d'aller te faire tatouer un unifolié en couleur sur l'avant-bras.
D'ailleurs, lorsqu'on se promène dans les jardins royaux, on peut admirer tous ces arbres commémoratifs plantés par des chefs d'État à travers les années. Par contre, pour cet érable à sucre planté en 1947 par le Président américain Harry Truman, j'ai comme un doute. Un érable de 71 ans? Ça? Ma théorie : le gars qui passe la souffleuse royale dans les jardins l'a accidentellement déraciné et s'est empressé de le remplacer, pensant que personne ne remarquerait. C'était sans compter mon flair de fin limier.
Puis, on arrive à une sorte d'arche de la Confédération qui souligne les grands moments de l'histoire canadienne. Beau moment de recueillement.
Après avoir retrouvé mes sens, j'arrive enfin face à l'Eldorado de l'identité canadienne.
D'infatigables touristes asiatiques prennent quelques clichés de l'extérieur de la demeure royale et remontent aussitôt dans leur bus. Un peu leur manière de rendre hommage à François Bugingo : « J'y étais ».
Sans doute ont-ils été déçus par le fait que la Fontaine de l'Espoir ne soit pas en activité. Même le plombier de Sa Majesté semble perplexe.
Après de longues minutes, (l'attente en aura valu la peine) j'assiste à un grand moment qui fera vibrer ma fibre canadienne jusqu'au grand voyage. (J'en parle et j'ai des frissons).
« Au début de mon mandat, j’ai demandé aux Canadiens ce qu’ils aimeraient offrir en cadeau au Canada pour souligner son cent cinquantenaire. Cette nouvelle avant-cour et fontaine constituent en effet un formidable cadeau pour notre pays. Elles nous permettent d’agrandir nos espaces culturels et cérémoniels extérieurs et de les rendre plus accessibles», justifiait pompeusement Son Excellence le très honorable David Johnston, gouverneur général du Canada.
Puis, toujours habilement déguisé, je parviens finalement à me faufiler dans la demeure royale parmi une horde de cinq touristes déchaînés. On nous présente une salle où l'on fait normalement attendre les dignitaires étrangers alors qu'ils peuvent se divertir en parcourant une sélection de livres canadiens. On peut également admirer une courtepointe qui nous rappelle l'esprit créatif qui anime parfois ce grand pays.
Notre guide nous explique des faits intéressants sur ce lustre censé contenir plus de 12 000 cristaux de Waterford, don du gouvernement britannique et qui, nous dit-on, est lavé à la main une fois par année.
Je ne dirais pas que je commence à m'ennuyer mais soudain, motivé par un zèle de photographe de terrain, je signe une mémorable série sur les luminaires royaux. World Press Photo me voici!
Un autre moment fort de la visite, c'est bien sûr la salle où sont installés les portraits des différents gouverneurs généraux du Canada. Le son de mes genoux qui claquent enveloppe la pièce.
La visite touche à sa fin. J'ai tout juste le temps de méditer sur l'expérience que je viens de vivre, parcourant alors la dernière salle remplie de phrases inspirantes dignes des meilleurs livres de croissance personnelle. Je suis un meilleur humain qu'au début de la visite. Je le sais.
Ah et j'oubliais les armoiries de la gouverneure actuelle. « Par les asperges, jusqu'au Astral 2000, rue Ontario Est ». (C'est du latin).
Mission accomplie comme dirait Georges Bush fils.